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LA PAPAUTÉ MATÉRIELLE TROISIÈME PARTIE :

Exposition et démonstration de la Thèse - Réponse aux objections

Par M. l'abbé Donald J. Sanborn

Note : cet article a été publié dans la revue Sodalitium n°49

Nous concluons, avec cette troisième partie, la publication de l’étude de l’abbé Sanborn “De papatu materiali” traitée par Sacerdotium n°XVI pars verna 1996. Pour la compréhension de cette partie, nous prions les lecteurs de se référer aux deux premières, publiées in Sodalitium n°46, p. 60 et n° 48, p. 4.

 

Exposition et démonstration de la Thèse

THÈSE : Celui qui a été élu à la papauté par un conclave convoqué légalement et dans la forme requise, mais qui a l’intention d’enseigner l’erreur ou de promulguer des lois mauvaises ne peut recevoir l’autorité papale tant qu’il ne se repent pas et qu’il ne rejette pas l’erreur ou les lois mauvaises. En d’autres termes il n’est pas Pape formellement ; mais il reste désigné validement à recevoir le pouvoir papal, c’est-à-dire qu’il est Pape matériellement jusqu’à sa mort ou jusqu’à ce qu’il renonce ou encore jusqu’à ce qu’un conclave légal ou une autre autorité compétente ait vérifié que le siège est vacant.

 

Preuve de la première partie :

 

Majeure : L’autorité papale n’est pas conférée par Dieu à une personne qui, même si elle est désignée validement, met un empêchement à recevoir l’autorité papale.

 

Mineure : Or, celui qui a l’intention d’enseigner l’erreur ou de promulguer des lois mauvaises met un empêchement à recevoir l’autorité papale.

 

Conclusion : Donc l’autorité papale n’est pas conférée par Dieu chez une personne désignée validement mais qui a l’intention d’enseigner l’erreur ou de promulguer des lois mauvaises.

 

Preuve de la majeure : De ce qui est dit plus haut. L’autorité considérée dans le concret est composée de l’union de deux parties, l’une matérielle et l’autre formelle. Cette union ne peut s’accomplir s’il y a un empêchement, par analogie avec les éléments naturels.

 

Preuve de la mineure : La condition sine qua non pour recevoir l’autorité est que celui qui la reçoit ait l’intention de promouvoir le bien commun de la communauté dont il est le chef. Or le bien commun de l’Église est d’enseigner la vérité aux hommes, de les conduire au ciel par la bonne route et de les sanctifier par des sacrements véritables et valides. L’autorité de l’Église est donc ordonnée essentiellement à enseigner aux hommes la vérité, à les conduire au ciel par la bonne voie, à les sanctifier par des sacrements véritables et valides. Donc, ceux qui ne tendent pas à ces fins mettent un empêchement à recevoir l’autorité.

Preuve de la seconde partie :

 

Majeure : La désignation légale à la papauté ne peut se perdre que de trois manières : 1) par la mort du sujet ; 2) par le refus ou la renonciation volontaire du sujet ou 3) par la privation de la désignation du sujet de la part de l’autorité compétente.

 

Mineure : Or celui qui est élu par un conclave convoqué légalement selon les formes requises mais qui a l’intention d’enseigner l’erreur ou de promulguer des lois mauvaises (comme Jean-Paul II), n’est pas mort, n’a pas volontairement refusé ou renoncé à la désignation, n’a pas été privé [de la désignation] par l’autorité compétente.

 

Conclusion : Donc, celui qui a été élu par un conclave convoqué légalement selon les formes requises mais qui a l’intention d’enseigner l’erreur ou de promulguer des lois mauvaises (comme Jean-Paul II) n’a pas perdu sa désignation légale à la papauté.

 

Preuve de la majeure : Du Droit Canonique (Canon 183 § 1) : Ne s’appliquent pas à la papauté ni la translation ni l’échéance du délai fixé par l’acte de provision.

 

Preuve de la mineure : Des faits. Jean-Paul II 1) est vivant, 2) a accepté la désignation du Conclave et n’y a jamais renoncé, 3) n’a pas été privé [de la désignation] par l’autorité compétente.

 

Réponse aux objections

Objections à la première partie de la Thèse

 

I. Est erronée la thèse qui attribue aux fidèles le droit d’accuser celui qui a été élu à la papauté de ne pas vouloir le bien de l’Église, puisque ce droit revient seulement à l’autorité compétente.

Or, la Thèse attribue aux fidèles le droit d’accuser celui qui a été élu à la papauté de ne pas avoir l’intention de faire le bien de l’Église. Donc la thèse est erronée.

 

Réponse : Je distingue la majeure : Il n’appartient pas aux fidèles mais à l’autorité compétente d’accuser légalement celui qui a été élu à la papauté de ne pas avoir l’intention de faire le bien de l’Église. Je concède. Il n’appartient pas aux fidèles mais à l’autorité compétente d’accuser en tant que personne privée celui qui a été élu à la papauté de ne pas vouloir faire le bien de l’Église. Je nie. Et je contre-distingue la mineure : la Thèse prétend que les fidèles accusent légalement celui qui a été élu à la papauté de ne pas vouloir faire le bien de l’Église, je nie ; en tant que personne privée, je concède. Et je nie la conclusion. Les fidèles n’ont pas le droit de condamner légalement un élu à la papauté, ils ont seulement la possibilité de donner un jugement privé en comparant les innovations du Concile Vatican II avec le magistère et la praxis précédente. La raison en est que les fidèles ne peuvent donner leur assentiment à des principes contradictoires. Puisque le magistère du Concile Vatican II contredit le magistère précédent, les fidèles ne peuvent pas ne pas accuser, par jugement privé, celui qui promulgue ce “magistère” comme les fidèles de Constantinople accusèrent Nestorius.

 

II. Est erronée, et même a un caractère protestant, la thèse qui attribue aux fidèles le droit d’examiner par jugement privé les actes et le magistère d’un concile général ou du pape. Or dans la Thèse que vous soutenez, les fidèles examinent par jugement privé les actes et le magistère d’un concile général ou du pape. Donc la Thèse est erronée, et a un caractère protestant.

 

Réponse : Je distingue la majeure : les fidèles n’ont pas le droit d’examiner par jugement privé les actes et le magistère d’un concile général ou du Pape en tant qu’eux (les fidèles) peuvent ne pas donner leur assentiment au magistère de l’Église. Je concède. En tant qu’ils ne peuvent pas comparer le magistère avec le magistère précédent, je nie. Et je contre-distingue la mineure et je nie la conclusion. Les fidèles, de fait, doivent faire la comparaison, parce que la Foi Catholique est une seule et toutes ses vérités sont cohérentes entre elles. La vérité naturelle ne peut pas non plus supporter la contradiction parce que ce n’est pas concevable ; et plus encore la contradiction répugne à la vérité surnaturelle et à l’habitus surnaturel avec lequel on donne son assentiment à ces vérités.

 

III. S’il y a contradiction entre le magistère de Vatican II et le magistère précédent les fidèles doivent présumer que la contradiction est seulement apparente et non réelle. Or d’après votre Thèse les fidèles n’ont pas cette présomption. Donc la Thèse est erronée.

 

Réponse : Je nie la majeure parce qu’elle est absurde. Il est métaphysiquement impossible de donner son assentiment à deux normes dogmatiques contradictoires entre elles. Donc les fidèles ne peuvent pas donner leur assentiment au magistère du Concile Vatican II et en même temps approuver le magistère précédent parce qu’ils se contredisent. Donc, pour que les fidèles donnent leur assentiment en même temps aux deux magistères il faudrait qu’ils interprètent avec leur jugement privé l’un ou l’autre acte de magistère afin qu’ils deviennent cohérents. Mais de cette manière la notion même de magistère est détruite puisque les fidèles en se basant sur leur jugement propre perdent le motif surnaturel d’adhésion au magistère. En outre, chacun des fidèles donnerait son interprétation et tomberait facilement dans l’erreur. Et même, les fidèles ne peuvent pas établir avec leur jugement personnel si une contradiction dans le magistère est apparente ou réelle, mais ils ont un seul devoir à propos de la contradiction : adhérer au magistère antécédent et repousser la doctrine qui le contredit. Interpréter le magistère revient seulement au magistère et non aux fidèles.

 

IV. Ceux qui acceptent la Thèse et les sédévacantistes en général, sont semblables aux “Vieux Catholiques” qui accusaient le Concile Vatican I de se détacher de la tradition de l’Église en promulguant la doctrine de l’infaillibilité pontificale.

 

Réponse : Il n’y a aucune analogie entre les Vieux Catholiques et les catholiques d’aujourd’hui qui refusent les erreurs du Concile Vatican II. La raison en est que personne ne peut trouver dans le magistère de l’Église la condamnation de l’infaillibilité pontificale. Si les Vieux Catholiques avaient pu trouver dans le magistère précédent que la doctrine de l’infaillibilité du Pontife est appelés “délire” ou condamnée comme “doctrine perverse” ou “réprouvée, proscrite et condamnée” par l’autorité apostolique du Pape précédent, alors à raison ils auraient refusé cette doctrine nouvelle et contradictoire. C’est en effet avec ces mots que Pie IX a condamné la doctrine de la liberté religieuse. Il est évident que ces mots n’ont jamais été prononcés avec référence au dogme de l’infaillibilité pontificale. Donc la comparaison ne vaut pas.

 

V. Ceux qui acceptent la Thèse et les sédévacantistes en général, sont semblables aux partisans du Père Feeney qui interprétait à sa façon la doctrine selon laquelle il n’y a pas de salut en dehors de l’Église.

 

Réponse : Ce sont plutôt ceux qui donnent une interprétation bienveillante au Concile Vatican II qui sont semblables au Père Feeney : ils n’essayent pas d’interpréter le Concile Vatican II selon le magistère de ceux qui l’ont promulgué mais donnent à ce Concile une interprétation propre qui diffère de celle qui lui a été donnée par le “magistère” de Paul VI et de Jean-Paul II. Interpréter, en effet, n’est rien d’autre que découvrir la pensée ou l’intention de l’auteur. Mais l’auteur du magistère est celui qui enseigne. Donc Jean-Paul II est l’authentique interprète du magistère du Concile Vatican II. Autrement quand l’Église promulgue un document les fidèles tomberaient dans une interprétation personnelle du magistère et chacun adopterait une interprétation propre suivant son opinion personnelle. Au contraire seul le magistère est l’authentique interprète du magistère et l’Église enseignée n’a pas le droit de l’interpréter de manière personnelle. En outre l’interprétation que Jean-Paul II donne du magistère du Concile Vatican II est hétérodoxe non seulement dans les mots mais aussi dans les faits. Donc c’est justement que les Catholiques repoussent ce magistère.

 

Deux colonnes pour comprendre facilement la Thèse Jean-Paul II

LIGNE FORMELLE

1) Il n’est pas pape formellement

2) Il ne possède pas l’autorité papale

3) Il n’est pas pape simpliciter

4) Il ne peut légiférer

5) Il est hérétique formellement en réalité et devant Dieu (s’il est pertinace)

6) Il n’est pas membre de l’Église en réalité et devant Dieu (s’il est pertinace)

 

7) Il a renoncé tacitement à l’office en réalité et devant Dieu (s’il est pertinace)

 

Réponse aux objections (suite)

LIGNE MATÉRIELLE

 

1) Il est pape matériellement

2) Il possède le droit à la papauté

3) Il est pape secundum quid

4) Il peut désigner d’autres personnes aux offices

5) Il est hérétique matériellement (puisque l’imputabilité n’est ni notoire ni déclarée)

6) Il est membre de l’Église devant la loi de l’Église (puisque l’imputabilité n’est ni notoire ni déclarée)

7) Il n’a pas renoncé tacitement à l’office (puisque l’imputabilité n’est ni notoire ni déclarée)

Objections à la seconde partie de la Thèse

 

VI. Le Canon 188 § 4 dit que celui qui publiquement s’est détaché de la Foi catholique renonce tacitement à son office. Or les “papes conciliaires” se sont détachés publiquement de la foi catholique. Donc ils ont renoncé tacitement à leur office. Donc ils ne sont papes ni formellement ni matériellement.

 

Réponse : Je distingue la majeure : le Canon 188 § 4 dit que celui qui publiquement s’est détaché de la Foi catholique renonce tacitement à son office, si son imputabilité est publique, je concède ; cependant si elle est occulte je nie. La raison en est que la défection de la Foi doit être constatée légalement, ce qui arrive ou par une déclaration ou par notoriété. Mais la notoriété exige que non seulement le fait du délit soit connu publiquement, mais que le soit aussi son imputabilité (Canon 2197). Or, dans le cas de défection de la Foi catholique ou par hérésie ou par schisme, il est nécessaire pour qu’elle soit imputable que la défection soit pertinace. Autrement la loi deviendrait absurde : n’importe quel prêtre qui par inadvertance dans une homélie exprimerait une hérésie serait coupable d’hérésie notoire, avec toutes les peines connexes et renoncerait tacitement à son office. Or la défection de la Foi catholique de la part des “papes conciliaires”, bien qu’elle soit publique par rapport au fait, n’est pas publique par rapport à l’imputabilité. Donc il n’y a pas de renonciation tacite. Ce qui est publique, c’est l’intention de ces “papes” de promulguer les erreurs condamnées par le magistère ecclésiastique et une praxis sacramentelle qui est hérétique et blasphématoire. Étant donné que la situation est celle-ci, on doit conclure que nécessairement ils ne possèdent pas l’autorité apostolique, ni plus ni moins. Ni plus, puisque seule l’autorité compétente peut vérifier et déclarer légalement la réalité de leur défection de la Foi catholique ; ni moins, puisqu’il est impossible que l’autorité apostolique, à cause de l’infaillibilité et de l’indéfectibilité de l’Église, promulguent des erreurs qui ont été condamnées par le magistère ecclésiastique, et une praxis sacramentelle qui est hérétique et blasphématoire.

Instance : Mais le Canon 188 dit que la renonciation ne requiert pas de déclaration.

 

Réponse : Elle ne requiert pas de déclaration de vacance de l’office, si la défection imputable est notoire ou déclarée par la loi, je concède ; si la défection n’est pas notoirement imputable ou déclarée, je nie. En d’autres termes, il est nécessaire que la défection publique de la Foi catholique ait une certaine reconnaissance juridique ou par notoriété de l’imputabilité ou par déclaration légale.

 

Instance : Mais l’imputabilité de la défection de ces “papes” est notoire.

 

Réponse : je nie. Pour que l’imputabilité soit notoire, il est nécessaire que 1) celui qui a exprimé l’hérésie reconnaisse publiquement professer une doctrine contraire au magistère de l’Église, comme fit Luther ; ou bien que 2) après avoir été admonesté par l’autorité ecclésiastique il refuse publiquement ladite autorité. Or chez les “papes conciliaires” ni l’une ni l’autre de ces conditions ne sont satisfaites. Donc l’imputabilité de la défection n’est pas notoire.

Instance : Mais le Canon 2200 présume l’imputabilité si le fait du délit a été prouvé.

 

Réponse : je distingue : il présume l’imputabilité, quand il y a eu violation extérieure de la loi, je concède ; il présume l’imputabilité quand il n’y a pas eu violation extérieure de la loi, je nie. Dans le cas de défection de la Foi catholique, la violation de la loi sous-entend la pertinacité, si celle-ci manque, la loi n’est pas violée. Donc, où la pertinacité n’est ni notoire ni déclarée par la loi, on ne peut appliquer le Canon 2200. Je pense cependant qu’il n’y a pas une vraie contradiction entre ceux qui soutiennent le Canon 188 et les partisans de la Thèse : tous s’accordent sur le fait que Jean-Paul II ne possède pas l’office de la papauté puisque posséder l’office est la même chose que jouir de l’autorité ou juridiction. La Thèse enseigne que Jean-Paul II maintient le droit à la papauté (jus in papatu) c’est-à-dire maintient une désignation légale à la papauté. Or la désignation à l’office n’est pas possession de l’office. Donc il n’y a pas incompatibilité entre les deux argumentations. Toutefois, que fassent attention les partisans du Canon 188 puisque logiquement leur argumentation implique que 1) Jean-Paul II a été élu légalement à la papauté ; 2) qu’au moins pour une période il a eu la possession de la papauté légitimement et avec plénitude [!], puisque personne ne peut renoncer à un office s’il ne l’a pas eu avant ; 3) que Jean-Paul II en tant que plein possesseur de la papauté est au-dessus du droit canonique et par conséquent ce Canon ne peut lui être appliqué. La Thèse en vérité va au-delà du droit canonique et repose sur des notions philosophiques de l’autorité qui peuvent être appliquées y compris à la suprême autorité du Pontife Romain.

VII. Il est impossible que la matière existe sans la forme. Or dans la Thèse, la matière du pape existe sans la forme du pape. Donc la Thèse est erronée.

 

Réponse : Je distingue la majeure. Il est impossible que la matière existe sans la forme c’est-à-dire que la matière première existe en acte sans la forme substantielle, je concède ; qu’un être par soi [pas accidentel] ne puisse exister sans ses propres accidents, je nie. La substance est matérielle seulement par analogie par rapport aux accidents qui lui sont propres, qui à leur tour sont formels seulement par analogie quant à la substance, en tant qu’ils en sont les perfections.

De la définition d’accident on peut déduire avec évidence que la substance peut subsister sans accident. Comme il a été dit avant, un pape en tant que pape est un simple être per accidens ; donc composé de matière et de forme seulement lato sensu et seulement par analogie à un être per se. La désignation à la charge de la papauté génère un droit en celui qui possède cette désignation, de plus l’autorité elle-même est un droit et tout cela ce ne sont pas des accidents. Il est absolument clair qu’un homme peut exister sans ces accidents et peut posséder la désignation sans cependant posséder aussi l’autorité.

 

VIII. Si les électeurs n’ont pas le droit d’élire un pape, alors la personne élue par eux n’est pas vraiment désignée à la papauté. Or les électeurs des “papes du concile” n’ont pas le droit d’élire puisqu’ils sont hérétiques. Donc celui qui est élu par eux n’est pas vraiment désigné à la papauté.

 

Réponse : Je concède la majeure. Je nie la mineure et la conclusion. Les électeurs des “papes” du concile c’est-à-dire Paul VI, Jean-Paul Ier et Jean-Paul II ont le droit d’élire puisqu’ils n’ont pas perdu ce droit pour cause d’hérésie pour plusieurs raisons : 1) leur défection de la Foi catholique n’est ni déclarée ni notoire pour la raison dite plus haut (Objection VI). Donc il n’y a ni renonciation tacite ni censure ; 2) le droit d’élire n’est pas juridiction. Ce n’est pas un droit de légiférer. Ce n’est pas un office. C’est une pure faculté morale de désigner légalement celui qui doit recevoir l’autorité suprême. Donc pour posséder et pour exercer ce droit on ne requiert rien d’autre sinon que quelqu’un soit légalement désigné par quiconque a le droit légal de désigner les électeurs du pape. La possession de l’autorité, c’est-à-dire le droit de légiférer exige que le possesseur ait l’intention de diriger l’Église aux fins qui lui sont propres, au contraire la possession du droit de désignation requiert seulement que le possesseur veuille le bien de la continuité de la hiérarchie de l’Église. Or les électeurs actuels, même s’ils sont en général favorables au Concile Vatican II et au Novus Ordo, veulent objectivement le bien de la continuité de la hiérarchie ecclésiastique. Donc, ils possèdent validement et légalement le droit de désigner, et celui qui a été élu a été élu validement et légalement et possède un droit légal à la papauté.

 

IX. Celui qui reçoit le droit d’élire d’un non-pape n’a pas un droit valide et légal à élire un vrai pape. Or les électeurs des “papes du concile” sont désignés électeurs par un non-pape. Donc, ils n’ont pas un droit valide et légal à élire un vrai pape.

 

Réponse : Je distingue la majeure. Celui qui reçoit le droit d’élire le pape de celui qui n’est pas non plus pape matériellement, je concède ; de celui qui n’est pas pape seulement formellement, je nie. Je contre-distingue la mineure et je nie la conclusion. La raison en est que, comme je l’ai dit avant, l’autorité a un double objet : l’un, qui regarde le fait de légiférer, l’autre qui regarde la continuité du corps de l’Église. A proprement parler, l’autorité, qui est le droit de légiférer, concerne le premier objet et provient directement de Dieu ; au contraire le droit de désigner qui à proprement parler n’est pas l’autorité, concerne l’autre objet et provient de l’Église. Or celui qui a été élu à la papauté reçoit en lui l’autorité tout de suite après qu’il ait accepté l’élection, pourvu qu’il ne mette aucun obstacle à recevoir l’autorité, comme je l’ai dit avant. Donc, il peut arriver que celui qui a été élu à la papauté reçoive en soi le droit de désigner, qui concerne la continuité du corps de l’Église, mais ne reçoive pas l’autorité qui concerne la promulgation des lois ; en ce cas le pape élu (c’est-à-dire pape seulement matériellement) désignera validement et légalement les électeurs des papes, mais ne pourra validement et légalement légiférer. C’est le cas des “papes du concile”, qui désignent donc validement et légalement les électeurs des papes, même des papes du Novus Ordo.

 

X. Celui qui n’est pas membre de l’Église ne peut en être le chef. Or “les papes du concile” ne sont pas membres de l’Église. Donc ils ne peuvent en être le chef.

 

Réponse : Je distingue la majeure. Celui qui n’est pas membre de l’Église ne peut en être le chef formellement, je concède, il ne peut en être le chef matériellement, je nie. La raison en est qu’être chef matériellement, comme il est dit avant, implique seulement la désignation à recevoir la papauté ; mais la forme, qui est l’autorité, exige que le désigné soit membre de l’Église. Par exemple, Saint Ambroise a été désigné à l’épiscopat de Milan quand il était encore catéchumène (donc, il n’était pas baptisé et était hors de l’Église). S’il avait refusé le baptême, il n’aurait pas pu recevoir l’autorité, mais serait également resté évêque-élu tant que cette désignation ne lui aurait pas été ôtée. Mais même au cas où quelqu’un veuille rejeter cet argument, il sera nécessaire de distinguer la mineure : les “papes du concile” ne sont pas membres de l’Église face à Dieu et en réalité, je le concède comme étant seulement probable puisque seulement probablement ils sont obstinés dans l’hérésie ; ils ne sont pas membres de l’Église face à la loi, je nie : en tant que leur pertinacité dans l’hérésie n’est ni prouvée ni présumée par la loi. Toute la force de l’objection dépend de la possibilité de démontrer leur pertinacité et, sans une déclaration de l’Église, c’est extrêmement difficile. En outre, au cas où existerait un doute concernant leur pertinacité ou leur imputabilité, la présomption de droit serait en faveur de l’accusé et la preuve tomberait.

Instance : Même les hérétiques qui errent de bonne foi ne sont pas membres de l’Église.

 

Réponse : Je distingue : les hérétiques qui sont nés dans des sectes non-catholiques, qui errent de bonne Foi, ne sont pas membres de l’Église, je concède ; mais les hérétiques qui ont été baptisés dans l’Église Catholique, qui errent de bonne Foi, ne sont pas membres de l’Église, je nie. Cette distinction est de la plus grande importance et ceux qui ne la font pas tombent dans une grande confusion. La raison en est que ceux qui ont reçu le baptême sont légalement membres de l’Église tant qu’ils ne cessent pas de l’être 1) par hérésie notoire et pertinace ; 2) par schisme pertinace et notoire ; 3) par apostasie pertinace et notoire ; 4) par excommunication. Les trois premières raisons impliquent la pertinacité, c’est pourquoi elles n’ont pas de valeur pour cet argument. L’excommunication peut être ou latæ sententiæ ou déclaratoire. Dans la première, l’argument ne vaut pas puisque les censures contre l’hérésie requièrent l’imputabilité (c’est-à-dire pertinacité) notoire. Si au contraire l’excommunication a été déclarée l’argument est valide. Si au contraire l’excommunication n’a pas été déclarée, l’argument n’est pas valide. Or l’excommunication n’a pas été déclarée, donc l’argument n’est pas valide. Ceux qui sont nés dans des sectes non catholiques, même s’ils ont erré de bonne Foi, légalement on présume qu’ils se sont obstinés dans l’erreur, donc ils sont légalement en dehors de l’Église même s’ils peuvent être membres de l’Église par désir.

Instance : Le Canon 2200 § 2 présume l’imputabilité quand il y a violation extérieure de la loi.

 

Réponse : C’est une petitio principii. Invoquer le Canon 2200 est un cercle vicieux puisque la violation de la loi dans le cas d’hérésie requiert la pertinacité. Qu’on lise la loi (Canon 1325 § 2) : si quelqu’un, après réception du baptême, retenant le nom de Chrétien, nie avec pertinacité l’une des vérités à croire de Foi divine et catholique ou la met en doute, il est hérétique ; s’il abandonne complètement la Foi catholique, il est apostat ; si enfin il nie la soumission au Souverain Pontife ou refuse la communion avec les membres de l’Église à lui sujets, il est schismatique. Donc, il n’y a pas de violation extérieure de la loi là où il n’y a pas pertinacité externe. Mais même si l’on veut appliquer le Canon 2200 § 2, la présomption d’imputabilité dans la violation de la loi contre l’hérésie n’a aucune valeur sans une déclaration de l’Église, puisque la présomption doit céder devant les faits. De facto cependant, il n’est pas certain que ces “papes” soient hérétiques obstinés, ni qu’il y ait une autorité compétente ou un tribunal en mesure de déclarer le fait de la pertinacité. Toute l’argumentation vacille du fait de la difficulté de prouver ou même de présumer la pertinacité. En d’autres termes quand l’autorité manque ou quand elle cesse d’opérer une grande confusion naît et la certitude dans les questions légales devient extrêmement difficile sinon impossible. Ce discours finit toujours par un discours sur la pertinacité de ces “papes” ce qui est, à mon avis, une question sans issue.

 

XI. La Thèse est absurde parce qu’elle affirme que quelqu’un peut en même temps être et ne pas être pape.

 

Réponse : ceux qui expriment cette objection ne comprennent pas la distinction réelle existante entre acte et puissance ni la distinction entre non-être simpliciter et être en puissance. Nous leur conseillons de consulter des manuels de philosophie aristotélico-thomiste.

 

XII. La Thèse n’a aucun fondement dans le Droit Canonique.

 

Réponse : je nie. Si vous cherchez dans les questions concernant la vacance des offices ecclésiastiques vous trouverez la distinction entre offices qui sont vacants 1) de jure et de facto ; 2) de jure mais non de facto ; 3) de facto mais non de jure. La Thèse soutient que l’office de la papauté est vacant de facto mais non de jure en ce sens : Jean-Paul II de facto ne possède pas l’office de la papauté mais possède un droit à la papauté du moment qu’il n’y a eu aucune déclaration contraire de la part d’une autorité compétente (1). En d’autres termes, Jean-Paul II est titulaire légal de la papauté mais il n’a pas la possession de la papauté puisqu’il met un obstacle à recevoir l’autorité.

 

Appendice II

Confirmation de la Thèse par les écrits de Thomas de Vio Cardinal Cajetan

De Comparatione Auctoritatis Papæ et Concilii, c. XX (2).

 

Étant présupposée la certitude des trois points suivants, à savoir que le Pape par le fait qu’il est devenu hérétique n’est pas automatiquement déposé par droit humain ou divin, et que le Pape n’a pas de supérieur sur terre et que le Pape s’il dévie de la Foi doit être déposé, comme il est dit dans le chap. Si Papa, XL D., une grande incertitude demeure quant au comment et par qui le Pape à déposer doit être jugé pour être effectivement déposé, puisqu’un juge en tant que juge est supérieur à celui qui est jugé.

 

C’est pourquoi l’Apôtre dans la lettre aux Romains XIV, 4 dit : “Qui es-tu, toi qui juges le serviteur d’autrui ? C’est pour son maître qu’il demeure ferme ou qu’il tombe” et Saint Thomas dans la IIa IIae, q 67 déclare que le juge peut juger seulement le sujet et comme il est dit aussi dans les Décrétales D. XXI, chap. Inferior.

 

Si en effet le Pape doit être jugé et déposé par un Concile Universel, il s’ensuit immédiatement que, restant Pape il a au-dessus de lui le Concile Universel, au moins en cas d’hérésie. Si au contraire ni le Concile, ni l’Église ne sont au-dessus du Pape, il s’ensuit immédiatement qu’un Pape qui dévie de la Foi doit être jugé et déposé et cependant personne ne peut le juger et le déposer. Et ceci est absurde.

 

Que dirons-nous donc pour éviter ces deux extrêmes ? Nous ne pouvons rien faire d’autre que nous tourner vers la voie médiane, à laquelle on arrive difficilement : dans la réalisation de laquelle consiste cette vertu qui normalement résout beaucoup de questions.

 

Nous disons donc qu’existent deux voies extrêmes, toutes les deux fausses. L’une est celle selon laquelle le Pape devenu hérétique est déposé ipso facto par droit divin, sans jugement humain : l’autre est celle selon laquelle le Pape, restant Pape, sur terre a au-dessus de lui un pouvoir supérieur par lequel il peut être déposé.

 

Mais la voie médiane se divise encore en deux : l’une dit que le Pape n’a absolument pas de supérieurs sur terre, mais qu’en cas d’hérésie il a comme supérieur sur terre l’Église universelle, l’autre dit que le Pape ni simpliciter ni pour un cas particulier n’a un supérieur sur terre mais est soumis au pouvoir ministériel de l’Église universelle seulement pour ce qui concerne la destitution.

 

La première voie est fondée sur la force coercitive et judiciaire de l’Église sur Pierre Pape en cas d’hérésie : en effet pour être jugés il faut être sujets et contraints. Telle est la voie communément suivie à ce que j’ai vu jusqu’à présent.

 

Il faut opposer à cette voie le fait que, comme nous l’avons vu, le Pape par droit divin est au-dessus du Concile et de l’Église ; il s’ensuit que si en quelque cas particulier il en est sujet, il faudrait que cette exception soit établie par le droit divin. En effet il est évident qu’aucun autre droit inférieur ne peut établir cette exception. Or dans le droit divin quand on établit l’exception du cas d’hérésie on ne parle pas de soumission mais bien de séparation, comme il apparaît clairement en chacun des textes de la Sainte Écriture allégués : Nom. XVI, 26 il est dit : “Éloignez-vous” ; ad Gal. I, 8 : “Qu’il soit anathème”, c’est-à-dire : “qu’il soit séparé” ; ad Thess. III, 6 : “Tenez-vous à l’écart” ; 2 ad Cor. VI, 14 : “Ne traînez point le même joug” ; 2 Jn XI : “Ne le recevez pas et ne le saluez pas” ; ad Tit. III, 10 : “Rejette”. En résumé, nulle part je ne trouve que le droit divin parle de supériorité ou infériorité en cas d’hérésie, mais seulement de séparation. En effet il est connu que l’Église peut se séparer du Pape uniquement au moyen de cette puissance ministérielle avec laquelle elle peut l’élire. Donc, du fait que par droit divin a été sanctionné que l’hérétique soit évité et soit étranger à l’Église, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une puissance plus grande que la puissance ministérielle : c’est pourquoi elle est suffisante et se trouve dans l’Église.

 

Pour confirmation de ceci, que l’on remarque que l’on ne doit pas attribuer au droit divin ce qui ne se trouve pas en lui ou ne découle pas nécessairement de ce qui y est exprimé. Or dans le droit divin on ne parle pas au sens strict d’un pouvoir au-dessus du Pape en cas d’hérésie, et on ne peut pas non plus le déduire comme conséquence nécessaire du droit divin. Donc on prouve la mineure : qu’il n’en n’existe pas, je pense que c’est évident pour celui qui lit. Je dis “je pense” parce qu’un schisme imminent m’a conduit de façon inattendue à écrire ce court essai en deux mois. Et qu’en vérité l’on ne puisse non plus le déduire [du droit divin], cela apparaît évident du fait que, puisqu’il ne convient pas de multiplier les êtres sans nécessité, il est préférable d’établir un principe que d’en établir plusieurs. Puisque la puissance ministérielle est suffisante, point n’est besoin d’une autre.

 

Ce sera donc la voie médiane la vraie voie, puisqu’un Pape devenu hérétique et qui persévère dans l’hérésie, sur terre n’a pas une puissance qui lui soit supérieure, mais seulement une puissance ministérielle pour sa destitution.

 

Donc, pour prouver ceci, remontant un peu en arrière, il faut d’abord exprimer trois points. En premier lieu : dans le pape existent trois éléments, la papauté, la personne qui est pape, par exemple Pierre, et l’union de ces deux éléments, c’est-à-dire la Papauté en Pierre et de cette union résulte Pierre Pape.

 

En second lieu : en reconnaissant et en appliquant chaque cause à l’effet qui lui est propre, nous trouvons que la papauté provient immédiatement de Dieu, Pierre provient de son père, etc. ; mais l’union de la Papauté en Pierre, après que le premier Pierre ait été institué de manière immédiate par le Christ, ne vient pas de Dieu mais d’un homme, comme cela apparaît évident, parce qu’elle se produit par l’intermédiaire d’une élection de la part des hommes.

 

Deux consentements humains concourent à cet effet, à savoir celui des électeurs et celui de l’élu : il est en effet nécessaire que les électeurs élisent volontairement et que la personne élue accepte volontairement l’élection, autrement il ne se produit rien. Donc, l’union de la Papauté en Pierre ne provient pas de Dieu de manière immédiate mais d’un ministère humain, soit de la part des électeurs, soit de la part de l’élu.

 

Le ministère humain pour produire cette union n’agit pas comme quand on unit l’actif au passif ou le feu aux chaumes ou la vertu de la passion du Christ au sujet, comme fait celui qui baptise et administre les sacrements, parce que dans notre cas on unit aucun actif mais la seule volonté humaine des électeurs et de l’élu : il ne serait pas facile d’imaginer quelque chose d’autre d’actif. Mais du fait que l’union de la papauté avec Pierre est un effet de la volonté humaine, quand la même constitue Pierre Pape il s’ensuit que bien que le Pape dépende seulement de Dieu in esse et in fieri, cependant Pierre Pape dépend aussi de l’homme in fieri. En effet Pierre est fait Pape par l’homme quand, élu par des hommes, l’homme élu accepte, et ainsi la papauté est unie à Pierre.

 

En troisième lieu : puisque assurément rien n’est aussi naturel que le fait que tout arrive au moyen de causes déterminées, inversement (il est naturel que) par la même cause [tout] soit annulé, comme il est dit dans le chap. Omnis, de regulis juris ; donc Pierre-Pape, qui a sa propre cause dans son consentement et dans celui de ses électeurs, en sens contraire peut être annulé par la même cause. Et ceci a été établi par Célestin V, et par la Décrétale de Boniface VIII, in VI°, de renunciatione, chap. I.

 

De ces trois prémisses en premier lieu il apparaît certain et sans l’ombre d’un doute que Pierre-Pape, soit en devenant tel, soit en étant déposé, dépend d’une puissance humaine non supérieure ou égale à la puissance du Pape, mais moindre parce que ni pour faire passer de Pierre-pas Pape à Pierre- Pape, ni en sens inverse, de Pierre-Pape à Pierre-pas Pape, n’est nécessaire une autre faculté sinon la faculté de la volonté humaine, c’est- -dire de l’élu et des électeurs. Et dans la question dont nous nous occupons il ne faut pas regarder la bonne ou mauvaise conscience, ou s’ils sont animés de bonne ou mauvaise intention ou raison ; dans cette question il faut s’en tenir aux faits pour qu’en vérité Pierre soit ou ne soit pas Pape.

 

Qu’aussi cette puissance soit inférieure à la puissance du Pape est évident même sans autre preuve du fait que, un Pape étant mort, même sans décision de droit positif cette puissance se trouve dans l’Église et ne s’étend pas aux choses auxquelles s’étend l’autorité du Souverain Pontife : autrement il y aurait dans l’Église deux puissances suprêmes et le Christ n’aurait pas institué un régime ecclésiastique monarchique. Et comme l’égal n’a pas pouvoir sur son propre égal, les Pontifes n’auraient pas pu imposer à cette puissance le mode d’exécution : c’est-à-dire par qui, par combien et comment doit avoir lieu l’élection et l’invalidité de l’acte si elle était faite différemment. Tout ceci démontre que cette puissance n’est ni inférieure ni égale mais inférieure à la puissance du Pape ; en effet c’est le propre d’une vertu supérieure de disposer avec autorité à l’égard d’un acte d’un inférieur de telle sorte que, si on l’accomplit différemment, il ne soit pas valide, comme c’est le cas dans la question qui nous occupe.

 

En second lieu il est très certain qu’une chose est d’avoir pouvoir sur la conjonction à établir ou à annuler entre Pierre et la Papauté, et autre chose est d’avoir un pouvoir sur le Pape. Du fait que la puissance inférieure à la papauté, c’est-à-dire la simple volonté de l’élu et des électeurs, peut faire ou défaire cette union et qu’une puissance de ce genre étant inférieure à la papauté n’a pas pouvoir sur le Pape, on démontre clairement qu’une chose est d’avoir pouvoir sur cette union et autre chose est d’avoir pouvoir sur le Pape. Donc il ne se trouve pas de puissance sur le Pape sinon en Notre-Seigneur Jésus-Christ, au contraire la puissance sur l’union de la papauté et de Pierre se trouve sur terre et à raison, parce que la papauté est œuvre de Dieu immédiatement alors que l’union de la papauté et de Pierre est notre œuvre.

 

Toi qui fais profession de philosophe tu ne t’étonnerais pas non plus du fait que se trouve une puissance au-dessus de l’union de la forme avec la matière, qui n’est pas au-dessus de la forme, puisque l’union de la forme avec la matière vient après. Ton étonnement cesserait si tu avais considéré que l’union de la forme et de la matière peut être considérée de deux points de vue, de la part de la matière et de la part de la forme et que ce qui a pouvoir sur l’union de la forme et de la matière de la part de toutes les deux ou de la part de la forme a aussi pouvoir sur la forme, mais ce qui a pouvoir sur cette union de la part de la matière point n’est nécessaire qu’il ait pouvoir sur la forme, comme cela est évident dans la génération de l’homme. “Le soleil et l’homme engendrent l’homme” (3) qui consiste en l’union du corps et de l’âme intellectuelle ou est issu de cette union et l’on sait que le soleil et l’homme n’ont pas pouvoir sur l’âme intellectuelle qui vient de l’extérieur, mais ils ont pouvoir sur cette union de la part du corps, qui est matière. C’est ce qui se passe dans la question qui nous intéresse : en effet la papauté et Pierre sont comme matière et forme et seul Jésus-Christ a pouvoir sur leur union de la part de la papauté et en conséquence des deux parties, et pour cette raison lui seul peut mettre des limites et établir la puissance du Pape ; l’Église a pouvoir sur leur union uniquement de la part de Pierre et pour cette raison ne peut rien sur le Pape, mais seulement sur l’union.

 

Et puisque l’amotion du Pape tant par renonciation, que par destitution, que par expulsion n’est pas dissolution de la papauté ni de Pierre mais de l’union de la papauté et de Pierre, il faut pour cela qu’avec la plus grande diligence et prudence quand il s’agit de l’amotion d’un Pape on ait toujours à l’esprit que ceci ne nécessite pas une puissance supérieure au pape, mais supérieure à l’union entre Pierre et la papauté.

 

Pour être plus clairs : il faut savoir qu’il est certain que Pierre-Pape vivant peut être privé de la papauté de trois manières : premièrement, par expulsion de la part de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; deuxièmement par renonciation spontanée de sa part ; troisièmement par destitution non voulue pour hérésie incorrigible, de la part de l’Église. Mais dans tous ces cas la papauté et Pierre ne cessent pas d’exister ; seule l’union des deux fait défaut, mais de manière différente pour chaque cas. Dans le premier, autrement dit par expulsion de la part de Notre-Seigneur Jésus-Christ cette union est dissoute par une puissance supérieure non seulement par rapport à l’union, mais aussi par rapport à la papauté : en effet l’autorité du Seigneur reste au-dessus de cette union de la part de la forme. Et puisque, comme il a été dit, il n’y a pas d’autre puissance au-dessus du Pape et que pour cela aucune autre puissance ne peut toucher cette union de la part de la forme, il s’ensuit qu’aucune autre puissance ne peut destituer le Pape comme puissance supérieure au Pape, mais c’est le propre de notre Sauveur.

 

Et c’est précisément de cette manière que doit être interprété ce que dit le Pape Anaclet D. LXXIX, Eiectionem qui affirme : “Le Seigneur se réserva à Lui-même l’expulsion des Souverains Pontifes”. En effet la différence entre le Pape et les autres Pontifes se trouve en cela, que les autres Pontifes peuvent être expulsés par une puissance supérieure à la puissance des Pontifes eux-mêmes, le Pape au contraire non ; parce que dans l’Église terrestre se trouve une puissance supérieure à la puissance juridictionnelle de l’évêque, mais ne se trouve pas une puissance supérieure à la puissance du Pape. Il découle de cela que le Seigneur a accordé au Pape leur expulsion en lui attribuant une puissance supérieure, mais s’est réservé pour Lui l’expulsion du Pape en n’accordant à personne d’autre une puissance supérieure à celle de la papauté. Donc, si le Pape Jean expulsait un évêque par la plénitude de sa puissance, cet évêque serait expulsé et n’aurait plus puissance de juridiction, mais dans l’Église le Seigneur n’a laissé aucune puissance qui puisse agir de la même manière contre Pierre-Pape. Dans la seconde manière, c’est-à-dire par renonciation et dans la troisième, par destitution, cette union est dissoute non par une puissance qui est au-dessus de la papauté mais par une puissance qui est au-dessus seulement de l’union, puisque ni la volonté de Pierre ni la volonté de l’Église ne sont au-dessus de la papauté et c’est justement de ces volontés que cette union provient et est dissoute, comme cela semble évident.

 

Puisqu’il est donc certain qu’un Pape qui est devenu hérétique incorrigible n’est pas automatiquement destitué et doit être destitué par l’Église et que l’Église n’a pas puissance sur la Papauté, et que l’Église a puissance au-dessus de l’union de Pierre avec la Papauté, en tant qu’elle est son œuvre, il faut dire que, quand Pierre, devenu hérétique incorrigible est déposé par l’Église, il est jugé et déposé par une puissance supérieure non à la papauté mais à l’union entre la papauté et Pierre.

 

Notes et références

Note [sur l'appendice] : cet écrit du Cardinal Cajetan, remontant à 1511, confirme notre thèse dans la mesure où il expose clairement la distinction, dans la Papauté, d’un élément formel d’un élément matériel et de la possibilité de séparer les deux. La Thèse cependant, n’épouse ni la position de Cajetan (Papa Hæreticus deponendus est) ni celle de Bellarmin (Papa Hæreticus depositus est), puisqu’elle fait totalement abstraction du cas du “Pape hérétique”.

Sodalitium

 

1) “Est dit vacant l’office dépourvu de titulaire ou de possesseur. Le Canon 183 § 1 énumère les causes de vacance : décès, renonciation, privation, amotion, translation, échéance du délai fixé par l’acte de provision. La diversité même de ces causes permet de distinguer plusieurs sortes de vacances. L’office peut être vacant plene, c’est-à-dire de jure et de facto, ce qui arrive quand il n’a ni titulaire, ni possesseur actuel par suite de décès. Il peut être vacant “minus plene”, ou de jure tantum, non en fait, quand il n’a pas de titulaire légitime, mais se trouve aux mains d’un possesseur actuel dépourvu de titre ; il peut enfin être vacant improprie, c’est- à-dire en fait, non en droit, lorsqu’il a un titulaire régulier, mais qui n’est pas en possession, soit qu’il l’ait perdue, soit qu’il n’ait pu encore prendre ladite possession. Tel serait le cas du curé non encore mis en possession.

La provision d’un office vacant de droit seulement ne peut être faite que moyennant la réalisation des conditions suivantes : la vacance doit être signifiée dans une déclaration conforme aux prescriptions du droit, et qui montre que le possesseur actuel de l’office est dépourvu de titre légitime. Mention de cette déclaration doit être faite dans l’acte de provision du nouvel officier” (Can. 151) [R. Naz : art. “Offices Ecclésiastiques” in Dictionnaire de Droit Canonique, Paris : Letouzey et Ané, 1957, Tome VI, col. 1086 & 1087]. Très probablement le canon 151 ne concerne pas la provision de la papauté, mais ce canon démontre le principe général selon lequel l’autorité compétente doit reconnaître légalement que l’office est vacant.

2) Confronto tra Autorità del Papa e Autorità del Concilio, Ediz. Istituto Angelicum, Romæ 1936.

3) Aristote, Phys., II, 2.

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