Doctrine
Les négociations en cours entre Jean-Paul II et la Fraternité Saint Pie X :
faits et considérations
Par M. l’abbé Francesco Ricossa
Note : cet article a été publié dans la revue Sodalitium n°53.
Voilà déjà deux ans (depuis le pèlerinage organisé par la Fraternité Saint Pie X à l’occasion de l’Année Sainte) qu’ont été rouvertes officiellement, après l’“excommunication” de 1988, les négociations entre la Fraternité et les représentants de Jean-Paul II. Le temps écoulé nous permet de faire déjà un premier bilan : les héritiers spirituels de Mgr de Castro Mayer se sont séparés de ceux de Mgr Lefebvre, et même entre ces derniers, division et désaccord règnent sur ce qu’il faut faire (démissions forcées de l’abbé Aulagnier, prises de positions opposées parmi les Évêques). Et voilà justement qu’en ce mois de mai 2002, les négociations ont été rouvertes !
Le temps de nous faire oublier ce qui s’est passé durant ces deux années (et les années précédentes). Et pourtant on dit : historia magistra vitæ !
Nous raconterons donc tout d’abord à nos lecteurs la succession des événements – le plus fidèlement possible – pour en donner ensuite un commentaire qui sera utile pour s’orienter dans la confusion créée par la situation actuelle.
PREMIÈRE PARTIE : LES FAITS
Les antécédents : de 1976 à 1988
Les négociations entre la Fraternité Saint Pie X et “Rome” (selon l’expression la plus couramment répandue chez les “traditionalistes”) (1), c’est-à-dire les représentants de Paul VI d’abord, de Jean-Paul II ensuite, sont un fait récurrent dans l’histoire vieille de trente ans de la société que Mgr Lefebvre fonda avec l’accord, ne l’oublions pas, d’un évêque diocésain fidèle au Concile Vatican II, Mgr Charrière.
Il est opportun de rappeler aux plus jeunes les négociations qui se sont déroulées dans le passé : après la crise de 1976 et suite à l’audience accordée par Paul VI à Mgr Lefebvre (11 septembre 1976), Paul VI confiait l’examen du cas à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et donc au Cardinal Seper. Après la mort de Paul VI et de Jean-Paul Ier (1978), Mgr Lefebvre fut immédiatement reçu en audience par Jean-Paul II : le procès se muta en négociation, négociation qui échouait en janvier 1979 (2). Les contacts se poursuivirent cependant, favorisés par la nomination du cardinal Ratzinger à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (3) : par ailleurs, dès le 17 septembre 1976, la Fraternité acceptait le principe du biritualisme, c’est-à-dire la coexistence pacifique du rite conciliaire et du rite traditionnel (4). Premier résultat concret, la concession de l’indult pour célébrer la Messe selon le rite tridentin (3 octobre 1984), indult initialement accueilli avec joie par le nouveau supérieur de la Fraternité, l’abbé Schmidberger (5), lequel, sur les conseils de “Rome”, promut alors une “pétition au Saint-Père” : les demandes faites à l’époque par l’abbé Schmidberger étaient substantiellement les mêmes que celles avancées par Mgr Fellay dans les négociations actuelles (6).
Malgré l’entrevue de janvier 1985 entre Mgr Lefebvre et le cardinal Ratzinger, on put constater que l’indult de 1984 ne constituait pas une “brèche” comme on l’avait pensé, qu’au contraire il enlevait des fidèles à la Fraternité Saint Pie X, et que le temps passait vainement. Mgr Lefebvre prit alors l’initiative : il annonça (comme une menace) – en juin 1987 – des consécrations épiscopales. Comme prévu et espéré (7), le cardinal Ratzinger entama immédiatement (8) des pourparlers afin d’éviter ces consécrations, pourparlers qui aboutirent à la nomination d’un visiteur apostolique bénévole en la personne du Cardinal Gagnon (1987) et à la signature d’un “protocole d’accord” par Mgr Lefebvre le 5 mai 1988. Jamais l’accord n’avait semblé si proche. Pourtant, le lendemain-même, Mgr Lefebvre retirait sa signature (9), le 30 juin il consacrait quatre évêques sans mandat pontifical, le 1er juillet il recevait la notification d’excommunication, et le 2 juillet était créée la Commission Ecclesia Dei qui devait gérer les contacts avec les “traditionalistes”.
Et pourtant, dans une entrevue au mensuel 30 Jours, Mgr Lefebvre prévoyait pour un proche avenir la réouverture des négociations… (10).
Avant le pèlerinage jubilaire, ou bien : qui a pris l’initiative de nouvelles négociations ?
La Fraternité Saint Pie X – dans le climat des négociations actuelles – a beaucoup insisté sur le fait que c’est le cardinal Castrillon Hoyos, sur mandat de Jean-Paul II, qui a pris l’initiative et non la Fraternité elle-même : “c’est Rome qui a pris l’initiative, - écrit par exemple l’abbé Laguérie - et Elle seule. Toute autre interprétation est historiquement fausse et conséquemment partisane” (11). C’est là une demi-vérité. Il est vrai, en effet, nous le verrons, qu’en novembre 2000, après le pèlerinage jubilaire de la Fraternité et l’interview de Mgr Fellay à 30 Jours, c’est le cardinal Castrillon Hoyos qui a pris l’initiative. Mais la Fraternité Saint Pie X s’employait depuis longtemps à préparer un nouveau climat qui rende possible l’ouverture…
La Fraternité prend l’initiative : avant le pèlerinage jubilaire …
Nous avons vu comment toute l’histoire de la Fraternité est constellée de longues périodes de tractations avec “Rome” interrompues par de violentes polémiques et des ruptures avec une “église conciliaire” définie alors comme “schismatique” (ou vice versa). Toutefois, après les consécrations épiscopales de 1988 l’attitude de la Fraternité s’était endurcie, et c’est compréhensible ; et puis il était nécessaire d’enrayer l’exode des “traditionalistes” qui, à la suite de Dom Gérard, de Jean Madiran, du Père de Blignières, de la Fraternité Saint Pierre, etc., avaient refusé les consécrations et accepté la Commission Ecclesia Dei.
Toutefois, du moins depuis 1998 – dix ans après les consécrations – un point devient visible aux yeux de tous : c’est l’existence d’un processus, engagé certainement depuis longtemps, de rapprochement avec “Rome” et les “traditionalistes Ecclesia Dei” de la part de la Fraternité Saint Pie X, ou en tous cas d’une bonne partie de cette Fraternité.
Ce à quoi on ne pouvait s’attendre, c’est que le chef de file (du moins le plus visible) de cette “nouvelle stratégie”, comme il l’appelle lui-même, soit le même qui, en 1988, avait mis le plus de conviction à soutenir Mgr Lefebvre dans sa décision de rompre les négociations et de consacrer les quatre évêques : je parle de l’abbé Paul Aulagnier, ex-supérieur du district français et second assistant du supérieur général, Mgr Fellay. Sa participation au pèlerinage romain organisé, du 24 au 26 octobre 1998, par la Fraternité Saint Pierre et par Una voce à l’occasion des dix ans de l’institution de la Commission Ecclesia Dei, suite à l’excommunication de Mgr Lefebvre fit du bruit – et même Sodalitium eut à en parler (12). Ledit abbé participa à la conférence du cardinal Ratzinger le 24 octobre, donnant le signal des applaudissements, il dîna avec les prêtres “Ecclesia Dei” qui avaient rompu, il fut un temps, avec la Fraternité, il célébra la messe à Saint-Pierre, chanta le Credo à la “messe” de Jean-Paul II, assista à la messe célébrée dans l’église Saint-Ignace pour les pèlerins…(13). L’initiative de l’abbé Aulagnier n’était pas une improvisation de notre exubérant et sympathique confrère, elle faisait partie d’une stratégie mise au point par une partie au moins des prêtres de la Fraternité : un congrès à la Mutualité de Paris pour le dixième anniversaire des consécrations, le 21 juin, avait en effet réuni les prêtres de la Fraternité – entre autres l’abbé de Tanoüarn – et quelques représentants des “catholiques Ecclesia Dei” ou d’autres milieux conservateurs (cf. Sodalitium n° 47 pp. 84-85 fr.). C’est l’abbé Aulagnier en personne qui, interviewé par l’abbé de Tanoüarn, explique la “stratégie” présidant à ces initiatives : “La Tradition catholique a troublé l’Église conciliaire, David contre Goliath, au point de la faire douter de ses certitudes mal acquises. Vous expliquez vous-même, M. l’abbé [de Tanoüarn], dans la revue Fideliter, que le cardinal Ratzinger essaie de répondre aux critiques de Mgr Lefebvre. Il y parvient plus ou moins bien : là n’est pas la question. Mais en tous cas, l’action publique entreprise par la Fraternité Saint Pie X a obligé l’autorité ecclésiastique à revenir sur ses doctrines, à recentrer son discours et sa pratique, et c’est tant mieux ! Nous sommes là pour ‘traditionaliser’ l’Église universelle. Mais, comme le dit M. l’abbé Duverger, dans votre lettre Pacte du mois d’octobre 2000, ‘il ne faut pas nous arrêter en chemin’. (…) Il faut sortir de nos tranchées, de nos ghettos, il faut, je le répète, sans peur, nous mettre au service de l’Église universelle, en utilisant notre liberté pour critiquer les nouvelles orientations dans la mesure où elles ne représentent encore que des replâtrages qui ne sont pas appelés à durer, et aussi pour souligner tout ce qui va dans le bon sens, sans nous perdre dans l’opposition stérile et dans la critique systématique. (…) Le temps n’est plus aux ermitages ni à la Petite Église. Le temps est au service de l’Église par le témoignage public rendu au droit de la liturgie traditionnelle et par le combat doctrinal. Je voudrais terminer en répétant quelque chose que je dis souvent : les sacres de 1988 ne sont pas la ligne de partage des eaux. Il faut arrêter de juger les gens en fonction de leur attitude à ce moment-là” (op. cit., pp. 243-244). “Les gauchistes disaient autrefois : il faut savoir arrêter une grève. Je dirais : il est inutile de prolonger la scène de ménage [à savoir si la Fraternité joue le rôle de la femme ou celui du mari de l’“église conciliaire”, n.d.r.] puisque nous avons ce qui était nécessaire : des évêques” (p. 212).
Les paroles de l’abbé Aulagnier sont significatives. La Fraternité risque de devenir une “Petite Église” (nous y reviendrons). Le Vatican (parfois “Église conciliaire” et Goliath, parfois “Église universelle” ou “Église” tout-court) est en train de retourner à la Tradition (du moins depuis 1989, trouve-t-on écrit à la p. 251 ; depuis 1985 déjà, selon Yves Chiron, à l’époque collaborateur de Fideliter) (14) : les expressions moins heureuses qui se notent encore seraient “replâtrages” provisoires destinés à tomber. La Fraternité doit donc s’allier avec les forces saines de ceux qui refusèrent à une époque les consécrations épiscopales pour accélérer ce nouveau cours du cardinal Ratzinger, en soulignant les interventions positives de Rome. La “grève” inaugurée par la Fraternité dans les années 70 doit cesser, puisqu’on est en train d’obtenir une réponse aux revendications : il suffit de savoir attendre et la Fraternité peut se le permettre, ayant acquis avec les quatre évêques une “indépendance juridique” rassurante (p. 212). Ce n’est pas un hasard si Yves Chiron considère le livre de l’abbé Aulagnier comme “une borne milliaire” (15) : son jugement sur la situation actuelle rejoint – et dépasse en clarté – celui de l’abbé Aulagnier : “le vœu de Mgr Lefebvre exprimé à Paul VI – Laissez-nous faire l’expérience de la Tradition – est de plus en plus exaucé. (…) il devient, de jour en jour, plus ridicule d’agir et de penser comme si, depuis la mort de Paul VI (1978), la Tradition n’avait pas reconquis ses droit, que ce soit dans le domaine liturgique ou dans le domaine doctrinal” (16).
La nouvelle stratégie de l’abbé Aulagnier, de l’abbé Laguérie, de l’abbé de Tanoüarn, de l’abbé de la Rocque, de l’abbé Célier, d’un Yves Chiron, de revues comme Fideliter, Pacte, Certitudes, Bulletin St Jean Eudes (maintenant Nouvelles de Chrétienté), Alètheia, Lettre à nos frères prêtres, etc. Ne pouvait passer inaperçue… En supposant qu’il soit possible, le pèlerinage jubilaire de l’an 2000 se présentait comme une occasion unique de mettre en pratique cette nouvelle stratégie vis-à-vis de Jean-Paul II. Et ne voilà-t-il pas justement qu’en 1998 la Fraternité Saint Pie X prend contact avec le cardinal Etchegaray (17) qui a la charge d’organiser le grand jubilé, afin de se mettre d’accord sur les modalités de la participation de la Fraternité à cet événement. Au cours des négociations, la Fraternité demande également l’autorisation de célébrer la messe dans les basiliques romaines…
…et pendant le pèlerinage jubilaire
Les termes des deux années de négociations entre la Fraternité et le cardinal Etchegaray nous sont inconnus ; mais, les résultats de ces négociations, tous, nous les avons sous les yeux. A la Fraternité – qui amène à Rome environ 6.000 pèlerins – est accordé le libre accès aux Basiliques romaines, y compris Saint-Pierre, avec la possibilité de prier et de prêcher ; officiellement, la permission d’y célébrer la Messe n’est pas accordée, mais en réalité Mgr Fellay – supérieur général de la Fraternité – a été autorisé à célébrer la Messe à Sainte-Marie-Majeure le 15 août (18). Et les évêques français ont fait de même, autorisant presque partout les prêtres et les fidèles de la Fraternité à bénéficier des indulgences jubilaires (19) dans leurs propres églises : ainsi, par exemple, à Paris (pour l’Ascension), à Mantes-la-Jolie (18 juin), à Lisieux (14 octobre), à Lourdes (29 octobre), à Nantes, à Lyon…, souvent avec la possibilité d’y célébrer la Messe (20).
Mais il y a plus. En prévision du pèlerinage jubilaire, le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le Clergé mais aussi responsable de la Commission Ecclesia Dei, avait écrit aux quatre évêques, au mois de juin, pour exprimer son désir de les rencontrer (21). C’est le premier contact connu entre le cardinal et les évêques de la Fraternité : mais le fait que le cardinal ait été le premier à écrire est-il suffisant pour affirmer que les négociations en cours sont une initiative unilatérale du Vatican ? L’invitation du cardinal n’est-elle pas la réponse à la main tendue par la Fraternité avec l’organisation du pèlerinage jubilaire ?
De fait, l’invitation fut acceptée. Trois des quatre évêques (Mgr De Galarreta était absent) déjeunèrent avec le cardinal Castrillon Hoyos, sans tenir compte du fait que c’est justement ce dernier qui avait été le protagoniste, un mois seulement auparavant, de la liquidation des autorités de la Fraternité Saint Pierre, considérées comme trop attachées encore à la liturgie traditionnelle. La rencontre conviviale ne devait pas évidemment demeurer sans suite…
L’entrevue de Mgr Fellay à 30 Jours et la réponse de Castrillon Hoyos (22)
Suite qui fut l’entrevue accordée par Mgr Fellay au mensuel 30 Jours, mensuel dirigé par l’ex-homme d’État démocrate-chrétien Andreotti, et contrôlé par le mouvement Comunione e Liberazione. 30 Jours et Andreotti – malgré l’estime manifestée explicitement et à plusieurs reprises par ce dernier pour le modernisme condamné par Saint Pie X (23) – ont toujours été favorables à un accord avec les “traditionalistes”, et ils ont toujours maintenu des contacts avec l’abbé du Chalard de Taveau, représentant officieux de la Fraternité près le Vatican. Réciproquement, Mgr Lefebvre (dans la revue Fideliter) considérait Andreotti comme l’un des plus grands hommes d’État catholiques européens : jugement qui aurait de quoi stupéfier si on ne tenait compte d’éventuelles et discrètes interventions d’Andreotti “en faveur” de Mgr Lefebvre…
L’interview de Mgr Fellay à 30 Jours ne fut donc pas un hasard, elle prend place au contraire dans un contexte bien précis : celui du rapprochement entre “traditionalistes” et Jean-Paul II rendu propice par Comunione e liberazione. L’intention est explicitement déclarée :
“‘Si le Pape m’appelle, je vais ou plutôt, je cours’. C’est à cette phrase surprenante – commente le journaliste de 30 Jours, Paci – prononcée dans l’interview qui suit par le supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, l’évêque Bernard Fellay, que l’on mesure la portée historique de ce qui est en train de se passer chez les lefebvristes. Un nouveau climat de dialogue, qui pourrait mener, s’il est intelligemment apprécié par ceux qui ont, par mandat divin, la tâche de préserver l’unité de l’Église, à progresser de façon décisive dans la réduction d’une fracture qui a été et reste douloureuse. Pour comprendre le changement de climat à l’intérieur de la Fraternité, il suffira de penser que Mgr Lefebvre refusa, les jours précédents la consécration des évêques qui fut à l’origine du schisme, de répondre à l’appel pressant de Jean-Paul II. Celui-ci lui avait envoyé une voiture et l’avait prié avec instance de venir le trouver au Vatican pour qu’il puisse avoir une dernière rencontre avant que la décision d’une rupture définitive ne fut prise. Mais ce n’est pas là la seule surprise que réserve l’interview de Mgr Fellay qui, de sa résidence en Suisse, lance un appel au Vatican : ouvrez-nous des canaux officiels de dialogue” (p. 6). En effet, dans son interview, Mgr Fellay demande l’institution d’une commission ad hoc pour le dialogue avec la Fraternité. Mais il y a plus. Après avoir écarté toute hypothèse sédévacantiste, Mgr Fellay propose une solution pratique du problème qui amènerait à l’accord :
“Nous ne nous attendons pas à ce que le Vatican fasse un grand mea culpa, et dise quelque chose du genre : ‘Nous avons promulgué une fausse messe’. Nous ne voulons pas que l’autorité de l’Église soit encore affaiblie. Elle ne l’a que trop été déjà : maintenant, cela suffit. Mais Rome pourrait donner dans les faits le signal d’un clair changement de direction. Un acte très clair serait de donner à tous les prêtres du monde la possibilité, seulement la possibilité, de dire la messe tridentine. (…) Il ne serait pas besoin de dire que des erreurs ont été commises avec la nouvelle messe : il serait suffisant d’accorder aux prêtres qui le désirent la possibilité de célébrer la messe selon le rite qu’ils préfèrent” (p. 9).
Aux questions du journaliste qui l’interviewe Mgr Fellay répète qu’il n’y a pas d’autres requêtes (“c’est là le point fondamental”) et il promet que si cela arrivait “je ne veux pas parler de retour, parce que nous, nous ne nous considérons pas comme dehors. Mais je peux dire avec certitude que cela changerait tout. Oui, tout changerait si l’on nous concédait, à nous et à tous ceux qui en auraient le désir, la simple liberté de dire la messe que l’Église a toujours dite” (p. 9). Pour Mgr Fellay cette décision ne serait pas difficile à prendre, puisque “Rome elle-même, dans une réunion de cardinaux, en 1986, avait discuté de l’opportunité de prendre cette décision. Cela signifie que le Vatican a déjà envisagé la possibilité de pouvoir le faire…” (ibidem) (24).
Évidemment la réponse du Cardinal Castrillon Hoyos, ne s’est pas fait attendre. “Le verbe ‘courir’ me plaît infiniment – a déclaré le cardinal colombien à 30 Jours – parce qu’il est né du contenu d’une foi profonde…” ; le pèlerinage jubilaire de la Fraternité est défini comme un “acte de foi apostolique et de bonne volonté” et le cardinal flatte le mouvement de Mgr Lefebvre en le définissant comme “la demande et le moyen d’un examen de conscience sur la façon dont nous célébrons l’eucharistie, sur la manière dont s’exprime la foi au début du troisième millénaire. Il nous permet aussi d’examiner si nous veillons suffisamment, toujours et partout, au respect de l’orthodoxie dans le contenu de nos homélies, de nos instructions ou de ce que nous disons par le biais des médias” (p. 18). Quant à la requête de Mgr Fellay (la liberté pour tous les prêtres de célébrer la messe dans le rite qu’ils préfèrent) le cardinal fut évasif mais possibiliste : les requêtes “seront examinées avec respect et dans l’optique du bien authentique de la communauté ecclésiale tout entière” (p. 19).
Et pourtant, le supérieur général de la Fraternité Saint Pie X avait déjà – dans la réponse du cardinal Castrillon Hoyos – tous les éléments pour comprendre (s’il en était besoin) qu’un accord doctrinal était impossible ; et même que le but du cardinal – et de Jean-Paul II – était à l’opposé de celui de la Fraternité ! En effet le cardinal déclara ouvertement que :
1) sa tâche consiste à “aider les fidèles dits ‘traditionalistes’ à mieux découvrir la continuité doctrinale entre le Concile de Trente et le Concile Vatican II” (alors que la Fraternité – à raison – soutient qu’il n’y a pas continuité mais rupture).
2) le fait de pouvoir se sentir légitimement lié à la liturgie précédant la réforme liturgique “n’abolit ni n’ôte à personne le droit d’accueillir la règle liturgique en vigueur dans toute l’Église” ainsi que le (quasi) devoir de concélébrer avec l’évêque le jeudi saint selon le nouveau rite (la Fraternité demande la permission – pour tous les prêtres – de pouvoir célébrer avec le rite ancien ? Nous, au contraire, nous accordons aux prêtres de la Fraternité de célébrer… avec le nouveau !)
3) l’indult pour pouvoir célébrer la messe avec les rubriques de 1962 (Jean XXIII) devrait être revu… en faveur des rubriques de 1965 (Paul VI) “parce qu’après le Concile Vatican II certaines acquisitions liturgiques peuvent être valides pour toute l’Église”.
4) il est “indispensable” que les “fidèles (traditionalistes) s’ouvrent à la réalité de la règle liturgique d’aujourd’hui” et que “clercs et fidèles laïcs” soient formés au respect de la nouvelle liturgie et à l’observance des “ véritables orientations de la constitution Sacrosantum concilium de Vatican II”.
5) il faut œuvrer “pour laisser s’approcher de nos paroisses et de nos diocèses tous les fidèles qui pensent qu’une rupture s’est produite dans l’Église entre le passé et le présent”.
6) enfin, ceux qui pensent que Vatican II a opéré une rupture avec le passé manifestent un “esprit cathare mal caché”.
L’intention du cardinal de réserver à la Fraternité Saint Pie X le même traitement que celui accordé à la Fraternité Saint Pierre (insertion progressive de la Fraternité dans la réalité conciliaire, punissant les réfractaires à cette transformation) n’est même pas cachée : on ne voit pas alors comment Mgr Fellay a pu mordre à l’hameçon que lui a jeté le cardinal (25).
Décembre 2000 – janvier 2001 : temps des négociations “secrètes” et pragmatiques
Et pourtant, malgré, les intentions clairement manifestées par le président de la Commission Ecclesia Dei, Mgr Fellay a couru immédiatement à l’appel de Jean-Paul II. Dans l’interview à 30 Jours, Mgr Fellay se déclarait disposé à rencontrer le “Saint-Père”. Eh bien, il allait l’obtenir.
Encore une fois Mgr Fellay tient à nous préciser que “l’initiative vient de Rome. Je reçois une lettre du cardinal Castrillon Hoyos en date du 18 novembre, qui est une invitation (suite à l’entretien publié dans 30 Jours) à le rencontrer pour préparer une visite au Saint-Père” (26). (Mgr Fellay ne semble pas se rendre compte que si l’invitation du 18 novembre faite par le cardinal est une réponse à son interview à 30 Jours, c’est que l’initiative ne vient pas – seulement – de Rome, mais aussi de la Fraternité, comme l’admet le supérieur du district français, l’abbé Laurençon) (27). C’est donc dans le plus grand secret (28), que Mgr Fellay se rend à Rome où, le 29 décembre, il rencontre le cardinal Castrillon Hoyos, et le lendemain Jean-Paul II (29).
La proposition du cardinal colombien – précisée et développée lors de la rencontre suivante du 16 janvier – suscita l’enthousiasme des quelques membres de la Fraternité au courant de la situation : réintégration immédiate de la Fraternité dans l’Église avec le statut d’“administration apostolique”, sans contrepartie doctrinale ! L’abbé Simoulin, supérieur du district italien et intermédiaire pour la Fraternité au Vatican, confie : “[le Cardinal] nous fit des propositions assez inattendues et favorables. Si l’on peut parler ainsi, tout semblait si beau et inespéré que nous avions peine à y croire” (30). Ce sont les mêmes sentiments qui animaient Mgr Fellay... Encore aujourd’hui, à plus de six mois d’intervalle, l’enthousiasme transparaît dans ses paroles lorsqu’il décrit – dans l’interview estivale à Pacte – ces moments et cette proposition :
“à l’automne dernier, Rome nous a abordés d’une manière totalement inhabituelle et nous a fait des propositions qu’il nous est encore difficile aujourd’hui d’estimer complètement et à leur juste valeur. De fait, juridiquement, de telles facilités ne s’étaient jamais vues. Jamais nous n’aurions imaginé que Rome puisse nous faire une telle proposition. Vous avez sans doute entendu parler de cette idée d’une administration apostolique. La Fraternité Saint-Pie X aurait été intégrée dans une administration apostolique. Qu’est-ce que cela signifie ? L’administration apostolique, ordinairement, c’est une structure diocésaine ou quasi-diocésaine, en situation de crise, sur un territoire donné. Eh ! bien, pour nous ce territoire, c’était le monde entier. Autrement dit on nous a offert une structure qui couvre le monde entier, une espèce de diocèse personnel… (…) L’administration apostolique, c’est mieux que la prélature personnelle. Tout d’abord la prélature personnelle n’est pas nécessairement gouvernée par un évêque. L’administration apostolique, qui est un quasi-diocèse, l’est habituellement. Ensuite et surtout, l’action d’une administration apostolique n’est pas limitée à ses membres. L’Opus Dei, qui est la prélature personnelle existant aujourd’hui, n’est pas soumise à l’évêque local pour tout ce qui concerne ses membres, mais elle ne peut envisager aucune action externe sans l’accord de l’évêque. Avec l’administration apostolique nous échappions à cette restriction. Nous aurions pu mener une action apostolique autonome sans avoir d’autorisation à demander à l’évêque diocésain, puisque nous avions un véritable diocèse dont la particularité est qu’il s’étend au monde entier. C’est très important qu’une telle proposition ait été faite, parce qu’après tout, cette solution juridique est inédite, elle est sui generis”.
Sans le vouloir, le numéro de Sodalitium sur les Tribunaux de la Fraternité risquait de rompre ce climat idyllique : la crainte disparut lorsque le cardinal Castrillon Hoyos – à ce qu’on dit – assura que ce fait ne constituait pas un obstacle à l’accord : les sentences nulles des Tribunaux auraient été validée par une sanatio in radice… La position de celui qui menait les négociations, d’une part comme de l’autre, excluait explicitement la question doctrinale qui aurait rendu impossibles les négociations elles-mêmes, comme l’expliquera par la suite dans Pacte (n° 52) le bras droit de l’abbé Aulagnier, l’abbé Jacques Laguérie.
Mais Mgr Fellay ne pouvait pas procéder à un accord de ce genre sans l’aval des autres évêques, ne serait-ce que pour le fait que Jean-Paul II ne considérera jamais comme éteint le schisme lefebvriste (avec tous les dangers potentiels qu’il représente) si les évêques ne reviennent pas tous les cinq sous son plein contrôle ! La mission du Supérieur général de la Fraternité est alors d’obtenir le consentement des autres évêques à l’accord en question… (31). La chose n’était pas facile et ne l’est toujours pas, car les autres évêques de la Fraternité (la position de Mgr Rangel a toujours été différente) ont plutôt une position “gallicane” (Fraternité indépendante et autosuffisante, hiérarchie de la Tradition, etc.) qui ne voit pas la nécessité d’un accord avec “Rome”.
Pourtant, à la réunion du conseil général élargi (32) de la Fraternité, Mgr Fellay obtint un important succès en faveur de l’accord… En effet, la réunion du 13 janvier donna son consentement aux négociations y mettant seulement deux “conditions préalables” (33) : le retrait du décret d’excommunication, et la liberté pour tous les prêtres de rite latin de célébrer la messe “de Saint Pie V” (34).
Le retrait du décret d’excommunication n’était pas une véritable condition : il était évident qu’en cas d’accord, les cinq évêques traditionalistes n’auraient plus été excommuniés (35). La condition concernant la messe était par contre une vraie condition, mais au moment même où on la posait, on savait pouvoir espérer obtenir une réponse positive. D’abord, Mgr Fellay avait déjà parlé de cette possibilité dans son interview à 30 Jours, et le cardinal, dans sa réponse, n’avait pas du tout exclu cette éventualité. Ensuite il y avait le précédent de la réunion cardinalice de 1986, considéré par l’abbé Aulagnier et l’abbé Laguérie comme la base d’“un vrai plan de paix” (36). Laguérie écrit dans Pacte (n° 52, cf. DICI n° 1) :
“À ce stade, les négociations sont fort bien engagées. Nous demandons à Rome qu’elle signe simplement le document (1986), de la commission de neuf cardinaux réunis par le pape à cet effet. Deux questions avaient été posées :
a) La messe traditionnelle a-t-elle été interdite ?
b) Faut-il la libéraliser à toute l’Église ?
On sait que 8 cardinaux sur 9 avaient répondu Non à la première et Oui à la seconde, énumérant 6 conditions parfaitement acceptables de cette réintroduction officielle de la messe de toujours. Le pape était prêt de signer, nous dit le cardinal Stickler (qui nous révèle la chose en 1997 !)”.
Or, oui “les six conditions parfaitement acceptables” auxquelles se réfèrent l’abbé Aulagnier et l’abbé Laguérie considèrent le fait que “pour chaque messe célébrée en langue latine – avec ou sans fidèles présents – le célébrant a le droit de choisir librement entre le missel de Paul VI (1970) et celui de Jean XXIII (1962)” (condition n° 3) en tenant compte que “pour les messes privées tous les prêtres peuvent en tout temps utiliser la langue latine” (condition n° 2). Par conséquent ce que la Fraternité demande comme unique condition, c’est le biritualisme, (un biritualisme imparfait, d’ailleurs, puisque la messe de Paul VI a l’avantage pour les messes non privées), c’est-à-dire la coexistence dans l’Église de la Messe de Saint Pie V (pardon, de Jean XXIII) et la “Messe de Luther” (selon une expression célèbre de Mgr Lefebvre). Tout le reste, y compris la doctrine conciliaire, ne fait l’objet d’aucune discussion… L’accord semble imminent, et Mgr Fellay – dans une lettre au cardinal Castrillon-Hoyos du 21 janvier – confirme formellement l’intention de la Fraternité de continuer et de porter à un heureux terme les colloques en cas d’acceptation des deux fameuses conditions. Tout marcha à pleines voiles tant que les rencontres romaines demeurèrent strictement privées…
Janvier-février 2001 : le secret transpire et la Fraternité se divise
Toutefois, les va-et-vient de Mgr Fellay à Rome ne passèrent pas inaperçus. Depuis Albano Laziale, résidence du supérieur général pendant ses rencontre romaines, la nouvelle des négociations en cours se diffusa dans les autres prieurés italiens de la Fraternité ; elle arriva même à Verrua Savoia ! Maintenir secrètes les négociations n’était plus possible. Le 22 janvier, Mgr Fellay, pour mettre fin aux bruits et indiscrétions, fut contraint d’écrire deux lettres : une aux supérieurs de la Fraternité Saint Pie X et l’autre (sous forme de communiqué de la maison généralice) aux membres de la Fraternité elle-même et à ceux des communautés amies. “Bien chers Confrères – écrit Mgr Fellay – depuis quelques jours des rumeurs circulant au sujet de nos contacts romains m’obligent à sortir de la discrétion que nous avions adoptée pour faire connaître, surtout à nos membres et aux Communautés amies, et aussi un tant soit peu à nos fidèles, l’enjeu”. Les fidèles, à vrai dire, devaient être mis le moins possible au courant... Dans la lettre aux supérieurs de la Fraternité du 22 janvier, en effet, Mgr Fellay donnait les instructions suivantes à propos de ce qui devait être dit et ce qui ne devait pas être dit aux fidèles : “le texte ci-joint est destiné aux membres de la Fraternité, mais pas aux fidèles auxquels on communiquera de vive voix seulement son contenu. Le texte lui-même ne doit pas être remis dans les mains des fidèles jusqu’à nouvel avis. Il est interdit de le publier. On ne parlera pas non plus aux fidèles des deux conditions exprimées au n° 6. Il s’agit par là d’éviter de faire penser à Rome que nous voudrions les mettre sous pression. L’espérance que Rome cède sur ces points étant assez grande, il serait vraiment dommage de perdre, par une indiscrétion, un tel bien”.
Le cardinal Castrillon Hoyos partage la confiance de Mgr Fellay sur la bonne réussite des négociations et ne perd pas une occasion pour rendre le climat favorable : c’est du 29 janvier que date une de ses lettres à l’abbé Aulagnier pour louer son livre La Tradition sans peur (37). Mais au sein de la Fraternité, tous ne partagent pas les positions exprimées dans son livre par le deuxième assistant de Mgr Fellay. La veille du jour où le cardinal Castrillon prenait la plume, dans tous les prieurés de la Fraternité – pendant la Messe dominicale – était donnée la nouvelle des négociations en cours, selon les dispositions de Mgr Fellay ; les ennemis de l’accord pouvaient ainsi se découvrir. Parmi eux, le directeur du séminaire d’Écône, Benoît de Jorna, le supérieur du district des U.S.A., Mgr Williamson (l’un des cinq évêques) et, en dehors de la Fraternité, les dominicains d’Avrillé lesquels, avec leur revue théologique Le Sel de la Terre, se présentent comme les héritiers doctrinaux de Mgr Lefebvre. Mgr Fellay dut organiser deux rencontres en France (le reste du monde semble sans influence) : le 1er février à Paris dans l’église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet – avec les prêtres du district français de la Fraternité Saint Pie X, et peu après, au séminaire de Flavigny, avec les représentants des communautés amies. La réunion parisienne ne posa pas de difficultés particulières, car elle se limitait à une communication du supérieur. La “douche froide” arriva des U.S.A., où de façon autonome, Mgr Williamson publiait une lettre aux amis et bienfaiteurs sur les “Contacts avec Rome” qualifiant sans ménagements lesdits “contacts avec Rome” de “trahison de la foi” (38). Il était facile de déduire que si les négociations étaient déjà en elles-mêmes une trahison, le traître n’était autre que le supérieur général en personne, l’évêque Bernard Fellay. Plus préoccupante encore fut l’issue de la réunion à Flavigny. Les dominicains d’Avrillé s’étaient présentés en effet avec un ample dossier où étaient exposées leurs critiques à un éventuel accord. Le dossier eut une large diffusion et – pour la première fois – il exposait un point de vue diamétralement opposé à celui qui avait été suivi jusqu’alors : les négociations n’étaient pas rejetées seulement comme inopportunes et dangereuses sur un plan pratique (l’exemple récent de la Fraternité Saint-Pierre, mise sous tutelle justement par le cardinal Castrillon Hoyos, était là pour le démontrer) mais elles étaient radicalement inacceptables, car elles ne tenaient aucun compte du point de vue doctrinal (39). Mgr Fellay ne fut certainement pas content de l’attitude respectueuse mais hostile des dominicains (40), mais désormais l’idée était lancée, ce qui revenait, au fond, à rendre impossible tout accord avec qui aujourd’hui encore pose Vatican II comme norme prochaine de sa propre foi. C’est ce que reconnaît avec lucidité un partisan des accords, l’ex-sédévacantiste abbé Laguérie :
“Toute considération doctrinale (c’est infiniment triste, mais c’est un fait) aura pour effet immédiat d’entraver et de rendre impossible toute négociation” (41).
Le supérieur de la Fraternité se trouvait ainsi dans une impasse entre d’un côté la volonté de mener à terme des négociations si prometteuses, de l’autre la nécessité de se défendre de l’accusation d’avoir mis de côté les questions doctrinales. Enfin, la cohésion interne de la Fraternité, et des “traditionalistes” en général était sérieusement menacée…
La “Supplique au Saint-Père” et le livre sur la Messe
Probablement, Mgr Fellay pensa sortir de cette situation embarrassante avec la publication d’un texte en préparation depuis longtemps. Il s’agit de l’“étude théologique et liturgique” intitulée “Le problème de la réforme liturgique. La Messe de Vatican II et de Paul VI”. Le livre – œuvre collective de prêtres de la Fraternité Saint Pie X qui affronte le problème de la critique de la réforme liturgique d’un point de vue tout à fait nouveau, point de vue qui tient compte de la littérature réformiste sur la question – est précédé d’une “supplique au Saint-Père” écrite par Mgr Fellay à Flavigny et datée du 2 février. L’essai des liturgistes de la Fraternité fut envoyé initialement (à la mi-février) à Jean-Paul II, aux cardinaux Ratzinger, Medina et Castrillon Hoyos, et seulement ensuite à tous les évêques et prêtres de France.
La signification de cette décision ?
Les personnes les plus favorables à l’accord virent tout de suite la danger inhérent à la diffusion de ce livre ; Yves Chiron expose bien les sentiments de cette catégorie de personnes lorsqu’il rapporte l’opinion d’une “figure éminente des catholiques Ecclesia Dei” qui “s’est demandé si ce livre n’était pas une provocation, lancée dans le public au moment où la FSPX négociait avec Rome, pour torpiller lesdites négociations”. Chiron, bien informé, répond que “s’il y a eu, comme je l’ai dit, interrogation, de la part des autorités de la FSPX sur l’opportunité de publier un tel livre en ce moment, il n’y a pas eu volonté de provocation. Cette étude sur la réforme liturgique était en préparation avant que les négociations s’ouvrent avec Rome. (…) On peut même dire que la FSPX, par ses différents ouvrages doctrinaux (…) veut contribuer au débat auquel Jean-Paul II l’a appelé dans le motu proprio Ecclesia Dei adflicta (2.7.1988) demandant aux théologiens d’approfondir ‘les points doctrinaux qui, peut-être à cause de leur nouveauté, n’ont pas été compris dans certaines parties de l’Église’” (42). En effet, Le problème de la réforme liturgique n’est pas une œuvre de rupture ; l’essai se situe, au contraire, dans le sillon ouvert par l’abbé de la Rocque (l’un des auteurs) avec sa revue Lettre à nos frères prêtres, conçue pour ouvrir le dialogue “œcuménique” entre les prêtres de la Fraternité et le clergé de France. Mais si, en temps normal, ce livre pouvait être considéré comme une ouverture de la Fraternité vis-à-vis du clergé “conciliaire”, on courait le risque que sa diffusion durant les négociations prometteuses avec Rome provoque de quelque manière une réaction de la part de la Curie et encore plus de l’épiscopat français ; tous le comprenaient et Chiron le dénonçait. Cependant, nous l’avons vu, Mgr Fellay était comme contraint – par les critiques internes – de préciser l’élément doctrinal concernant la Messe, et – notons-le bien – exclusivement la Messe.
Dans sa supplique Mgr Fellay demandait à Jean-Paul II non seulement l’autorisation pour tous les prêtres du monde d’utiliser le missel traditionnel, mais aussi la “modification ou abrogation” de la nouvelle liturgie. Une porte était donc encore ouverte à l’accord, comme le remarquait Chiron : car si demander l’abrogation de la nouvelle messe (comme le firent les cardinaux Ottaviani et Bacci en leur temps) était trop, il n’était pas impensable d’en demander la modification – à savoir la réforme de la réforme préconisée aussi par le cardinal Ratzinger.
Le Cardinal Castrillon Hoyos refuse la condition posée par la Fraternité,
mais tous attendent le document du Vatican qui établira l’Accord (février-mars 2001)
L’abbé Philippe Laguérie, que nous avons déjà rencontré dans cet article, donne une description parfaite de la situation créée : “suit alors une période assez floue (15 février-1er mars) où l’on substitue aux propositions concrètes des documents doctrinaux. Quelques perspicaces qu’ils puissent être, ces documents sont mal venus. Sans doute l’ordre voudrait que l’on s’accordât d’abord en doctrine, puis en réglementation. Mais la chose est évidemment impossible pour l’heure. Les deux parties le savent, et toute considération doctrinale (c’est infiniment triste, mais c’est un fait) aura pour effet immédiat d’entraver et de rendre impossible toute négociation. On peut peut-être le souhaiter ( ?) mais au moins n’avoir pas la naïveté de prétendre faire avancer les contacts par ce côté des choses. C’est très exactement le contraire qu’il faut faire à mon sens : rendez à l’Église catholique la messe catholique (ubique et sempre) et dans 10-15 ans on recommencera à parler le même langage” (43).
En effet le supérieur d’Albano, l’abbé Simoulin, s’était rendu à Rome le 12 février pour recevoir du cardinal Castrillon Hoyos une réponse substantiellement négative à la demande de la Fraternité ; les temps n’étaient pas mûrs pour accorder l’autorisation – à tous les prêtres du monde – de célébrer la Messe de saint Pie V (44). Pour les éléments de la Fraternité hostiles à un accord ce premier “non” était le signe – attendu – de la fin des négociations : de la chaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, Mgr De Galarreta s’empresse d’annoncer la fin des colloques, tandis que Mgr Fellay au contraire durcit sa position vis-à-vis des dominicains d’Avrillé “coupables” d’avoir entravé l’accord. Les éléments favorables aux négociations – pour leur part – ne se résignent pas. Dans son éditorial de février l’abbé Simoulin se demande : “Mais comment pouvons-nous travailler tant que nous avons cette étiquette d’‘excommuniés’ sur le front ? Je ne suis pas prophète, et je ne sais ce qui arrivera cette année dans l’Église, mais je pense que tous sentent comme moi que nous vivons la fin d’un pontificat, et je vois qu’il y a plusieurs personnes qui sont plus disposées qu’avant à reconnaître tous les dommages faits à l’Église depuis trente ans par cet esprit du Concile” (45). L’abbé Laguérie écrit pour sa part : la situation n’est pas encore mûre ? Faisons-la mûrir ! Le 18 février, à Saint Mary of Kansas, l’abbé Schmidberger déclare que tous les Évêques de la Fraternité sont favorables à l’accord si Rome accorde les conditions. Et le vaticaniste de il Giornale, Andrea Tornielli interviewe l’abbé Emmanuel du Chalard de Taveau (depuis toujours “ambassadeur” de la Fraternité au Vatican) dans le cadre d’une stratégie de propagande en faveur des négociations (Il Giornale, 16 février 2001). Le même jour, l’abbé Aulagnier écrivait une lettre au supérieur général, Mgr Fellay, dans laquelle il proposait un compromis : la Fraternité pourrait renoncer à demander la reconnaissance du droit – pour tous les prêtres – de célébrer la Messe de Saint Pie V en échange d’une reconnaissance de fait, reconnaissance dont il détaillait les modalités (46) (cf. DICI n° 9, 25 mai 2001). Mais désormais les choses suivaient leur cours. D’un côté la Fraternité complétait son opération “Le problème de la réforme liturgique” : le livre était présenté le 19 février au cardinal Castrillon Hoyos par l’abbé Selegny (47) et l’abbé Simoulin ; une lettre de Mgr Fellay y était jointe dans laquelle ce dernier écrivait au cardinal que les négociations étaient suspendues à cause du refus du Vatican d’accepter la condition sur la Messe (cf. DICI n° 3, du 13 avril 2001). Dans le même temps, le livre était consigné au cardinal Medina (Culte divin) et au cardinal Ratzinger (Doctrine de la Foi), lequel ne dut pas en être bouleversé puisque le 7 mars il écrit à l’abbé Aulagnier pour le féliciter de son livre (48).
Mgr Fellay fait le point de la situation avec ses prêtres (49) et avec ses fidèles (50) : les discussions sont temporairement suspendues, mais on attend avec anxiété une issue positive des négociations : “pour nous, résolument, nous ne voulons pousser ni dans un sens ni dans l’autre”. Il y a dans le cœur du supérieur général un mélange d’inquiétude et d’espoir : en effet, quelques jours auparavant, de nouvelles nominations ont été effectuées au sein de la Commission Ecclesia Dei, préposée depuis 1988 à la question traditionaliste : en font maintenant partie le cardinal Ratzinger (Congrégation pour la Doctrine de la Foi), le cardinal Jorge Medina Estevez (Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements), le cardinal Louis-Marie Billé (aujourd’hui décédé, mais à l’époque archevêque de Lyon et président de la Conférence épiscopale française) et Mgr Julian Herranz (président du conseil pontifical pour les textes législatifs) (51). La commission ainsi élargie se réunit le 19 mars, certainement pour discuter de la Fraternité (52). L’inquiétude de Mgr Fellay provient de la crainte que ces nominations ne rendent les négociations plus difficiles, au point de les faire échouer. En somme la Fraternité était enthousiaste dans la première phase des négociations, lorsqu’il y avait un rapport direct et personnel avec le Cardinal Castrillon Hoyos – et à travers lui avec Jean-Paul II – lequel (Castrillon) assurait qu’“ils attendent de la Fraternité ‘qu’elle lutte contre le modernisme et le libéralisme dans l’Église’” et que “le pape lui même s’associe ou s’identifie à ce combat”. Or, au contraire, Mgr Fellay pense que “quelqu’un” (“il faut probablement y voir une intervention de la Secrétairerie d’État et des évêques français, ou qui sait, de la maçonnerie”) a mis de côté le “bon” Cardinal Castrillon, précisément à l’occasion des 4 nominations à l’Ecclesia Dei : “curieusement, les toutes dernières nominations dans la commission Ecclesia Dei ont été faites à l’insu de celui qui avait été mandaté personnellement par le pape pour régler notre ‘problème’. (…) [Le cardinal Castrillon] n’est pas seul à gouverner l’Église, ou à essayer de tirer les ficelles” (Cor unum, 28 février 2001). Certes, les évêques français ne voyaient pas d’un bon œil (et ils le diront) les négociations en cours ; mais nous sommes vraiment étonnés de la naïveté de Mgr Fellay et des autres membres de la Fraternité qui semblent ignorer complètement la façon dont se gouverne une société comme l’Église ou l’État ! Une décision de cette importance ne pouvait être prise de façon dilettante, et la convocation des organes institutionnellement préposés à la question (en l’occurrence l’Ecclesia Dei, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et celle pour le Culte, ainsi que les canonistes) était absolument inévitable, et l’aurait été même sous Pie XII !
Le mois de mars est donc vu comme le mois décisif, et le bruit court déjà que le document devant réintégrer la Fraternité serait prêt, ainsi que la date de sa publication (Pâques). La nouvelle de l’imminence de l’accord, entre le 14 et le 22 mars est donnée par les moyens de communication et, en partie, par la Salle de presse du Vatican elle-même (53). Les ennemis des négociations, sur les deux fronts, ne manquent pas d’intervenir pour conjurer le “péril” : de nombreux prêtres de la Fraternité prêchent publiquement contre l’accord et méditent en privé de quitter la Fraternité tandis que l’évêque lefebvriste Mgr Tissier de Mallerais va jusqu’à s’opposer à son propre supérieur, Mgr Fellay, dans l’homélie faite à Écône le 19 mars pour la fête de saint Joseph (54) et que, de leur côté, les cardinaux français (tous deux défunts à ce jour) Eyt et Billé, prenant prétexte du livre sur la réforme liturgique diffusé par la Fraternité, prennent violemment position eux aussi contre la bonne issue des négociations. Ce n’est pas un hasard si l’intervention des deux prélats se situe les 21 et 23 mars (55) : le 22 en effet a eu lieu la réunion décisive de Jean-Paul II avec les responsables des divers dicastères romains, réunion durant laquelle des objections sont émises par les français mais aussi par les cardinaux Grocholewsky (Education catholique), Pompedda (signature apostolique) et, naturellement, Kasper (Unité des chrétiens). Grande fut la déception, au sein de la Fraternité, parmi les partisans de l’accord : la “suspension des négociations” était surtout une façon de calmer les opposants internes, mais quant au fameux décret promis pour la fin de mars (56) on comptait vraiment dessus. Non seulement il ne vint pas, mais s’annonçait l’échec total d’avril.
Le document n’arrive pas, est-ce le naufrage des négociations ?
Alors envoyons les Brésiliens en avant-garde ! (avril-mai 2001)
Le mois d’avril commençait mal : dans deux entrevues, au Giornale et à l’Avvenire – à l’occasion de la présentation de son livre L’esprit de la liturgie – le cardinal Ratzinger soutenait qu’on était encore loin de l’accord, et il attribuait la faute de ce retard à la clôture de débats venant de la Fraternité (57) : “Le chemin est encore long. Je dois dire qu’il y a un fort endurcissement dans le mouvement lefebvriste ; je remarque qu’ils sont renfermés sur eux-mêmes, et cela rend problématique le processus de réconciliation, au moins à brève échéance.”
Pour Ratzinger, d’un point de vue doctrinal, les lefebvristes devraient “Reconnaître que la liturgie rénovée du Concile est toujours la même liturgie de l’Église, qu’elle n’est pas une autre chose. Reconnaître que l’Église rénovée du Concile n’est pas une autre Église, mais est toujours la même Église qui vit et se développe”. On ne peut pas dire, certes, que le cardinal Ratzinger (comme Castrillon Hoyos dans son article de 30 Jours) ait évité de parler du problème essentiel ! (58). Mais il est clair que ce problème – s’il est abordé – rend impossible l’accord que, malgré tout, le cardinal Ratzinger déclare toujours désirer, abstraction faite des divergences doctrinales (“Nous devons faire notre possible pour attirer ces frères et sœurs, pour leur rendre la confiance qu’ils n’ont plus. A l’intérieur de l’Église une blessure se guérit mieux : si la confrontation se déroule à l’extérieur, la distance risque au contraire de s’élargir”.
Et alors : accord doctrinal ou accord pragmatique ? Le cardinal Ratzinger ne semble pas pouvoir sortir lui non plus des contradictions de l’œcuménisme !
Quoiqu’il en soit, les paroles de Ratzinger ne sont pas encourageantes à brève échéance. Et en effet, le 13 (59) ou 14 avril 2001 est donnée oralement la réponse officielle à la demande de la Fraternité (60) : elle est négative. La réunion des dicastères romains qui a lieu ensuite en présence de Jean-Paul II, le 22 avril, ne fait que confirmer cette décision : oui, en principe, à un statut spécial dans la Fraternité, mais non à la demande d’une pleine liberté, pour tous les prêtres de célébrer la messe “traditionnelle” (61).
Le naufrage des espoirs pour les uns est la fin des craintes pour les autres. Mgr Williamson – venu à Albano le 26 avril 2002 pour la réunion du district italien – ne se priva pas d’exprimer publiquement sa joie devant l’échec des négociations, et de faire remarquer que cette bonne nouvelle n’était pas due au supérieur général (qui dormait tandis que l’avion se précipitait) mais plutôt à ses inférieurs (qui, par leurs cris, ont éveillé le pilote endormi). De semblables déclarations ne pouvaient que scandaliser qui, comme le supérieur du district italien, avait toujours cru à l’accord. L’abbé Simoulin se rendit même à la Maison généralice pour présenter sa démission ou bien obtenir un désaveu de ce qui avait été soutenu par Mgr Williamson : selon l’abbé Simoulin, la conception que Mgr Williamson a de la Fraternité est celle d’une secte, parce qu’il oublie que l’Église n’est pas seulement celle du passé, de Pie IX, saint Pie X, Pie XII, mais aussi celle du présent, de Jean-Paul II ; les prises de position publiques des deux évêques de la Fraternité contre le Supérieur général sont considérées par l’abbé Simoulin comme une cause injuste de divisions au sein de la Fraternité (62).
Ceux qui ne se résignent pas à voir finir le rêve, ont de toutes façons une autre “arme” : si dans la Fraternité les oppositions aux négociations sont fortes et haut-placées, pourquoi ne pas essayer de parcourir la voie “brésilienne” ?
Les prêtres du diocèse de Campos réunis sous la direction de Mgr Rangel dans la Fraternité Saint Jean-Marie Vianney ne connaissaient pas les divisions internes présentes depuis toujours à Écône. C’est ainsi que le 2 mai, le Père Rifan franchissait la porte du Cardinal Castrillon Hoyos, pas seul, mais accompagné de l’abbé Simoulin (DICI n° 9). Cette porte, spirituellement, il ne l’a jamais refranchie…
Mgr Fellay explique sa position sur la suspension des négociations,
mais dans le même temps il poursuit sa lente évolution vers le Concile (mai 2001)
Que Mgr Williamson ait représenté l’un des problèmes, le cardinal Castrillon Hoyos le savait aussi : après avoir écrit à Mgr Fellay le 7 mai, il écrivait également, le 17 du même mois, une lettre privée et distincte à Mgr Williamson et à Mgr De Galarreta. L’agence de presse de la Fraternité, DICI (n° 9), nous révèle la pensée du cardinal à propos de ces divisions entre les évêques de Mgr Lefebvre : au cours d’un dîner avec les représentants de la Fraternité Saint Pierre et de l’association Pro Missa tridentina pendant un voyage en Allemagne (11-12 mai 2001) le cardinal colombien aurait dit, selon la relation d’un témoin oculaire, qu’“il a des difficultés avec Mgr Williamson, mais Mgr Fellay le rassure disant que ce dernier est humble et qu’il suivra”. L’informateur continue : “dans la vision du Cardinal il existe une dialectique entre Mgr Williamson et le reste de la Fraternité. Le cardinal dit que lors du dernier entretien avec le P. Rifan et l’abbé Simoulin, il y a eu une très bonne atmosphère”. L’accord ayant échoué pour Pâques, Castrillon espérait un accord pour la Pentecôte, ne cachant pas cependant les erreurs doctrinales de la Fraternité (méfiance envers le magistère, affirmation qu’un rite promulgué par le pape peut être mauvais), ce qui requérait (probablement après l’accord) que la Fraternité “repense” sa position.
Et de fait un timide mais significatif semblant de “réflexion” se fait jour justement en cette période…
Un numéro de Fideliter (n° 140, mars-avril 2001, pp. 18-29) publie un article de l’abbé de la Rocque au titre significatif : “Un évêque ‘moderne’ au concile Vatican II”. L’évêque ‘moderne’ est Mgr Lefebvre. Le fondateur de la Fraternité – la véritable “autorité” reconnue par ses disciples – est décrit comme un “évêque ‘moderne’, tout à fait prêt à envisager certaines “évolutions”. Mgr Lefebvre souhaite la réforme de la Curie, la Messe des catéchumènes en français, l’abolition (“ce qui peut surprendre d’un tel homme”) de la soutane, etc., etc. “Par ces propositions très ouvertes il semble se rapprocher des évêques les plus modernes et se distinguer assez nettement des évêques plus ‘traditionalistes’…” comme Mgr Carli, Mgr de Castro Mayer, Mgr de Proença Sigaud. Ceci, avant le Concile. Et pendant ? Mgr Lefebvre – écrit son biographe – en parle comme d’“un grand événement de l’Église”, “une nuée lumineuse dans le monde d’aujourd’hui” ce pour quoi “nous vivons des moments où le surnaturel, où l’action de l’Esprit-Saint est visible, tangible”. “A quelques mois de la clôture du Concile – c’est ainsi que l’abbé de la Roque conclut son article – il n’hésite pas à affirmer : ‘on peut espérer en toute vérité que le concile portera des fruits abondants”. Dans un autre article, on souligne que c’est seulement à partir des années 1974-76 que la critique de Mgr Lefebvre s’en prend au concile même. Pourquoi rappeler ces choses – jugées peut-être embarrassantes en d’autres circonstances (comme lorsque le P. de Blignières démontra que Mgr Lefebvre avait signé tous les documents conciliaires ?) – sinon en vue de permettre une acceptation du Concile qui puisse ne pas être considérée comme une trahison de Mgr Lefebvre ?
Mgr Fellay lui-même semble se diriger prudemment dans cette direction. Le 11 mai, le quotidien valésan La Liberté (avec les journaux de langue allemande St Galler Tagblatt et Basler Zeitung) publie une interview accordée par Mgr Fellay à Menzingen (63), où, on lit, entre autres : “accepter le concile ne nous fait pas de problème. (…) Cela donne l’impression que nous rejetons tout de Vatican II. Or, nous en gardons 95%. C’est plus à un esprit que nous nous opposons, à une attitude devant le changement porté comme postulat : tout change dans le monde, donc l’Église doit changer”. Or la critique de l’“esprit du Concile” est une position qu’accepte aussi le Cardinal Ratzinger et qu’il fait sienne ; la position de Mgr Fellay s’en approche dangereusement. A cette interview on ne peut opposer la Lettre aux amis et bienfaiteurs (un texte pourtant officiel) que le Supérieur général avait écrite le 5 mai. A mon avis c’est la même doctrine que celle de l’interview qui y est exposée par Mgr Fellay comme je l’expliquais dans une de mes lettres à un prêtre de la Fraternité Saint Pie X que je publie ici :
« Cher abbé (…)
Vous m’aviez demandé ce que je pensais de la Lettre aux amis et bienfaiteurs du 5 mai [n° 60]. Je vous avais répondu que je ne l’avais pas encore lue, mais qu’en tous cas, l’interview de Mgr Fellay au quotidien Liberté, interview postérieure en date à la lettre, démentait l’intention de Mgr Fellay manifestée dans la Lettre, de considérer les négociations comme closes.
J’ai eu depuis l’occasion de lire la Lettre en question. J’avoue que j’en suis resté très étonné. Même l’abbé (…) m’avait dit, de fait, qu’elle était extrêmement “dure”, et je m’attendais à un document de ce genre, même si démenti ensuite par la réalité et les documents ultérieurs. Par contre…
Par contre la lettre de Mgr Fellay me paraît particulièrement grave, et pas le moins du monde en opposition avec l’interview ultérieure.
Les points apparemment rassurants sont deux : la déclaration par laquelle il refuse explicitement l’offre de Mgr Hoyos : “et cependant nous devons refuser l’offre”, et le refus d’un accord purement pragmatique et qui ne serait pas également doctrinal. Il s’agit certainement d’un pas en avant – apparent du moins – par rapport à l’attitude de Mgr Fellay au début des négociations.
Mais les motifs d’inquiétude ne manquent pas. Je commence par le moins important. Mgr Fellay examine les raisons qui peuvent avoir poussé “Rome” à proposer un accord. Il en énumère deux : l’intention de se servir de la Fraternité pour éteindre l’incendie, et le souci – œcuménique mais sincère – de l’unité. De plus il attribue à “Rome” uniquement de bonnes intentions : [Rome] “a effectivement changé de position par rapport à nous, elle cherche effectivement une solution”. En cela Mgr Fellay a fait un réel pas en arrière, puisque auparavant il ne manquait jamais de signaler la possibilité que les propositions de “Rome” soient un piège pour détruire la Fraternité (ou mieux : la Foi). En effet, au-delà des intentions subjectives, c’est justement cela que véhicule objectivement l’offre de Hoyos : puisque la Fraternité se trouverait en communion – de fait, pas seulement dans le canon de la messe – avec qui profère habituellement l’hérésie. Hérésies dont il n’est pas fait mot dans la lettre de Mgr Fellay (il y aurait pourtant beaucoup à dire, avec les récents voyages en Grèce et en Syrie, et avec le consistoire…).
Passons à l’accord. Ses ennemis ont-ils vraiment des motifs de se rassurer ? Je dirais que non. Mgr Fellay n’exclut pas des négociations futures : seulement que pour le moment “les choses ne sont pas suffisamment mûres pour que nous puissions aller de l’avant”. Que les négociations ne soient pas épuisées, c’est aussi l’opinion du supérieur de district qui vient de parler avec Mgr Fellay.
Vous me direz que Mgr Fellay parle d’un accord seulement pour quand il y aura “accord des intelligences”. C’est le point le plus rassurant mais également le plus préoccupant. Préoccupant parce que Mgr Fellay – critiquant dans sa lettre le “nouveau langage” du Concile – semble en sauver la lettre.
“Lorsque nous disons refuser le Concile nous n’entendons pas par là rejeter totalement la lettre de tous les documents conciliaires, qui pour la plus grande partie contiennent de simples répétitions de ce qui a déjà été dit dans le passé, mais nous attaquons un nouveau langage, introduit au nom de la pastoralité du concile”.
Dans ces paroles se trouve – en germe – la possibilité d’un accord “doctrinal” entre la Fraternité et Jean-Paul II. Je ne veux pas dire que Jean-Paul II refuse le nouveau langage du Concile ! Mais au fond un langage, un esprit, une pastorale… ne sont pas objet de foi et ne font pas partie à proprement parler de ce que l’Église enseigne (tout au plus, ils font partie de la façon dont on enseigne). Et puis les critiques de Mgr Fellay – contre la liturgie réformée, la liberté religieuse, etc. – sont toutes du point de vue de la pastorale, de l’esprit, du langage, plus que de la lettre. Lettre qu’il accepte – il l’a dit à la Liberté, à 95% (sans dire où se trouve les 5% qu’il n’accepte pas, et dans quelle mesure il les refuse). La liberté religieuse elle-même n’est pas présentée en contradiction avec le magistère précédent de l’Église (ce qui fermerait immédiatement le dialogue) mais comme pastoralement “radicalement incapable de s’opposer au processus de sécularisation qui marque le monde moderne”, tandis que les défenseurs de ladite liberté auraient agi pour une bonne fin : s’opposer au processus de sécularisation et “sauver la personne du totalitarisme de l’État moderne”.
Le ton de la lettre est clair, et radicalement différent de la position de condamnation doctrinale que nous avons toujours tenue. Il cherche à comprendre et à justifier les (bons ?) motifs de la partie adverse (qu’ils existent ou non, il sont totalement sans influence pour le jugement d’une doctrine) et prospecte la possibilité d’un accord sur la “lettre” du Concile, la seule qui soit contraignante pour un catholique. Le cardinal Ratzinger pourra reconnaître en partie sa pensée, lui qui a défendu la lettre du Concile, condamnant les dérives d’un esprit du Concile mis en avant par les plus progressistes… Et voici ouverte la voie vers un accord “doctrinal”. La lettre de Mgr Fellay a, selon moi, créé un sophisme supplémentaire pour une reconnaissance possible de Vatican II, sophisme qui remet à jour celui – usé, mais qui fit tant de mal – du Concile à la lumière de la Tradition » (64).
Le numéro spécial de Fideliter (n° 141, mai-juin 2001), intitulé Avant tout, la messe confirme que l’attitude de la Fraternité est toujours la même : il suffirait que soit acceptée la “condition sine qua non” (p. 8) (65) posée par la Fraternité (liberté pour la messe de saint Pie V) pour que soit acceptée l’offre vaticane de l’administration apostolique, même au prix de miner l’unité de la Fraternité (p. 7).
Été 2001 : tandis que Mgr Fellay attend la réponse de Rome, Mgr Rangel écrit à Rome
Donc jusqu’en mai, la Fraternité est disposée à une solution positive. Le véritable point d’arrêt (provisoire) date de juin 2001. On peut reconnaître un signe avant-coureur dans la décision, prise par Mgr Fellay en personne, de rompre le rapport de collaboration existant entre la revue de la Fraternité, Fideliter, et l’écrivain Yves Chiron. Le 22 juin, ce dernier reçoit une lettre du directeur de la revue accompagnant une missive de Mgr Fellay datée du 16 juin, adressée au directeur même de Fideliter (66). L’exclusion de Chiron de Fideliter n’est pas motivée, de même que les attaques des dominicains du Sel de la Terre contre lui par la question guénonienne, mais par sa collaboration avec la revue indultiste La Nef, ainsi que sa position transigeante et favorable aux accords de sa propre revue Alètheia. Le fait appartiendrait peut-être à la “petite histoire” (même à celle du traditionalisme) si, comme le souligne Chiron dans sa réponse, les critiques du supérieur de la Fraternité ne frappaient pas indirectement aussi son assistant en second de l’époque, l’abbé Aulagnier, qui préconisait justement des contacts amicaux avec les catholiques d’Ecclesia Dei, ainsi que l’accord avec “Rome” : “Aujourd’hui, en reprochant à un collaborateur ancien de Fideliter de ne pas avoir applaudi des deux mains un livre collectif sur la nouvelle messe (qui ne faisait pas l’unanimité parmi les prêtres de la FSSPX, d’ailleurs) et de collaborer à une revue qui est, tout de même, une des voix principales des catholiques de tradition hors de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Fellay semble démentir l’enthousiasme généreux de son deuxième assistant”. Et en effet la contradiction était trop évidente pour que l’abbé Aulagnier reste encore longtemps second assistant du Supérieur… Mais le repli sur soi de la Fraternité n’en reste pas là. A la lettre du cardinal Castrillon Hoyos du 7 mai, Mgr Fellay se décide enfin à répondre, le 22 juin ; la lettre est communiquée en partie aux fidèles durant l’homélie de Mgr Fellay tenue à Écône, le 29 juin, à l’occasion des Ordinations sacerdotales (67). Cette fois-ci il s’agit, pour de vrai, d’une lettre dure, même s’il ne s’agit pas encore d’une lettre de rupture : Mgr Fellay attend en effet une réponse du Cardinal (et la réponse il l’aura presque un an après : “Roma mora” !). Avec cette réponse, la Fraternité montre de nouveau l’autre face, celle de la “Petite Église” (selon l’expression des abbés Aulagnier et Simoulin). Mgr Fellay rappelle maintenant que “des actes positifs destructeurs” de l’Église “se rencontrent (…) jusque chez le Vicaire du Christ”. Le problème lancinant pour Mgr Fellay est celui d’“un magistère qui se contredit”. L’évêque traditionaliste se rend compte de l’objection possible : affirmer que le magistère se contredit, que le Vicaire du Christ erre, ne signifie-t-il pas aller contre le dogme de la sainteté de l’Église divinement assistée ? Pour éviter cette conclusion (ou celle du siège vacant) Mgr Fellay invoque Vatican I (DZ 3070) selon lequel le Saint-Esprit n’a pas été accordé au Pape pour innover mais pour transmettre fidèlement la Révélation. Pour Mgr Fellay Vatican I poserait ainsi “explicitement une limite à l’assistance du Saint- Esprit” : le Pape serait assisté lorsque – de fait – il enseigne la vérité, il ne le serait pas lorsqu’il innove et enseigne l’erreur ! Cette interprétation détruit radicalement le dogme de l’infaillibilité du Pape. En effet, pour Vatican I cette “limite” implique que le Saint-Esprit assiste tout Pontife vrai et légitime faisant en sorte qu’infailliblement, il ne propose jamais à croire des nouveautés mais transmet dans son intégrité le dépôt de la Révélation. Mgr Fellay, par contre, pensant que Jean-Paul II a innové, en déduit que l’assistance divine est intermittente, ce pour quoi nous aurions parfois “un vrai magistère” et parfois “un magistère apparent”.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que Mgr Rangel n’ait pas voulu suivre Mgr Fellay dans ses élucubrations… (68). Nous avions laissé le représentant de l’Évêque brésilien, le Père Rifan, et son compagnon l’abbé Simoulin en colloque avec le cardinal Castrillon Hoyos ; les choses ont mûri entre-temps, et le 15 août 2001, le successeur de fait de Mgr de Castro Mayer, Mgr Rangel, consacré par Mgr Tissier de Mallerais, écrit une lettre à Jean-Paul II dans laquelle il demande pardon au “Pape” et demande à être admis, avec l’Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney, à la “pleine communion avec le Saint-Siège” (69).
Tandis qu’à Campos on agit, en Suisse on se contente de pieux désirs. Mgr Fellay a déjà partiellement retiré les dures déclarations de juin, confiant à l’Agence APIC : “nous arriverons à trouver une solution, même si ce n’est pas pour tout de suite” (70). Et comme l’obstacle à l’accord, pour les “traditionalistes”, semble être plus liturgique que doctrinal, le cardinal Ratzinger anime une réunion liturgique au monastère bénédictin de Fontgombaut (21-24 juillet) qui laisse entrevoir un rapprochement liturgique entre qui célèbre la nouvelle liturgie et qui célèbre l’ancienne…
Après deux ans, un premier “fruit” : l’accord de Campos divise les “traditionalistes” et la Fraternité elle-même (décembre 2001-janvier 2002)
“Sans rien dire de précis sur ce qu’ils étaient en train de combiner, ils ont ‘chanté tout l’été’… ils ont travaillé avec le Vatican au cours de l’été dernier… et aujourd’hui, malgré le conseil contraire de nos supérieurs, ils ont livré à l’Église conciliaire l’évêque que nous leur avions donné pour la Tradition, ils ont accepté ce qu’ils n’acceptaient pas auparavant… et ils ont cessé de ‘confesser publiquement la foi’”. C’est par ces paroles pittoresques que l’abbé Simoulin, qui jusqu’au mois de mai de concert avec eux “chantait avec le Vatican”, déplore, dans Roma felix (n° 2, février 2002) l’accord stipulé entre l’Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney de Mgr Rangel et l’Église “conciliaire” (qui dans le n° de juillet-août de Roma felix était par contre l’Église de Jésus- Christ) de Jean-Paul II. L’abbé Simoulin oublie que la division des “traditionalistes” – fait évident que l’on ne peut plus occulter – est le fruit d’une “chanson” qui n’a pas été entonnée l’été 2001 par Mgr Rangel, mais plutôt l’été 2000 par les évêques de la Fraternité assis à table avec le cardinal Castrillon Hoyos. Mais que s’est-il donc passé pour qu’on en arrive là ?
Exposons brièvement les faits. Le voyage au Brésil de Mgr Fellay pour convaincre Mgr Rangel de ne pas accepter la “paix séparée” n’a servi à rien (71). Le jour de Noël, Jean-Paul II a signé la lettre Ecclesiæ unitas “à mon vénéré frère Licinio Rangel et aux bien-aimés fils de l’union Saint Jean-Marie Vianney de Campos au Brésil” par laquelle, en réponse à la lettre du 15 août, il les accueille “dans la pleine communion de l’Église catholique”, il lève les censures qu’ils avaient encourues, et il annonce un document juridique par lequel sera érigée l’Administration apostolique Saint Jean-Marie Vianney. Le 18 janvier la Congrégation pour les Évêques émet le décret Ad consulendum ; Mgr Rangel est nommé évêque titulaire de Zarna et administrateur apostolique de l’Administration apostolique personnelle Saint Jean-Marie Vianney de Campos, et, dans une déclaration souscrite le même jour, il déclare reconnaître l’autorité de Jean-Paul II, le Concile Vatican II “à la lumière de la Tradition”, et la validité de la nouvelle messe. Les documents ont été lus publiquement durant une cérémonie solennelle tenue, toujours le 18 janvier, à la cathédrale de Campos et présidée par le cardinal Castrillon Hoyos en présence de nombreux prélats (72). A la cérémonie, curieux hasard, était aussi présent – en provenance de Rome où il avait rencontré Mgr Fellay – l’abbé Aulagnier, de la Fraternité Saint Pie X, qui fait une relation enthousiaste de l’événement dans le bulletin Nouvelles de Chrétienté (73). Selon le site d’Inter multiplices una vox, l’Union sacerdotale compte “un évêque, 27 prêtres, 20 séminaristes, 100 religieuses, 50.000 fidèles, 10.000 enfants au catéchisme, 250 centres de catéchèse (…) un séminaire, 150 églises et chapelles, 70 centres de Messe, 10 écoles avec 3.500 élèves, 2 orphelinats avec 600 enfants, 2 maisons pour personnes âgées avec 150 hôtes” : qu’en est-il de ces âmes ?
Selon la revue des dominicains d’Avrillé, Le Sel de la Terre (74), ces âmes ont été trahies. A l’occasion de la publication – bien avant la signature officielle de l’accord – d’une lettre du Père Lorenzo Fleichman OSB du 30 octobre 2001, les religieux d’Avrillé qualifiaient l’accord du terme de “trahison” semblable à celle de Dom Gérard en 1988. Au contraire, l’abbé Aulagnier, supérieur du district belge de la Fraternité, approuve totalement, comme nous l’avons vu, ses confrères brésiliens, et désapprouve publiquement les dominicains : “je regrette fortement la publication dans Le sel de la terre n° 39 de la lettre du RP Laurent. Cette lettre est une franche méchanceté. Le Père Laurent, du Brésil, aurait été bien inspiré de ne pas l’écrire et les Dominicains de ne pas la publier” (DICI n° 36). Pour l’abbé Aulagnier, en effet, l’accord de Campos est tout à fait différent de celui de 1988, et représente une victoire de la Messe de saint Pie V, ainsi qu’un “exemple” à suivre pour la Fraternité.
Entre ces deux extrêmes, quelle fut l’attitude du Supérieur de la Fraternité ?
Initialement possibiliste. Dans au moins deux documents.
Le 9 janvier, avant l’accord solennel, Mgr Fellay accorde une interview à Jacques Berset, de l’agence Apic, interview publiée ensuite dans le n° 38 de l’agence de la Fraternité DICI (18 janvier). “Je ne veux pas prendre position a priori – déclare Mgr Fellay – Nous jugerons Rome à ses actes. (…) Le sort qui leur sera réservé aura une grande importance pour nous. (…) Si les gens de Campos sont bien traités, cela fera avancer les choses en ce qui nous concerne”. Le 16 janvier, fête de saint Marcel, arrive un communiqué de la Fraternité “Au sujet des prêtres de Campos” : pour Mgr Fellay, tout n’est pas négatif dans l’accord puisque “pour la première fois une structure de type diocésain est accordée à la Tradition. Un évêque traditionnel est maintenant reconnu comme tel, comme pleinement catholique” tandis que “par ailleurs aucune concession substantielle au niveau doctrinal n’a été faite”. Aussi, comme il a été dit lors de l’entrevue précédente, la Fraternité attend-elle de voir comment vont finir les choses : est-ce un pas vers la fin de la crise ? “Le temps seul le dira”. “Quelles seront désormais leurs relations avec Rome et avec nous ?” “C’est encore le temps qui le dira. La situation nouvelle créée servira de test pour le futur”. Ce que la Fraternité n’admet pas est surtout d’avoir été exclue des négociations : “la Fraternité Saint Pie X constate que ce résultat est le fruit d’une paix séparée. Pour l’obtenir, les prêtres de Campos ont dû en quelque sorte se démarquer de la Fraternité” (75). Le critère d’orthodoxie est, encore une fois, la fidélité à la Fraternité. Et c’est là qu’a été probablement “l’erreur” de l’abbé Aulagnier : il avait critiqué publiquement la “timidité” de ses supérieurs dans leurs démarches… Fin février le volcanique prêtre français publie dans son bulletin, Nouvelles de Chrétienté (n° 72), et à l’agence internet DICI (n° 43), la relation de la journée du 18 janvier et l’article Les prêtres de Campos : leur reconnaissance par le Saint-Siège publié par l’Administration apostolique personnelle Saint Jean-Marie Vianney, relation dans laquelle ces derniers justifient leur choix en démontrant n’avoir dit et fait ni plus ni moins que Mgr Lefebvre et Mgr Fellay (pour ce qui concerne l’acceptation du Concile à la lumière de la Tradition, ou la validité de la nouvelle messe, rappelant enfin que Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer avaient souscrit tous les actes conciliaires). C’est plus l’indépendance de l’abbé Aulagnier et celle de Mgr Rangel, que leurs idées, qui ne pouvaient être tolérées. L’abbé Aulagnier, tout en demeurant un supérieur dans la Fraternité (en Belgique) doit donner sa démission de second assistant du supérieur et se voit privé – sans aucune explication au public – de la direction de la revue et de l’agence DICI (février-mars 2002). Le nouveau numéro de DICI (n° 44, 1er mars 2002) contient un éditorial de Mgr Fellay sur la question de Campos où il prend une position bien différente de la position précédente : “C’est l’entrée dans le pluralisme sous apparence de reconnaissance de la part de Rome, qui est imposée, ce n’est pas le retour de l’Église conciliaire à la Tradition”. Et Mgr Fellay donne les verges pour se faire battre : “La condition pour réaliser ce nouveau prodige [de la reconnaissance par Rome] a été exprimée par le Cardinal Castrillon, acteur de l’accord camposien dès avant le début des discussions dans un article de 30 Giorni d’abord en automne 2000, dans la Nef ensuite, finalement à Campos, lors d’une conférence de presse, le 19 janvier 2002”. Mais alors, demandons-nous, s’il en est ainsi, comment se fait-il que Mgr Fellay ait traité (et il traitera de nouveau) avec le cardinal Castrillon, alors que celui-ci dit ouvertement qu’il n’a jamais caché que son but est d’imposer “l’accord de principe du Concile”, lequel a été “la grande catastrophe du XXème siècle, la cause de dommages incalculables faits à l’Église et aux âmes” (76) ?
Après Campos, la Fraternité encore. Les cardinal Ratzinger et Castrillon Hoyos reprennent les négociations (février-mai 2002)
Après ces paroles solennelles de Mgr Fellay, logiquement on aurait pu s’attendre à des excuses officielles (et pour avoir ouvert des pourparlers dont le but, dès le début, était l’acceptation de Vatican II, et pour avoir induit les confrères brésiliens en tentation) ainsi qu’à la fin de cette aventure.
Il n’en est rien. Dans le numéro de mai 2002 de Roma felix l’abbé Simoulin, après avoir critiqué les prêtres de Campos, confirmait une déclaration du cardinal Medina selon laquelle depuis février ( !) les pourparlers étaient repris avec un échange de lettres entre le cardinal Ratzinger et Mgr Fellay (pp. 6-7). Andrea Tornielli enfin, dans Il Giornale (10 mai 2002, p. 9) annonçait que le 5 avril et par une lettre de 15 pages, le cardinal Castrillon Hoyos avait enfin répondu à la lettre de Mgr Fellay datée de juin dernier, lettre que le prélat avait lue “non sans souffrance”. La réponse a pour but “de mettre ensemble ce qui nous unit et de chercher à surmonter ce qui nous divise encore”. Il Giornale ne publie que des extrait de la lettre, et la Fraternité est revenue pour le moment à la discrétion et au silence des premiers mois. Qui vivra, verra…
En dernière heure : La lettre du cardinal Castrillon Hoyos du 5 avril a été publiée par la suite sur internet, par ex, en italien, sur le site : tradizionecattolica@yahoogroups.com.
Roma felix de juin 2002, p. 7, signale une autre lettre de Mgr Fellay datée du 25 janvier avec une réponse du cardinal Castrillon en date du 13 avril.
SECONDE PARTIE : NOTRE COMMENTAIRE
Jusqu’ici, les faits. Nous les avons exposés avec sincérité mais non sans exprimer, il est vrai et parfois de façon polémique, notre avis. Nous chercherons toutefois, pour conclure notre article, à donner de ces faits un commentaire qui reflète notre opinion sur ce sujet.
La vraie condition préalable est une analyse approfondie de la situation actuelle de l’autorité dans l’Église
Pratiquement depuis sa fondation, la Fraternité Saint Pie X et les associations qui la suivent dans sa voie, se trouvent devoir désobéir à une autorité reconnue comme pleinement légitime. Ce contexte est le point faible des disciples de Mgr Lefebvre. En effet, il est évident à tous que l’on ne peut désobéir au Pape. Si l’on reconnaît en Jean-Paul II l’autorité légitime, l’unique devoir est celui de la soumission inconditionnée et de l’obéissance absolue. “Traiter” avec le Pape, poser des conditions au Pape, n’est pas d’un comportement catholique, mais schismatique. Un motif de foi s’oppose-t-il à cette obéissance ? Si tel est le cas, s’impose alors, avant toute “négociation”, une étude approfondie sur la situation actuelle de l’Autorité dans l’Église. Là est la condition “préalable” que nous-mêmes, opposés à Vatican II, devrions nous poser avant d’affronter toute question ultérieure.
La condition “préalable” que pose la Fraternité Saint Pie X, bien que refusée,
est totalement insuffisante pour garantir les exigences de la foi orthodoxe
Ceci dit, il me semble évident que la condition posée par Mgr Fellay et, initialement, par Mgr Rangel pour la poursuite des négociations, est absolument insuffisante. Que demande la Fraternité ? L’autorisation, pour tous les prêtres du monde, de célébrer la Messe avec les rubriques de Jean XXIII (le “bienheureux” Jean XXIII !). Qu’implique le fait que ce soit là substantiellement l’unique condition à remplir pour que soit formalisé l’accord ? La réponse est évidente. L’Église est fondée sur la foi et les Sacrements. La profession de foi doit être identique, substantiellement identique l’administration des sacrements. Par contre, la Fraternité Saint Pie X émet l’hypothèse d’un accord où la profession de Foi des deux partis ne concorderait pas, non plus que l’administration des Sacrements. Il serait licite, en effet, de professer fidélité au Magistère de l’Église et, dans le même temps, à l’enseignement de Vatican II qui contredit, en divers points, celui de l’Église. Comme il serait licite de célébrer le rite catholique de la Messe et des Sacrements, comme il le serait de suivre par contre la “Messe de Luther” (Mgr Lefebvre dixit). La Fraternité – avec cette condition – oublie totalement le problème du Concile et, pour ce qui est de la Messe, elle ne demande rien d’autre que le biritualisme, autrement dit la célébration, dans l’Église et dans les églises, selon les deux rites.
On nous objectera qu’il faut être réaliste et que l’on ne peut pas demander ce que l’on ne pourra certainement pas obtenir et se contenter d’un grand et inespéré succès : la liberté pour la Messe. Nous répondons que ces arguments sont compréhensibles dans les choses profanes, mais pas dans les chose de la Foi, d’autant plus que, de cette façon, on en arriverait à justifier la pratique tant critiquée (et à juste titre) de l’œcuménisme, qui au lieu de demander le retour à la vérité de celui qui erre se contente d’un accord pragmatique entre les partis, chacun restant sur sa propre position.
Jusqu’à maintenant, les “négociations” n’ont fait qu’affaiblir et diviser notre front.
Responsabilité de Mgr Fellay dans la chute de Campos
Si nous passons des principes (pour moi absolument suffisants pour refuser tout compromis qui soit au détriment de la Foi) à la praxis, nous nous rendons compte que de ce point de vue également (qui semble être le seul pris en considération) les “négociations” ont toujours été nocives pour la Fraternité. Sans remonter très loin, il suffit de penser à la façon dont la Fraternité Saint Pierre (née d’un schisme de la Fraternité Saint Pie X) et le monastère du Barroux se sont séparés de nous suite à leur acceptation du protocole d’entente souscrit initialement par Mgr Lefebvre en personne, en 1988. La même chose vient de se produire aujourd’hui : les négociations ont séparé de nous les prêtres du diocèse de Campos, et ont étendu les divisions à l’intérieur de la Fraternité. Eh bien ! malgré ces tristes expériences, on est prêt à recommencer… Quel sens y a-t-il à critiquer les confrères brésiliens, alors qu’ils n’ont fait que suivre jusqu’au bout la voie ouverte par Mgr Fellay en l’été 2000 ?
Au sein de la Fraternité : exigences importantes, mais mauvaises solutions
Au sein de la Fraternité (et le cardinal Castrillon Hoyos l’a encore souligné, à sa façon) (77) il existe une nette division entre ceux qui souhaitent un accord et ceux qui le craignent. Les deux partis ont, à mon, avis, leurs raisons, et aussi leurs torts.
Les partisans de l’accord manifestent (nous ne jugeons ni de leur sincérité ni de leur bonne foi) une exigence catholique : il est impossible, en reconnaissant Jean-Paul II, d’être séparés de lui et de l’Église. Parfois, cette exigence catholique est présentée de façon pragmatique : notre apostolat – disent-ils – est gravement entravé par la crainte qu’ont les fidèles d’être excommuniés ou schismatiques… mais il y a aussi un argument plus fondé : celui du risque de devenir une “petite église” substantiellement schimatique. L’abbé Aulagnier et l’abbé Simoulin, entre autres, ont signalé ce danger, qui, plus qu’un danger, me semble être, de fait, une réalité.
Cependant, même ceux qui craignent l’accord et y mettent obstacle manifestent une exigence catholique : celle de défendre la pureté de la Foi, exigence qui poussa Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer à refuser Vatican II et la réforme liturgique.
C’est à raison que les deux partis se réfèrent à Mgr Lefebvre : parce que c’est Mgr Lefebvre qui refusa les réformes conciliaires au nom de la foi et, dans le même temps, c’est lui qui reconnut l’autorité qui avait promulgué ces réformes avec l’intention de les imposer à tous. Ensuite les deux partis ont raison de signaler les dangers inhérents à la position l’un de l’autre : les uns, souscrivant à un accord pragmatique, finissent par souscrire implicitement à Vatican II et à la licéité de la réforme liturgique, en attendant de le faire explicitement, comme l’a fait par exemple Dom Gérard. Les autres, comme nous l’avons démontré avec la publication de notre dossier sur les tribunaux de la Fraternité, ont déjà créé les structures d’une Église séparée en élaborant une théologie gallicane, anti-romaine et anti-infaillibiliste. Comment est-il possible que les deux partis aient tort ? Que faire, si les deux solutions sont à écarter ? Ne nous trouvons-nous pas devant un cas embarrassant ?
Non. La racine du dilemme se trouve dans la position contradictoire originaire (reconnaître l’Autorité, en refuser cependant le magistère, la discipline, la législation…). La solution au dilemme consiste dans le refus de la position originaire contradictoire… Si la foi nous impose le refus des réformes, c’est parce que l’autorité qui les a promulguées et imposées n’est pas l’Autorité.
Devons-nous donc refuser tout contact avec qui occupe matériellement
le Siège apostolique et les Sièges épiscopaux ? La solution que nous proposons.
Dans le sédévacantisme, Mgr Lefebvre considérait surtout cet aspect : “ils ne veulent pas que j’aille à Rome parler avec les cardinaux !”. La chose lui semblait absurde. Mais est-ce que ça l’est vraiment ?
Bien sûr, dans une perspective simpliciter sédévacantiste, ça peut l’être. Si ceux qui occupent les Sièges épiscopaux sont des antichrists (comme l’avait dit Mgr Lefebvre, parlant aussi du Siège romain) le seul fait de s’occuper d’eux serait une trahison.
Si par contre ceux qui occupent les Sièges sont les Autorités légitimes (comme il arriva aussi à Mgr Lefebvre de le dire) nous ne devons pas entreprendre des négociations mais demander pardon de notre désobéissance.
Enfin si, comme je le pense, ils n’ont pas l’Autorité mais occupent légalement les Sièges épiscopaux, alors notre devoir n’est ni d’obéir (on obéit seulement à l’Autorité légitime) ni d’excommunier (n’étant pas nous-mêmes l’autorité, nous n’en avons pas le pouvoir), ni même de négocier (la foi n’est pas un objet de négociations). Notre devoir, et notre force, c’est de témoigner publiquement de notre foi.
Nous devons donc :
redire notre adhésion à l’enseignement authentique de l’Église,
condamner, pour autant qu’il est en notre pouvoir, tout enseignement contraire, même s’il provient de l’“autorité”,
demander compte à l’“autorité” de cette contradiction,
inviter les occupants des Sièges épiscopaux à confirmer publiquement l’enseignement de l’Église, et à condamner le nouvel enseignement qui lui est contraire,
inviter les évêques qui ont adhéré à l’enseignement de l’Église et condamné l’enseignement conciliaire à demander, au nom de l’Église elle-même et de leur autorité retrouvée, à tous leurs confrères dans l’épiscopat – y compris Jean-Paul II - de s’unir à eux dans cette profession de Foi et dans cette condamnation,
inviter lesdits évêques à constater la perte de l’autorité de ceux qui refuseraient d’accueillir leur monition, et à prendre des mesures, dans un concile général imparfait, pour rétablir l’autorité dans l’Église.
Nous ne condamnons donc pas un débat doctrinal prudent avec qui adhère à Vatican II. Mais nous condamnons par contre un compromis aux dépens de la doctrine, qui ne peut certainement pas être monnayée par une Administration apostolique.
Cette attitude peut sembler utopique au plus grand nombre. Elle l’est beaucoup moins qu’on ne pourrait le croire. Dès la clôture de Vatican II, l’abbé de Nantes avait composé un recueil des erreurs de Vatican II et de Paul VI, les accusant d’apostasie, d’hérésie et de schisme, invitant les cardinaux à prendre à leur compte la condamnation des doctrines erronées et à contraindre Paul VI à se prononcer solennellement sur ce thème. Puis il y eut la promulgation du nouveau missel ; les cardinaux Ottaviani et Bacci – souscrivant le Bref Examen critique du Père Guérard des Lauriers – en contestèrent l’orthodoxie doctrinale, contraignant Paul VI à soumettre le texte du missel à un minimum d’examen doctrinal. Dans le même temps, l’évêque résidentiel de Campos, Mgr Antonio de Castro Mayer, envoyait à Paul VI une étude de X. Vigidal da Silveira contre le nouveau missel ainsi qu’une critique doctrinale du document conciliaire sur la liberté religieuse ; comme l’abbé de Nantes, il soulevait lui aussi le problème de l’autorité s’appuyant sur l’étude du cas classique du “pape hérétique”. Plus tard, interrogé par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Lefebvre exposa ses critiques contre Dignitatis humanæ, critiques publiées ensuite sous le titre Mes doutes sur la liberté religieuse. Mais dans tous ces cas, cependant, l’autorité de Paul VI ou de Jean-Paul II était reconnue. C’est à juste titre que le Père Barbara et l’abbé Barthe s’adressèrent à de nombreux évêques résidentiels du monde entier pour les pousser à condamner les erreurs de Vatican II et déclarer la vacance du Siège apostolique. C’est à plus juste titre encore que le Père de Blignières rédigea la Lettre à quelques évêques sur la situation de la sainte Église, contenant les propositions erronées de Vatican II et de Jean-Paul II, et invitant les évêques à approuver cette condamnation. Dans cet appel, souscrit par de nombreux théologiens et par Mgr de Castro Mayer lui-même, l’autorité de Jean- Paul II n’est pas reconnue (Jean-Paul II est défini : occupant du Siège apostolique, ce qu’il est) mais elle n’est pas non plus ouvertement contestée ; et là nous devons déplorer cette ambiguïté, due à la dissidence intervenue avec l’auteur de l’initiative, le Père Guérard des Lauriers, suite à sa consécration épiscopale. Cette initiative n’eut pas de suite, peut-être parce que Dieu n’a pas voulu la bénir, peut-être parce que les temps n’étaient pas mûrs, sûrement en tous cas parce qu’Écône y mit obstacle. La marche du temps ne va pas cependant contre nos espoirs, comme on l’aurait pu croire. Récemment deux évêques qui avaient embrassé le Concile, l’ont publiquement désavoué ; si l’un est décédé, l’autre est encore évêque résidentiel. Ils ont adhéré, certes, à la position de la Fraternité Saint Pie X ; cela n’enlève rien à la possibilité (contra factum non fit argumentum) que des évêques résidentiels condamnent les erreurs et professent la foi. A mon avis c’est dans cette direction que nous devons agir. S’il est vrai, comme le soutiennent les partisans de l’accord, que de nombreux prélats, évêques et cardinaux, sont en train de changer lentement de position en faveur de la vraie doctrine, la conclusion pratique à en déduire n’est pas que le temps soit venu d’un accord pragmatique et disciplinaire (ou même seulement liturgique) laissant de côté les questions de foi pour faire coexister vérité et erreur ; la conclusion est, au contraire, que nous devons – par des études théologiquement sérieuses, et aussi, avec une très grande précaution et seulement par ceux qui en ont la compétence, par un rapport personnel – faire tout pour réfuter l’erreur, illustrer la vérité, et convaincre les occupants des Sièges apostoliques ou les membres du collège des cardinaux (du moins certains d’entre eux) de faire la même chose. Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer auraient été les personnes les plus adaptées à cette tâche, mais elles ont choisi une voie différente qui n’amène pas la clarté ; il n’est pas dit que la Providence ne veuille pas se servir, tôt ou tard, d’autres instruments, toujours en conformité cependant avec la constitution divine de l’Église qui est fondée sur Pierre et sur l’épiscopat subalterne.
Y aura-t-il quelqu’un, dans la Fraternité elle-même ou dans d’autres communautés “traditionnelles”, qui soit disposé à prendre en considération ce programme ? C’est ce que nous souhaitons, et c’est l’intention que nous recommandons à la Très Sainte Vierge Marie Auxiliatrice.
Notes
1) Plus couramment répandue et aussi plus significative… Le terme “Rome” n’est pas en effet une expression géographique ; il est utilisé pour signifier “Pape” ou “Église” : en effet le Pape est l’évêque de Rome et l’Église est catholique, apostolique et romaine. Si au lieu du terme “Rome”, utilisé avec pudeur par la Fraternité – comme il fut un temps par les gallicans ou les régalistes qui prétendaient s’opposer à la “cour romaine” – on mettait le synonyme “Pape” ou “Église” la gravité des affirmations lefebvristes ressortirait plus clairement.
2) Les documents de cette affaire ont été publiés dans le livre “Mgr Lefebvre et le Saint-Office”, édité par Itinéraires.
3) C’est dans ce climat qu’on a procédé - au sein de la Fraternité - à l’expulsion des prêtres et séminaristes opposés à l’accord. Voir l’article Deux lettres pour toute une histoire à écrire publié dans 30 Jours (n° 7, juillet 1988, p. 10). Les deux lettres de Mgr Lefebvre à Jean-Paul II, qui sont respectivement du 8 mars 1980 et du 4 avril 1981, ont été publiées aussi sur Sodalitium n° 17, pp. 15-16 it. ; partiellement reproduit dans éd. fr. p. 22.
4) “Je souhaite comme vous la coexistence paisible des rites pré et post conciliaires. Qu’on laisse alors les prêtres et les fidèles choisir à quelle ‘famille de rite’ ils préfèrent adhérer” (lettre de Mgr Lefebvre au président d’Una Voce Internationale, datée du 17/9/1976). Le 3 mars 1977, Mgr Lefebvre préconisait comme solution la coexistence de “paroisses personnelles” de la Fraternité et de paroisses avec le nouveau missel, tout en admettant que ce serait là “une situation un peu hybride” (cf. DICI n° 7). Voir aussi la Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n° 16 : “Très Saint-Père, (…) nous Vous conjurons de dire un seul mot, une seule parole (…) aux Évêques du monde entier : ‘laissez faire’ ; ‘Nous autorisons le libre exercice de ce que la Tradition multiséculaire a utilisé pour la sanctification des âmes’. Quelle difficulté présente une pareille attitude ? Aucune. Les Évêques décideraient des lieux, des heures réservées à cette Tradition. L’unité se retrouverait immédiatement au niveau de l’Évêque du lieu”. (…) Je crains que des discussions prolongées et subtiles n’aboutissent pas à un résultat satisfaisant et fassent traîner une solution qui, j’en suis persuadé, doit vous apparaître urgente”. Lettre à Jean-Paul II, 24/12/1978.
5) Sodalitium (n° 5, nov.-déc. 1984 éd. it.) publiait le “Communiqué à nos amis et bienfaiteurs” qui suit : “Par le décret du 3 octobre 1984, la Congrégation Romaine pour le Culte divin a de nouveau permis la célébration publique de la Messe de toujours, à certaines conditions. Quiconque lira ce décret comprendra que les conditions qui y sont formulées sont pour nous inacceptables et que, de ce fait, son contenu n’est que difficilement applicable [donc applicable tout de même !, n.d.r.] à notre œuvre. Malgré tout, nous nous réjouissons de cette décision du Saint-Siège car d’une part elle est un premier pas vers un changement notable dans la voie désastreuse où l’Église avait été engagée, et d’autre part les prêtres et les fidèles qui jusqu’à présent étaient liés à la nouvelle messe par une fausse conception de l’obéissance, peuvent maintenant revenir sans trop de difficultés au Saint Sacrifice de la Messe de toujours. Nous voyons dans ces deux faits un grand profit pour la vie de l’Église et le salut des âmes. Rickhenbach 18 octobre 1984. Abbé Franz Schmidberger”. Voir Fideliter n° 42, nov.-déc. 1984.
6) Dans la “Pétition au Saint-Père” que fit publier l’abbé Schmidberger et qui figure dans le même numéro de Sodalitium (n° 5, p. 31, éd. it. ; voir aussi Fideliter n° 43, p. 15-16) on peut lire : “nous Vous demandons respectueusement et filialement :
- Que soit reconnue à tout prêtre la liberté d’utiliser le Missel romain et les livres liturgiques en vigueur en 1962.
- Qu’à cet effet cesse, pour Son Exc. Mgr Lefebvre et ses prêtres, l’injuste situation dans laquelle on les a placés.
- Que la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X soit reconnue dans l’Église comme société de droit pontifical et prélature personnelle. La troisième demande de 1984 n’est autre que la proposition officielle faite actuellement par le cardinal Castrillon-Hoyos à la Fraternité, laquelle a mis comme condition l’obtention des deux premières demandes de l’époque adaptées aux temps présents.
7) Cf. Abbé Aulagnier, La tradition sans peur, Servir, 2000, p. 191.
8) Le cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre se rencontrèrent et signèrent conjointement un communiqué le 14 juillet 1987.
9) Voici le commentaire que fait l’abbé Aulagnier de ces événements : Mgr Lefebvre (…) est un pragmatique beaucoup plus qu’un cérébral : jusqu’au bout, il a cherché un accord avec le Vatican et il ne s’est retiré du jeu, le 30 mai 1988, que lorsqu’il eut l’intime conviction que l’accord (qu’il venait pourtant de signer) était voué à l’échec…” (p. 187).
10) Stefano Maria Paci le rappelle, dans 30 Jours encore (éd. fr. : n° 9/2001, p. 7), lorsqu’il interviewe Mgr Fellay : “Mgr Fellay, vous avez été ordonné évêque le 30 juin 1988 et le jour-même vous avez été excommunié latæ sententiæ. Le jour suivant, Mgr Lefebvre m’a fait dans une interview ‘à cœur ouvert’ la confidence suivante : ‘Ces ordinations j’ai dû les faire, sinon, mon œuvre aurait disparu et, avec elle la Tradition de l’Église. Mais d’ici quatre, cinq ans maximum, Rome finira par trouver un accord avec nous’. Pour justifier un changement éventuel de cap de la part de la Fraternité, le supérieur actuel du district français, l’abbé Laurençon, écrit : “que Mgr Lefebvre n’ait pas entendu nous lier pour l’éternité à la part prudentielle de ses décisions, ses propres expressions à l’occasion des sacres en témoignent. (…) ‘Il faudra donc attendre encore quelque années sans doute pour que Rome retrouve sa Tradition bimillénaire’ (19 juin 1988)” (Fideliter, n° 132, nov.-déc. 1999, p. 2). L’abbé Aulagnier rapporte que Mgr Lefebvre ne voulut pas consacrer évêque l’abbé Schmidberger, alors supérieur général, en vue d’une reprise ultérieure des négociations. (cf. Aulagnier, La Tradition sans peur, Servir, Paris 2000, p. 177).
11) Abbé Philippe Laguérie, Le pape, la messe et la paix, éditorial du n° 52 (février 2001) de Pacte, repris par D.I.C.I. n° 1, 30 mars 2001.
12) Sodalitium n° 47, pp. 84-85.
13) Cf. Aulagnier, La Tradition sans peur, op. cit., pp. 229-237.
14) Alètheia n° 7, 5 janvier 2001, p. 4.
15) Ibidem.
16) Alètheia n° 6, 19 décembre 2000, p. 2.
17) “Nous avions communiqué notre initiative au Comité organisateur il y a déjà deux ans. Donc aucune surprise hors programme” (interview de Mgr Fellay par Massimo Mamoli, Il Giornale, 9 août 2000, p. 15). C’est ce que nous rappelle aussi S.M. Paci dans 30 Giorni, n° 9/2000, p. 36. Mgr Fellay demanda de célébrer à Saint-Pierre, tout en sachant que ce ne serait pas possible : nous avons demandé le maximum pour obtenir le possible”.
18) La nouvelle, connue du plus grand nombre, a été ensuite rapportée par Chiron dans Alétheia, n. 6, 19 décembre 2000, p. 1.
19) Pourtant, en principe, les membres de la Fraternité, en tant qu’“excommuniés”, devraient être exclus de la possibilité de bénéficier des indulgences…
20) Cf. Lettre à nos frères prêtres n° 8, décembre 2000, Alètheia n° 6, 19 décembre 2000, p. 1.
21) Monde et vie n° 675, 16 novembre 2000, p. 13.
22) L’interview de Mgr Fellay par Stefano Maria Paci (Si le Pape m’appelle, je vais. Ou plutôt je cours) a été publiée dans 30 Giorni n° 9, sett. 2000, pp. 36-39, suivi d’un commentaire de Paci La loro fede era evidente, pp. 40-41, dans l’éd. fr. elle se trouve aux pp. 6-9, et le commentaire de Paci (Leur foi était évidente) aux pp. 10-11. L’interview du cardinal Dario Castrillon Hoyos par Gianni Cardinale (Segno di fede profonda) a été publiée dans 30 Giorni n° 11, nov. 2000, pp. 18-21, et aux pp. 16-19 de l’éd. fr. (Signe de foi profonde) 30 Jours n° 11, novembre 2000.
23) Ce même n° 9 de 30 Giorni (éd. Italienne) contenant l’interview de Mgr Fellay, comprenait en annexe le livre d’Andreotti, I quattro del Gesù (déjà recensé par Sodalitium) livre dans lequel est demandée la réhabilitation du chef du modernisme italien, Ernesto Buonaiuti.
24) Mgr Fellay fait allusion à ce que révéla ensuite le cardinal Stickler, un des membres de cette commission. Les propositions de la commission ont été publiées par l’abbé Aulagnier (op. cit., p. 335) qui les définit comme “un vrai plan de paix… ou son ébauche”. On ne put rien en faire à cause de l’opposition de l’épiscopat.
25) Nous faisons remarquer au lecteur que Sodalitium juge les propos du cardinal Castrillon Hoyos tout à fait dignes et cohérents si l’on présuppose – ce qui est pour lui évident – la légitimité de Paul VI et de Jean-Paul II. De cette légitimité découle logiquement l’acceptation nécessaire et sincère du Concile Vatican II, de la réforme liturgique, etc. L’incohérence est tout entière du côté de la Fraternité Saint Pie X, laquelle reconnaît l’autorité de Paul VI et de Jean-Paul II (“Si le Pape m’appelle, je vais. Ou plutôt, je cours”) pour refuser ensuite et condamner ce que le “Pape” a décrété et établi...
26) Interview de Mgr Fellay accordée à l’abbé de Tanoüarn et à Maxence Hecquard, publiée par la revue Pacte (n° 56, été 2001, pp. 1, 3-5) et reprise par l’agence DICI n° 16.
27) “Tout prit naissance avec l’impact très positif que notre démarche jubilaire laissa à Rome en août dernier (…) Suite à ces jours de prière intense, la revue 30 Jours accordait un long entretien à Mgr Bernard Fellay, supérieur général de notre Fraternité. L’une de ses phrases résonna particulièrement dans les couloirs du Vatican : ‘si le Pape m’appelle, je vais. Ou plutôt, je cours. Par obéissance filiale à l’égard du chef de l’Église’ (30 Jours, sept. 2000, p. 8). “Dans ce même entretien, Mgr Fellay précisait le cadre préalable qui permettrait de fructueuses discussions : donner à tous les prêtres du monde la pleine liberté de célébrer la messe tridentine”.
28) Le secret adopté dans cette première phase des négociations, tout en étant compréhensible, est plutôt inhabituel dans l’histoire de la Fraternité. Qui a vécu à Écône du temps de Mgr Lefebvre sait que l’évêque fondateur de la Fraternité informait constamment non seulement ses prêtres mais aussi les séminaristes d’Écône de ses éventuelles négociations avec “Rome” : il annonçait ses voyages, donnait ses impressions au retour ; il publiait souvent ensuite les documents relatifs aux négociations (comme dans le cas du livre “Mgr Lefebvre et le Saint-Office”). Bien sûr, Mgr Lefebvre ne disait pas tout à tous... mais il avait habitué ses collaborateurs à une grande “transparence” (qui déconcertait les responsables de la Curie romaine, accoutumés – depuis toujours – à une attitude bien différente). En cette occasion, au contraire, Mgr Fellay laissa complètement dans l’ignorance de ses voyages romains non seulement les séminaristes – ce qui est très compréhensible – mais aussi les prêtres, les supérieurs de séminaire, les supérieurs de district de la Fraternité, lesquels ne surent quelque chose de la situation qu’à la fin janvier. Paradoxalement, des personnes étrangères à la Fraternité (nous entre autres) étaient parfaitement au courant de la situation presque depuis le début (suite à des fuites d’informations). Inutile de préciser que cette attitude indisposa de nombreux supérieurs locaux de la Fraternité contre le Supérieur général.
Le secret des rencontres de décembre-janvier était dû non seulement à la délicatesse intrinsèque des questions traitées, mais aussi à la crainte – fondée comme le révéleront les faits – qu’une bonne partie de la Fraternité d’une part, de l’épiscopat de l’autre, s’oppose aux ouvertures réciproques de Jean-Paul II et de Mgr Fellay. Tout marcha en effet promptement et sans encombre jusqu’à ce que les négociations – suite à des fuites d’informations – deviennent du domaine public.
29) L’agence de presse vaticane Zenit a écrit que Mgr Fellay aurait assisté “à la messe du Pape”. L’intéressé a démenti cette circonstance au cours de l’interview accordée à Pacte (“Alors ça, c’est un bobard”) déclarant avoir rencontré Jean-Paul II dans sa chapelle privée et seulement 5 minutes.
30) Roma felix n° 4, avril 2001, p. 1.
31) Dans les milieux de la Fraternité, on ne manquera certainement pas de nous accuser d’inventer de toute pièce cette attitude de Mgr Fellay. Mais l’agence de presse de la Fraternité D.I.C.I. rapporte des paroles du cardinal Castrillon Hoyos qui sont extrêmement significatives et confirment ce que nous soutenons (voir ce même article pp. 15-16).
32) Y prirent part en effet, outre les membres de droit parmi lesquels les deux assistants, Aulagnier et Schmidberger – tous deux favorables à un accord – les évêques Tissier de Mallerais, Williamson et De Galarreta, ainsi que le Père Rifan, qui représentait Mgr Rangel, l’héritier de Mgr de Castro Mayer.
33) Dans l’interview à Pacte (n° 56) Mgr Fellay – après avoir été critiqué pour l’usage continuel qu’il faisait de l’expression “conditions préalables” – se corrige lui-même, sans le dire : “Il ne s’agissait pas à proprement parler, comme on l’a écrit ici et là, de conditions préalables : un catholique ne peut pas soumettre Rome à des conditions”.
34) Il semble que ce soit le P. Rifan qui ait demandé l’introduction de ces conditions, qui de toutes façon, pour ce qui concerne la messe, sont substantiellement présentes dans l’interview de Mgr Fellay à 30 Jours.
35) Seul le naïf enthousiasme de l’abbé Laguérie (ou bien l’intention de vendre un peu de fumée à ses lecteurs) peut pourtant transformer l’acceptation de cette première condition du côté du cardinal Castrillon Hoyos en une extraordinaire première victoire de la Fraternité : “la première condition ne posait aucune difficulté. La seconde en posait, la situation n’étant pas encore mûre. Laissons donc cette dernière mûrir… au soleil de vos prières, chers amis. Mais savourez déjà la réalité de la première. Rome – pape et cardinal d’accord – ne voit aucune difficulté à lever cette fameuse censure (…). La levée de l’excommunication est un pas immense pour le bien et la paix de l’Église” (Le Mascaret n° 228, mars 2001, p. 1). L’abbé Laguérie ne se rend donc pas compte ( ?) que “la réalité” de la levée de l’excommunication existe seulement dans son esprit. Rome est disposée à lever l’excommunication si – seulement si – on parvient à un accord (c’est bien évident !). L’“excommunication” est donc toujours en vigueur, même si les lecteurs de l’abbé Laguérie ne s’en sont pas aperçus.
36) Cf. P. Aulagnier, La Tradition sans peur, op.cit., p. 335.
37) Bulletin St Jean Eudes n° 64, avril 2001, p. 17.
38) Et Mgr Williamson disait à ce propos : “aussi longtemps qu’une organisation comme la Fraternité a la vérité alors que Rome ne l’a pas, la F. se trouve aux commandes pour tout ce qui est catholique et tout comportement, tout type de négociation quelle que soit sa forme son ampleur, permettant à Rome de reprendre les rênes équivaudrait à une trahison de la vérité”. En prophète, Mgr Williamson prédisait les divisions internes de la F. : “même si les négociations, pour toutes sortes de raisons … n’aboutissent à rien, le simple fait d’avoir engagé des négociations aura joué en faveur de Rome et contre la Fraternité. Et ce parce que tout organisme catholique qui résiste à Rome en état de crise, souffre une tension interne inévitable entre ceux qui sont pour rester proche de notre Mère Rome, et ceux qui sont pour s’éloigner de sa lèpre néo-moderniste. C’est ainsi qu’entre les membres de la Fraternité qui sont pour les négociations et ceux qui sont contre, le fossé va s’élargir. Que Rome fasse une offre calculée pour plaire aux uns autant qu’elle déplaira aux autres, et à l’intérieur de la Fraternité la tension va augmenter jusqu’au point de rupture. Rome aura au moins divisé sinon vaincu. (…) Au mieux, elle [Fraternité] obtiendra des concessions incertaines en échange d’une perte certaine de liberté ; au pire, dans l’affaire, elle n’obtiendra rien du tout si ce n’est la division. Après coup, nous pourrions dire que le mieux pour la Fraternité en ces circonstances, aurait été de ne pas parler du tout avec Rome, chose plus facile à dire qu’à faire pour des catholiques”. Enfin Mgr Williamson ne cachait pas sa crainte de voir tomber la Fraternité. Auquel cas Dieu aurait suscité une autre société pour prendre sa place : “De la même manière si la Fraternité venait à être infidèle à la Tradition, elle tomberait inévitablement et à juste titre. (…) Rome peut donc - au pire des cas – réussir à réduire la F.S.P.X à la paralysie et au silence ; si c’était le cas, ce ne serait qu’un juste jugement de Dieu, et la Vérité serait maintenue ailleurs. De quoi la Fraternité est-elle digne présentement ? C’est le temps qui le dira. (…) Personne ne pourra supprimer Dieu, malgré tous ses efforts. Alors prions de toutes façons pour la Fraternité car les choses seront beaucoup plus faciles si elle tient bon. Mais en même temps préparons-nous, et si elle suit le chemin de tout ce qui est chair, ne nous laissons pas aller à la panique. ‘Dieu seul suffit’ - dit Ste Thérèse d’Avila”.
39) “Le combat de la Tradition ne se réduit pas à réclamer la messe traditionnelle. Plus que jamais, c’est au niveau supérieur de la foi qu’il faut nous placer : dénonciation du concile, l’œcuménisme, de la nouvelle ecclésiologie, du nouveau Droit Canon, du nouveau catéchisme, en un mot de la nouvelle religion conciliaire. (…) Rome est éventuellement prête à céder en partie sur la Messe (quitte à se rattraper ensuite) pour faire abandonner aux catholiques de Tradition le combat de la Foi”. Cf. Tour de David fév. 2001, p. 5
40) On prétend qu’il a interdit aux dominicains de prêcher dans les lieux de culte contrôlés par la Fraternité.
41) Philippe Laguérie, Le pape, la messe et la paix, dans Pacte n° 52, février 2001, repris par DICI n° 1, 30 mars 2001.
42) Alètheia n° 12, 27 mars 2001, p. 2.
43) Philippe Laguérie, Le pape, la messe, la paix dans Pacte n° 52, fév. 2001, repris par DICI n° 1, 30 mars 2001.
44) Cf. Philippe Laguérie, Le Mascaret n° 228, mars 2001.
45) Il est à remarquer que l’abbé Simoulin n’accuse pas le Concile mais “l’esprit du Concile” ; le card. Ratzinger n’y trouverait rien à redire. La citation est tirée de Roma felix n° 2, février 2001, p. 1.
46) Cf. DICI n° 9, 25 mai 2001. Au mois de janvier l’abbé Aulagnier avait écrit pour le numéro de février de ses Nouvelles de chrétienté. Bulletin Saint Jean Eudes (n° 62), un éditorial au titre significatif : Et si Rome décidait de se rapprocher de nous… Dans cet éditorial, l’abbé Aulagnier fait siennes les analyses de l’abbé Barthe (dans Catholica, décembre 2000, n° 70). L’abbé Aulagnier semble très impressionné par le fait que l’abbé Barthe a interviewé le cardinal Ratzinger, et il le considère comme un porte-parole de ce dernier et du cardinal Medina lorsqu’il manifeste l’intention de ces Cardinaux de se rapprocher de certains aspects de la liturgie traditionnelle. Chose curieuse : l’abbé Barthe, autrefois bras droit du Père Barbara dans la lutte sédévacantiste contre la Thèse du Père Guérard des Lauriers, est encore aujourd’hui – jusqu’à preuve du contraire – sédévacantiste…
47) De cette rencontre avec l’abbé Selegny, le card. Castrillon écrit, plus d’un an après : “[il] s’est exprimé de façon extrêmement dure à propos du rite actuel de la Messe, affirmant qu’il est ‘mauvais’… Je dois dire que j’en suis demeuré affligé et perplexe” (cf. Il Giornale du 10 mai 2002, p. 9, qui publie des extraits d’une lettre du cardinal Castrillon Hoyos à Mgr Fellay du 5 avril 2002). Nous devons confesser notre stupéfaction – vue la tradition des Congrégations romaines – à constater que le cardinal Castrillon ignore (à moins qu’il ne feigne d’ignorer) le fait que pour la Fraternité la nouvelle messe est mauvaise en elle-même (position officiellement adoptée après la sortie de l’abbé Cantoni qui n’était pas d’accord avec cette position).
48) Nouvelles de chrétienté. Bulletin Saint Jean Eudes n° 64, avril 2001, p. 17.
49) Dans Cor unum, où est publié le “Mot du Supérieur général” en date du 28 février 2001.
50) Communiqué du 2 mars 2001 à lire aux fidèles (sans leur donner le texte) : “Monseigneur Fellay a communiqué au cardinal sa volonté de suspendre pour un moment les contacts en attendant la réalisation du premier préalable…” considéré comme indispensable pour ne pas être assimilés “à un zoo ou à un parc pour espèces en voie de disparition !”
51) Agence Zénit, 25 février 2001. L’agence rappelle qu’en dépit de l’excommunication de 1988, les relations entre le Vatican et la Fraternité ont été poursuivies officieusement pendant 12 ans ; la reprise visible des négociations a coïncidé avec le pèlerinage jubilaire de la Fraternité. Il se trouve cependant au sein de celle-ci des “irréductibles” qui s’opposent à ceux qui au contraire “considèrent nécessaire un rapprochement avec le successeur de Pierre”.
52) DICI n° 4, 20 avril 2002. Mgr Fellay parle d’une réunion de l’Ecclesia Dei du 12 mars, suite à laquelle le cardinal Castrillon Hoyos aurait promis, le lendemain, par téléphone à l’abbé Simoulin que la condition posée par la Fraternité serait abordée par Jean-Paul II dans le motu proprio de reconnaissance de la Fraternité “pour ne faire éclater qu’une bombe à la fois” (Pacte n° 56, été 2001, p. 4).
53) Le 14 mars, le quotidien de Madrid La Razon annonçait que le Vatican étudiait la possibilité d’accorder une prélature personnelle aux lefebvristes. Le 18, Mgr Camille Perl, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, confirmait la négociation (Agence Zenit). Le 22 c’est la Salle de Presse vaticane elle-même qui confirmait les négociations formelles en cours, ce pour quoi, le lendemain, tous les quotidiens donnaient l’accord pour imminent.
54) Le fait, incroyable mais vrai, fut rapporté par le supérieur du district italien, l’abbé Simoulin, à l’abbé Carandino, mais il a trouvé également écho dans la presse (cf. lettre à Il Giornale de F. Damiani (7 avril 2001, p. 43). Le 25 mars, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, Mgr Tissier faisait clairement entendre qu’il n’approuvait pas la campagne en faveur de l’accord menée par l’abbé Aulagnier, deuxième assistant du supérieur général et responsable de la communication.
55) L’article de Mgr Billé, archevêque de Lyon, est publié dans La Croix du 21 mars ; le communiqué officiel (Tout n’est pas négociable) du cardinal Eyt, archevêque de Bordeaux, en date du 23 mars, est publié dans La Croix du 27 mars, puis dans La Documentation catholique du 15 avril et n’est certainement pas très respectueux pour “Rome”.
56) Précisément pour la fête de Pâques qui tombait le 15 avril.
57) Il Giornale, 3 avril 2001 ; DICI, 6 avril 2001, n° 2.
58) Il s’agit en effet de savoir si la réforme liturgique post-conciliaire et certains documents conciliaires sont, oui ou non, en opposition ou en rupture avec le magistère de l’Église et l’orthodoxie de la Foi. La Fraternité parle de rupture, mais dans le même temps, elle reconnaît l’autorité de qui est responsable de cette rupture. Le cardinal Ratzinger ne peut pas admettre la rupture, mais il devrait lui aussi expliquer comment ces nouveaux documents sont en accord avec les précédents, et si lui-même embrasse pleinement et sincèrement TOUT le magistère de l’Église précédant Vatican II. Il ne suffit pas en effet de dire que l’Église ‘d’aujourd’hui’ (rénovée) est la même que ‘celle d’hier’ (à rénover) : il faut également dire si la rénovation est seulement disciplinaire ou bien aussi doctrinale, et si de l’Église d’‘hier’ on accepte TOUT l’enseignement, puisqu’elle coïncide avec l’Église d’‘aujourd’hui’.
59) Selon Mgr Fellay, c’est “le vendredi saint, 13 avril” (Pacte n° 56, p. 4) que le cardinal Castrillon téléphona à l’abbé Simoulin.
60) DICI n° 4, 20 avril 2002 : “Enfin le 14 avril, on a fait savoir à la Fraternité, oralement, que les ‘préalables sont impossibles. Il ne serait pas possible de désavouer l’œuvre du Concile et de Paul VI. Ce qui serait le cas si une libération totale en faveur de la Messe était réalisée (…) On nous dit encore qu’il n’est pas possible de déclarer que cette messe étudiée avec soin et voulue par les papes, soit mauvaise”. Dans ces paroles nous reconnaissons l’énonciation d’un principe indiscutable du catholicisme, qu’à l’époque le cardinal Seper opposa à Mgr Lefebvre : “un fidèle ne peut mettre en doute la conformité avec la doctrine de la foi d’un rite sacramentel promulgué par le Pasteur Suprême” (Mgr Lefebvre et le Saint-Office, Itinéraires, mai 1979, n° 233, p. 111, lettre du 16 mars 1978). L’alternative est donc : ou la nouvelle messe est bonne, ou bien elle n’a pas été promulguée par le Pasteur Suprême. Pour Mgr Lefebvre la nouvelle messe est mauvaise, et elle a été promulguée par le Pasteur Suprême. Pour nous elle est mauvaise, et elle n’a pas été promulguée par le Pasteur Suprême.
61) Alètheia n° 14, 14 mai 2001, p. 4.
62) L’abbé Simoulin lui-même le rapporte dans une lettre (en français) aux prêtres du district (italien) datée du 13 juin 2001. Naturellement, étant donné qu’il écrit pour les fidèles lecteurs de Roma felix, l’abbé Simoulin a omis toute polémique interne ; mais il a repris l’idée selon laquelle l’Église que nous devons aimer “n’est pas seulement l’Église du passé, celle de Pie IX, de saint Pie X ou de Pie XII… L’Église vit aujourd’hui dans la réalité quotidienne, elle est aujourd’hui comme hier l’Église de Jésus-Christ, réalité toujours incarnée dans l’histoire humaine et gouvernée aujourd’hui par Jean-Paul II, vicaire de Jésus-Christ même si cela peut nous déplaire !”. L’abbé Simoulin écrit ceci parce qu’“il est facile de croire aimer l’Église, alors qu’on n’aime qu’une fiction de l’imagination, une Église qui existe seulement dans notre esprit, mais pas dans la réalité”. “Nous devons conserver l’amour pour Rome, l’amour pour Rome telle qu’elle est aujourd’hui, non telle qu’elle était hier”, écrit encore l’abbé Simoulin. Et pourtant, lorsqu’il parle de Vatican II, qui, pour lui, devrait être un Concile de l’Église d’aujourd’hui, il l’appelle “ce concile maudit” (Roma felix nn° 7-8, juillet-août 2001). Évidemment, il y a quelque chose qui ne va pas dans le raisonnement…
63) L’interview a été reprise aussi par l’agence de presse de la Fraternité, DICI n° 8.
64) La lettre du 16 juin se concluait sur ces observations que je considère encore aujourd’hui comme pertinentes : « Voilà quelle est mon impression sur la Lettre. Naturellement, vous savez que pour moi l’existence ou non de négociations ou d’un accord est secondaire pour décider si adhérer ou pas à la Fraternité. Pour ne pas y adhérer il suffit de savoir que sa doctrine actuelle (sur le magistère, sur l’infaillibilité, sur la juridiction, sur le Pape, sur l’obéissance…) est en contradiction avec le magistère. Que la Fraternité rejoigne Saint Pierre, ou qu’elle reste une “petite église” dotée de tribunaux propres et d’une “hiérarchie de la tradition” propre, dans les deux cas elle ne peut être un instrument qui permette d’être fidèle à l’Église catholique.
Je renouvelle donc mes sentiments d’estime et d’amitié ; je demande et promets des prières. Je vous confie, comme moi-même, à Notre-Dame du Bon Conseil.
P.S. : Une dernière observation. Mgr Fellay demande de prier afin que “l’Église retrouve son visage, sans rides, éternel…”. Nous en devrions déduire que – si elle doit le retrouver – pour le moment elle l’a perdu. C’est ce que dit Jean-Paul II de l’Église du passé, celle de l’Inquisition. Par contre c’est de l’“Église” du présent que le dit Mgr Fellay. Même problème lorsque Mgr Fellay parle de son désir d’en finir – à certaines conditions – avec “l’opposition à Rome”. Il admet donc qu’il s’oppose à Rome (autrement dit au Pape, à l’Église). Ces problèmes terminologiques sont une conséquence du fait que la Fraternité reconnaît la légitimité de Paul VI et de Jean-Paul II. Dans cette perspective, il est vrai que l’Église aurait perdu son visage et qu’il faudrait s’opposer à Rome. Mais ces paroles sonnent fausses à l’oreille d’un catholique, et pour le moins “offensent les oreilles pies” !, offense qui révèle une erreur plus grave, une erreur doctrinale, une erreur de fond… Encore une fois se révèle l’importance inéluctable de la “question du Pape” ! ».
65) Après que pendant plus de six mois ait été utilisé le terme “conditions préalables”, Mgr Fellay s’est aperçu du fait que l’on ne peut pas poser de conditions au Pape : “il ne s’agissait pas à proprement parler, comme on l’a écrit ici et là de conditions préalables : un catholique ne peut pas soumettre Rome à des conditions !” (Mgr Fellay, interview à Pacte n° 56, été 2001, p. 3)… Mais les conditions – rebaptisées “marques” – demeurent !
66) La lettre de Mgr Fellay et la réponse d’Yves Chiron ont été publiées dans Alètheia n° 15, 24 juin 2001, pp. 2-4.
67) Le texte de la lettre a été publié dans DICI n° 15, 6 juillet 2001 et traduit en italien dans Roma felix n° spécial, août 2001, celui de l’homélie dans DICI n° 14, 29 juin 2001.
68) Mgr de Castro Mayer et Mgr Lefebvre ont embrassé substantiellement la même position sur la situation
actuelle de l’Église. Mais le prélat brésilien donnait à son clergé une formation plus romaine que le prélat français, héritier, lui, des polémiques contre Léon XIII et Pie XI propres à son pays. Par ailleurs, Mgr Lefebvre combattit vivement les sédévacantistes, les excluant de la Fraternité, alors que Mgr de Castro Mayer, qui n’était pas sédévacantiste, considérait cette position comme licite. La collaboration de ces dernières années entre les deux groupes a amené les Brésiliens à exclure avec une plus grande fermeté la solution du Siège vacant. Il devenait alors normal que vu leur plus grand respect envers le Saint-Siège et les normes canoniques (dû aussi au fait que Mgr de Castro Mayer était resté évêque résidentiel jusqu’à 75 ans, ce qui avait permis à son clergé d’exercer le ministère de façon canoniquement légitime) les “prêtres de Campos” soient plus facilement enclins à un accord avec Rome.
69) Le texte de la lettre a été publié par DICI n° 39, 25 janvier 2002.
70) DICI n° 17. Interview du 11 juillet 2001. Le journal turinois La Stampa se méprend et annonce, le 15 juillet, l’imminence de l’accord Rome-Écône.
71) Pacte n° 62, février 2002 ; Alètheia n° 25, 3 mars 2002.
72) Tous les document cités, et d’autres encore, se trouvent par ex. dans DICI, nn° 38-43. Le dossier complet des documents sur Campos – avec des notes critiques – a été publié entre autres dans Le Sel de la Terre n° 40, pp. 152-180.
73) Campos, le 18 janvier 2002. Une victoire de la Messe de Saint Pie V dans Nouvelles de Chrétienté, février 2002, n° 72.
74) Le Sel de la Terre n° 39, 2001-2002.
75) Fideliter n° 146, mars-avril 2002.
76) Texte français dans DICI n° 44, 1er mars 2002, sous le titre Le mot du Supérieur général ; dans la traduction italienne de La Tradizione cattolica n° 1 (49) 2002, le titre est plus compromettant : Communiqué officiel de S.E.R. Mgr Bernard Fellay à propos de l’accord mis au point entre l’Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney (Campos-Brésil) et le Vatican.
77) “Je n’ai jamais voulu favoriser une division de la Fraternité Saint Pie X et de ses évêques, même si aujourd’hui je suis convaincu qu’au sein de la Fraternité il ne manque pas de personnes qui n’ont plus la vraie foi en l’authentique tradition de l’Église”.