Article
Le mythe d'Hypatie
Par M. l'abbé Francesco Ricossa
Note : cet article a été publié dans la revue Sodalitium n°63. L'appendice intitulé "Païens et néo-païens (encore à propos d'Hypatie)" est une partie de l'article "Sodalitium n°63 : mises au point et approfondissements, objections et réponses…" publié dans le n°64 de la revue.
L'historien du Moyen Âge, Franco Cardini, est, dit-on, catholique, traditionaliste même à en croire certains, et lui-même se présente comme catholique pratiquant.
D'aucuns sont restés stupéfaits de certaines de ses déclarations, en marge de ladite “affaire Williamson”, déclarations par lesquelles Cardini se disait d'accord avec Gad Lerner pour définir Jésus-Christ comme juif et non chrétien, le christianisme étant une invention de Paul de Tarse (lire : Saint Paul), thèse mille fois réfutée dont l'auteur est un juif. Cardini écrit :
« Pour le reste, Lerner en appelle à Oz lequel a souligné que Jésus n'était pas chrétien mais juif : ils ont parfaitement raison, aussi bien Oz que Lerner. Tout réside dans le fait que le Jésus des chrétiens ne se cantonne pas au Jésus historique : Saul, un tisserand originaire de Cilicie, né pas loin du Liban, terre natale de Lerner, l'a bien expliqué (au-delà de l'attribution controversée de ses lettres, comme l'a justement rappelé Lerner). Jésus était hébreu certes : mais le projet d'un christianisme “hérésie judaïque”, pour ainsi dire, a été écarté lorsque la thèse de Paul et de Barnabé, thèse de l'Ecclesia et gentibus a battu la thèse de Pierre et de Jacques, l'Ecclesia et circumcisione. Le christianisme ne peut pas ne pas considérer le judaïsme comme lui étant “intrinsèque” : mais il est irrévocablement autre chose par rapport à lui ».
Mis à part le fait que Paul, Barnabé, Pierre et Jacques se sont trouvés d'accord au Concile de Jérusalem et que Pierre, et non Paul, fut le premier à accueillir les Gentils dans l'Église (mais ce n'est pas de cela ni d'autre chose que je veux parler), de nombreux lecteurs ont été choqués de la distinction faite par Cardini entre le “Jésus des chrétiens” et le “Jésus historique”, distinction qui ne rappelle que trop l'opposition moderniste entre le “Jésus de la foi” et le “Jésus de l'histoire”.
En réponse à André Carancini qui lui reprochait cette affirmation, Cardini allait plus loin, poussant jusqu'à mettre en doute l'existence de Jésus-Christ :
“Que la personnalité de Jésus soit authentiquement historique, n'est pas suffisamment prouvé de sources sûres. Je veux dire que, tradition scripturaire néotestamentaire mise à part (sur la valeur historique de laquelle est ouverte une polémique vertigineuse), ni Flavius Josèphe, ni Tacite, ni Trajan ne nous fournissent des preuves historiques suffisantes pour considérer comme historique la personne de Jésus comme on peut considérer comme historique, par exemple, le personnage de Jules César sur lequel existe quantité de “preuves entrecroisées” de type documentaire (annales, mais aussi documents légitimement considérés comme authentiques de type épigraphique, archéologique, imagier, etc.)”.
À ce point, que Cardini soit catholique, il n'y a, pour le croire, que lui à Florence (si, comme je le lui souhaite, il est de bonne foi) ou certains de ses amis à Saint-Marin.
Pour mon compte, je n'ai pas été surpris, sachant que Cardini, grande intelligence que j'ai eu le plaisir de connaître dans les années 70, est de ces penseurs que je définis “exules filii” d'Evola. Et ils sont nombreux.
L'esprit sulfureux de l'auteur d'Impérialisme païen (éditions Atanor de la dynastie franc-maçonne des Alvi) pointe çà et là sous la plume de l'historien toscan, par exemple dans la “fixation” qu'il fait sur Hypatie. Cardini ne perd pas une occasion de parler à ses lecteurs de la “martyre” païenne tuée par les chrétiens. La dernière fois, si je ne me trompe, c'était le 14 février 2010 dans les pages roses du Sole 24 ore, de la Confindustria [Confédération nationale du patronat] (p. 28), dans sa recension d'Azazel, un livre du musulman égyptien Yosuf Ziedan (1). De la littérature au cinéma, le pas est vite fait, et Cardini revient à sa fixation et invite les lecteurs à aller voir Agora, le film d'Alexandre Amenabar, “qui parle du martyre de la sage et chaste savante Hypatie, lapidée et mise en pièces par les bons moines chrétiens dans l'Alexandrie du IVème siècle”. Quelques jours auparavant, sur son site, à la date du 7 février, dans un article intitulé Hypatie, Cardini surenchérissait :
“Il ne fait aucun doute que le christianisme a eu des martyrs très purs et beaucoup d'hommes et de femmes qui ont su répondre avec amour à la persécution. Et pourtant en général, depuis l'édit de Théodose qui faisait du christianisme l'unique religion d'état de l'empire jusqu'à la colonisation-christianisation des peuples indigènes d'Afrique, d'Amérique et d'Australie, l'histoire de la conversion au christianisme dans le monde a été essentiellement – contrairement à ce que l'on dit et pense communément – une histoire de contrainte, de répression et d'oppression. Pour se répandre, l'Islam – encore une fois, contrairement à ce que l'on dit et pense – a eu beaucoup moins besoin que le christianisme de la violence.
À chacun sa vérité : et ne vous faîtes pas d'illusion, ce n'est pas une boutade paradoxale. Qui connaît un tout petit peu sérieusement l'histoire, sait très bien que c'est un fait avéré. Qui le nie est ou bien ignorant ou de mauvaise foi. Je suis disposé à faire vos délices avec une série d'articles à épisodes sur cette question divertissante. Vous en entendrez de belles. Et d'irréfutables.
Du reste, que de nos jours encore plusieurs bons chrétiens ne se sentent pas la conscience tranquille, un fait de chronique le prouve. En Italie, nonobstant les protestations et même la formation de comités – dont personne ne parle, ce qui est significatif – il n'y pas moyen de voir dans les salles cinématographiques le film d'Alexandre Amenabar (2), Agora.
Et pourquoi donc ? Les critiques du monde entier sont excellentes. J'ai vu le film à Paris et je puis assurer qu'il est excellent : historiquement de source très sûre, bien interprété, captivant et émouvant dans sa trame, le metteur en scène est des plus appréciés aujourd'hui. Et alors, qu'est-ce qui ne va pas ? Et qui empêche sa sortie [en Italie] ?
À la seconde question, je ne sais pas répondre. À la première, oui. Ce qui ne va pas est seulement le fait qu'Agora est l'histoire d'Hypatie, que même les lycéens devraient connaître. Hypatie était la fille du mathématicien et philosophe Théon, dernier directeur – pour ce que nous savons – du Musée d'Alexandrie. C'était une belle jeune femme, à son tour elle aussi philosophe et scientifique, dédiée à l'enseignement, au savoir et à la chaste vie du savant. Lors des émeutes qui eurent lieu dans la ville égyptienne, temple du savoir antique, durant l'année 415 après J.-C., Hypatie fut capturée par une bande de moines fanatiques venus du désert, traînée dans l'église du Kaisarion et mise littéralement en pièces. Derrière ces affreux moines sales et méchants – tristement connus comme circelliones ou circumcelliones – il y avait la vénérable figure du patriarche d'Alexandrie, Cyrille, Père de l'Église qui n'avait pas manqué d'inciter ces fanatiques contre la philosophe, l'accusant d'impiété et de magie. Un de ses vénérables collègues, Synésios de Cyrène, qui avait été élève d'Hypatie et en conservait un affectueux et respectueux souvenir, fut témoin de l'événement.
Certes, cela peut ne pas plaire d'assister au spectacle de cette lugubre racaille utilisant les croix comme armes contondantes. Mais nous ne sommes pas le moins du monde loin de la vérité historique”.
Qu'on ne puisse pas voir le film d'Amenabar en Italie, Cardini ne peut pas l'avaler (2). Pas plus qu'Alessandra Colla, qui fut la première à exhumer cette Hypatie tombée dans l'oubli en en publiant la vie, ou plutôt la mort, en 1985, dans un livre intitulé “Quella femmina fatta a pezzi” [Cette femme mise en pièce] aux éditions Ar de Franco Freda, qu'il est inutile de présenter. “Je crois vraiment – dit une Alessandra Colla indignée à Giovanna Canzano – que l'Italie n'est un État ni indépendant ni laïc : deux mille ans de Vatican sur le sol national ne sont pas une réalité à ignorer ou à sous-évaluer, et le poids du conditionnement chrétien catholique sur les coutumes et sur la société italienne se fait sentir trop souvent – je pense au cas Englaro, par exemple” (Chi ha paura di Ipazia ? [Qui a peur d'Hypatie], Arianna editrice.it ; mais alors le retournement laïciste de Fini n'est pas du tout fare futuro [Faire futur : fondation culturelle qui soutient le président de la chambre, Fini] mais retourner aux “éditions de Ar” ? – soit dit sans offenser Freda). Pour le reste, Colla est plus pondérée que Cardini, puisqu'elle déclare qu'on ne peut pas dire de saint Cyrille qu'il fut l'instigateur de l'homicide de son héroïne.
En réalité cette histoire d'Hypatie est un fait obscur et marginal de l'histoire (de la philosophe il ne nous est pas parvenu une seule ligne philosophique, nous ne connaissons rien de sa pensée si ce n'est qu'elle était néoplatonicienne ; et son extraordinaire beauté qui en fait un personnage romantique est tout à démontrer, etc. - écrit encore Colla). Le fait est que de temps en temps la pauvre Hypatie est réexhumée pour servir à des intérêts qui ne se cachent même pas. C'est ainsi qu'en 1914 quand le Théosophe Auguste Agabiti écrivit Ipazia : la prima martire della libertà di pensiero [Hypatie : première martyre de la liberté de pensée], tout le monde savait de quelle Loge venait l'écrit. Mais peu de gens savent qui fit d'Hypatie un symbole de la lutte maçonnique contre le christianisme. Bien peu de gens… mais non personne, grâce aussi aux éditions Clinamen qui, par les soins de Federica Turriziani Colonna ont traduit pour la première fois en italien le livre de John Toland, Ipazia. Donna colta et bellissima fatta a pezzi dal clero [Hypatie. Femme cultivée et très belle mise en pièces par le clergé] (titre original : Hypatia or the History of a most beautiful, most virtuous, most learned and in every way accomplished lady, who was torn to pieces by the clergy of Alexandria to gratify the pride, emulation and cruelty of the archbishop commonly but undeservedly titled St Cyril). Cette publication fait les délices de Piergiorgio Odifreddi, de Margherita Hack (fille – et peu de gens le savent – d'un théosophe), du Grand Orient d'Italie et de toute la UAAR (Unione Atei Agnostici Razionalisti) [Union des Athées Agnostiques Rationalistes]… qui en promeut la diffusion.
John Toland (1670-1722) publiait son pamphlet sur Hypatie en 1720. Trois ans auparavant, en 1717, avaient été fondées (ou refondées, pour ce qui concerne la Maçonnerie) en Angleterre deux sociétés ésotériques : la Maçonnerie et, avec le maçon Stukeley, l'Ordre druidique, dédié à la résurgence des mythes païens celtiques et nordiques (les héritiers contemporains de cette mythologie maçonnique ne manquent pas !). Toland défini, tour à tour, comme républicain, déiste, socinien, panthéiste, libre penseur, illuministe radical, anticipateur du matérialisme athée du XVIIIème siècle, etc. fut presque certainement impliqué dans l'une et l'autre de ces fondations (sur Toland et la Maçonnerie, cf. par exemple Margaret Jacob, The Radical Enlightenment, 1981 [L'Illuminisme radical]). Telles sont les sources du “mythe d'Hypatie”, depuis les Loges jusqu'aux salles cinématographiques.
Ceci étant dit pour le mythe (Hypatie en tant que machine de guerre des libres penseurs et des francs-maçons contre le christianisme), que dire de l'histoire ? Les auteurs classiques qui relatent l'épisode, faisant du personnage de saint Cyrille un tableau noir, ne sont pas impartiaux… Sur les uns pèse l'aversion religieuse (ceux qui dénigrent Cyrille sont aryens ou nestoriens) ou sur les autres l'aversion ethnicopolitique des Byzantins contre les Coptes. Et puis il y a les juifs. Les juifs ? Qu'ont-il à voir ici ? C'est un catholique authentique mais aussi historien authentique, Mgr Benigni qui nous le relate, avec son style mordant qui ne regarde pas à la personne, dans ces quelques lignes extraites de sa Storia Sociale della Chiesa [Histoire sociale de l'Église] (Vallardi éditeur, Milan, 1912, vol. II, tome I, pp. 406-408).
SAINT CYRILLE, HYPATIE, LES PAIENS ET LES JUIFS
Par Mgr Umberto Benigni
« … À Alexandrie même, Byzance était dignement représentée par le préfet Oreste, celui que nous avons vu jaloux des évêques. Les vexations, les provocations, les partialités du préfet avaient profondément irrité le peuple d'Alexandrie, déjà tellement agité de lui-même. Dans une telle ambiance des excès ne pouvaient manquer de survenir de part et d'autre.
À Alexandrie les juifs étaient très nombreux et, inutile de le dire, très influents sur le préfet impérial. À leur instigation Oreste fit torturer un certain Jerace maître élémentaire accusé par les juifs d'être un émissaire de Cyrille pour fomenter des désordres. L'ayant su, Cyrille appela les chefs des juifs et les avertit que s'ils ne cessaient de soulever des émeutes, ils en paieraient le prix.
Les juifs encore plus irrités et toujours plus enhardis par leur connivence avec le préfet, décidèrent d'attaquer de nuit les chrétiens et de mettre le feu à l'église dite d'Alexandre. Les chrétiens avertis à temps accoururent pour s'opposer à l'incendie, et il s'en suivit un affrontement sanglant.
Aux dires de Socrate, qu'il faut prendre ‘sous réserve d'inventaire', Cyrille (persuadé évidemment de l'inutilité et même du danger de recourir à Oreste) se mit à la tête des citoyens chrétiens, prit aux juifs leurs synagogues, les expulsa de la ville et laissa le peuple saccager leurs biens. Il est facile de remettre au point ces dits tendancieux de l'historien byzantin. Si les juifs se préparaient à couronner leurs séries de méfaits antichrétiens par l'incendie d'une église ; si le peuple accouru sauver l'église avait eu un terrible affrontement avec les brigands du ghetto, - il n'était pas vraiment besoin qu'intervienne Cyrille pour chasser les juifs des synagogues et d'Alexandrie, et “permettre” (sic) que la plèbe saccage les maisons. Si Cyrille intervint en tout cela, ce fut, sans aucun doute, opportun dans l'intérêt même des juifs, puisque sans l'intervention du très vénéré patriarche on comprend facilement que bien plus graves auraient été les effets de la réaction antisémite.
Le complice Oreste, rendu furieux par la tournure que prenaient les choses, écrivit à sa façon à l'empereur. Mais Cyrille ne perdit pas de temps ; lui aussi écrivit au César, lui envoyant un rapport sur les scélératesses commises par les juifs à Alexandrie. Entre-temps, pour calmer les esprits et dans l'intérêt commun, Cyrille avait envoyé des intermédiaires à Oreste pour l'apaiser et reprendre les relations. Le bon Socrate qui veut toujours attribuer le mal à Cyrille et le bien aux autres, insinue que Cyrille avait été contraint à ces pourparler de paix par le peuple d'Alexandrie : il faut ne rien connaître de l'histoire de ce peuple pour le croire.
Ce qui est certain est qu'Oreste ne voulut pas entendre parler de paix ; la situation devint de plus en plus tendue et les esprits toujours plus irrités. Les moines, très nombreux et très ardents, enclins aux excès tout comme ce peuple dont ils étaient issus directement (le monachisme égyptien était presque entièrement copte, et du reste, laïc) prenaient ardemment parti pour leur patriarche et détestaient le préfet corrompu et corrupteur.
Socrate raconte (toujours ‘sous réserve d'inventaire', ce qui serait plus opportun que jamais mais hélas impossible) : environ cinq cents moines de Nitrie se rendirent à Alexandrie ; et ayant rencontré Oreste, l'insultèrent le traitant de païen et de sacrificateur. Se voyant mal parti, Oreste affirma être chrétien ; mais un moine, un certain Ammonios, lança une pierre qui atteignit Oreste à la tête ; les licteurs effrayés (sic) se dispersèrent dans la foule, mais celle-ci pourchassa les moines. Ammonios fut arrêté et torturé à mort ; Cyrille voulait le faire vénérer comme martyr (Socrate, HE., XIV).
Les circonstances exactes de la mort de la philosophe Hypatie (Socrate, XV) tuée dans les débordements antisémites, sont également obscures. Ce qui est certain c'est que sa maison était le centre non pas tant d'une académie néo-platonicienne, que d'un véritable parti helléniste politico-social activement antichrétien.
Le peuple chrétien d'Alexandrie ne s'y trompa pas lorsqu'il vit dans la synagogue et dans la maison d'Hypatie deux centres de lutte antichrétienne, probablement alliés dans la pratique de leur haine commune. Si donc tout excès est à déplorer en général et la fin tragique d'Hypatie en particulier, l'historien ne peut pas ne pas constater que de semblables excès furent l'aboutissement naturel d'un état de choses intolérable. Alexandrie souffrait de plus en plus des trois plaies qu'étaient la synagogue, l'hellénisme païen, l'autorité d'un préfet vénal et partisan, et ce, sans trouver le moyen de s'en libérer pacifiquement et légalement. En d'autres circonstances analogues, de tous temps et en tous lieux, on a pu voir se déchaîner la fureur d'un peuple qui tente de remédier lui-même par le fer et le feu à la situation. Il est facile à un écrivain partisan, ancien ou moderne, de rejeter la responsabilité sur Cyrille ; mais il n'est pas difficile à l'historien serein et objectif de montrer l'aspect tendancieux de certains récits et le manque de preuves concernant certaines accusations.
Pour l'histoire sereine et objective, Cyrille d'Alexandrie est une grande figure religieuse et civile. Homme droit, aussi résolu qu'efficace, il voit l'erreur dogmatique de Nestorius tout comme le mauvais gouvernement d'Oreste : il les combat résolument, rudement, comme l'imposaient alors les temps et les personnes. S'il eut les défauts de ses qualités, nous pouvons bien l'exalter au dessus de nombre de ses contemporains et même de ses collègues qui eurent ou ses défauts ou les défauts opposés sans posséder ses qualités ou des qualités équivalentes. »
Notes
1) Dans son article, hostile aux chrétiens coptes, Cardini rappelle que ces derniers mirent à mort Hypatie au IVème siècle, mais ne rappelle pas que ces mêmes chrétiens coptes sont tués et persécutés dans l'Égypte des XXème et XXIème siècles.
2) En fait le film sera projeté aussi en Italie à partir du 23 avril. Le réalisateur hispano-chilien – homosexuel déclaré – a déjà tourné un film pour soutenir l'euthanasie (Mare dentro, intitulé Mar adentro dans sa version française). L'actrice protagoniste d'Agora qui personnifie Hypatie, Rachel Weisz, israélite hongroise, a durement attaqué l'Église catholique à Cannes. Mais pour Cardini il s'agit d'un film absolument objectif et véridique…
Appendice
Païens et "néo-païens" (encore à propos d'Hypatie) (S. 64)
Ugo Maria Tassinari, dans FascinAzione (Abbé Ricossa, Hypatie, et un livre qui n’existe pas, 3 septembre 2010) a corrigé ainsi une imprécision - concernant un écrit d’Alessandra Colla sur la philosophe néoplatonicienne - commise dans mon article Le mythe d’Hypatie (p. 51 du n° 63 de Sodalitium) :
“Mais en fait il n’existe aucun livre écrit par Alessandra Colla. Il s’agit par contre d’un petit essai d’une vingtaine de pages, publié dans un almanach des Éditions d’Ar, volume spécial de la revue Risguardo, pour l’anniversaire des vingt ans de la maison d’édition, qui tombait en 1984. Quoiqu’il en soit, l’année dernière, à l’occasion justement de la production cinématographique, Alessandra l’a republié intégralement sur son blog, avec une brève note de remise dans le contexte”. Il ne s’agit donc pas d’un livre, mais d’un “modeste essai”. De son côté, Alessandra Colla a répondu brièvement, toujours sur FascinAzione (De Ipazia, ovvero contro i buoni per imperizia) :
« Ça alors, Ugo, pour une publicité ! sérieusement merci pour la place que tu me dédies. À vrai dire, l’écrit de l’abbé Ricossa m’avait déjà été signalé par Giovanna Canzano (que je remercie encore de m’avoir permis de parler d’Hypatie tout à mon aise), mais je n’avais pas eu le temps de répondre. Et puis, pour tout dire, je n’avais pas non plus tellement envie de répondre. Disons que définir l’assassinat d’Hypatie comme un fait obscur et marginal est la preuve de ce que soutient Franco Cardini, et, plus modestement, moi : autrement dit que la représentation, filmée ou verbale de ce qui arriva à Alexandrie en mars 415 déplaît beaucoup à tous ceux qui s’obstinent à ne lire dans le christianisme qu’une apothéose de paix et de bonté — qui me rappelle beaucoup, comme disait Guido Gozzano, “... le bon que raillait Nietzsche /... en vérité je raille l’incapable qui se dit / bon, parce qu’il n’a pas les ongles suffisamment forts”. C’est ce qu’explique très bien Luigi Lombardi Vallauri dans son essai magistral “Nera luce” (3) quand il parle de la violence intrinsèque au message de Jésus.
L’abbé Ricossa est tout à fait libre de dire, d’écrire et de penser ce qu’il veut — sommes-nous ou non en démocratie ? Mais la vérité historique se trouve ailleurs. Du reste, si même le cardinal Tettamanzi, au grand mépris du ridicule, a eu le courage de dire que “tuer au nom de Dieu est le plus absurde crime contre l’humanité” (en 2006 Jean-Paul avait livré à la presse un livre intitulé ‘Ne pas tuer au nom de Dieu’) oubliant une partie des millénaires d’histoire de l’Église de Rome, pourquoi s’étonner ?
Merci pour l’hospitalité et bonne continuation ».
“La vérité historique se trouve ailleurs”. Qu’Alessandra Colla nous dise où ; dans mon article, j’aurais donc falsifié la vérité historique. Les faits sont ce qu’ils sont, et il me semble que ni le soussigné, ni Mgr Benigni n’avons falsifié, déformé, ou omis les faits. Une autre chose est l’interprétation des faits. La mort (que je ne veux pas justifier) d’Hypatie, une philosophe de la pensée de laquelle on ne sait pas grand’chose si ce n’est rien, est un “fait marginal” de l’histoire ; de même que l’on ne peut rien dire de certain sur la “responsabilité” de saint Cyrille (comme l’admet Colla elle-même) dans la mort d’Hypatie, et d’autre part, sur la responsabilité d’Hypatie dans la politique du Préfet Oreste en faveur des émeutes antichrétiennes des juifs d’Alexandrie (c’est pourquoi il s’agit d’un fait “obscur” basé seulement sur des historiens pas du tout objectifs comme Socrate).
En réalité, la pauvre Hypatie est, comme nous l’avons écrit, un “mythe”, non parce qu’elle n’a pas existé ou n’a pas été tuée - injustement - par des chrétiens, mais parce que son aventure est devenue un prétexte - de Toland à Voltaire, des éditions d’AR à l’Union des athées agnostiques rationalistes, des officines maçonniques aux libres penseurs - pour attaquer le Christianisme en tant que tel, et son Fondateur. Les quelques lignes de Colla le confirment. Le catholicisme libéral de Wojtyla et de Tettamanzi ne trouve pas grâce à ses yeux (et en cela elle a raison). Mais, ne trouve pas non plus grâce à ses yeux le catholicisme traditionnel, qui savait faire usage non de la violence mais de la force (il faut savoir comprendre la différence) en défense de la Vérité, et dont il ne se cachait pas. En réalité, ce qui intéresse ce ne sont pas les morts infligées ou subies par l’une ou l’autre partie, mais c’est le message même de Jésus, Logos de Dieu, auquel on préfère le nihilisme de Nietzsche, l’athée ennemi de la raison. “Les faibles et les ratés doivent périr” écrivait le pauvre Nietzsche repris aussi par le pauvre Gozzano (victimes l’un de la folie et l’autre de la tuberculose, sont-ils à considérer comme des faibles ou des ratés ?). Et alors... les chrétiens sont-ils “ineptes” - comme l’écrit Gozzano en odeur de maçonnerie ? ou sont-ils des crétins, comme l’écrit Odifreddi ? ou sont-ils, ou pour le moins s’efforcent-ils d’être, simplement disciples du Christ ? À Lui, Crucifié et Ressuscité, je confie les âmes de ceux qui L’ignorent encore ou Le méprisent parce qu’au fond, ils ne Le connaissent pas vraiment.