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Vacance du Saint-Siège

Réponse au numéro spécial de La Tradizione cattolica

sur le sédévacantisme (n° 1/2003, 52) - Première partie

 Par Monsieur l'abbé Francesco Ricossa

Note : cet article a été publié dans la revue Sodalitium n°55

 

Ce que le dossier promet et ne maintient pas…

Le dossier commence par un “préambule” dans lequel l’auteur expose la fin et le mode d’argumentation de son étude. Pour ce qui concerne la fin, l’auteur promet au lecteur - pour lui permettre d’avoir un jugement valide - d’expliquer “en quoi consiste la position sédévacantiste, comment elle s’articule et comment elle se justifie” (p. 6). Pour ce qui est du mode, il se propose, dans son exposition, “de contribuer à la création d’un climat de charité authentique” (ibidem). La double intention est louable, mais hélas l’auteur a manqué son but.

 

Voyons d’abord s’il a réellement cherché à expliquer en quoi consiste et comment se justifie la position sédévacantiste…

 

Le dossier prétend consacrer 20 pages à l’exposition du sédévacantisme. De fait il y consacre 2 pages

La principale difficulté pour moi à répondre au dossier sur le sédévacantisme a été de donner un ordre aux objections et aux arguments présentés de manière confuse et obscure. A cette difficulté s’ajoute celle du non respect du plan présenté dans le sommaire publié à la page 2.

 

En effet le numéro spécial est divisé en deux parties “Partie I : Qu’est-ce que le sédévacantisme” (pp. 6-22) ; “Partie II : une fausse solution” (pp. 23-62). Un tiers au moins de l’étude devrait donc être consacré, comme promis, à l’exposition de la thèse que l’on veut réfuter. Il n’en est pas ainsi. Après une introduction (pp. 6-9) le dossier aurait dû examiner, dans la première partie, les deux positions “sédévacantistes” : le sédévacantisme strict et la Thèse de Cassiciacum. A la première position - le sédévacantisme strict – est dédiée à peine plus d’une page (pp. 9-11). Quoique ne partageant pas cette position, nous sommes déconcertés devant la présentation caricaturale qui en est faite, ramenant le sédévacantisme strict (dénommé conclavisme) à une série d’antipapes qui n’ont joué aucun rôle dans l’histoire et dans l’élaboration doctrinale (dont il n’est touché mot) du sédévacantisme. A la Thèse de Cassiciacum est dédié plus d’espace (pratiquement tout le dossier, et ce pour des motifs strictement liés à l’auteur). Mais combien d’espace pour exposer la Thèse du Père Guérard des Lauriers ? En réalité la seule et unique page 11. Il en résulte que la première partie du travail (pp. 6-21) qui aurait due être consacrée à l’exposition claire et honnête des deux positions à réfuter, y consacre au maximum deux petites pages tandis que le reste de la première partie consiste en une critique anticipée des positions en question.

 

En particulier, le dossier aurait dû présenter les arguments avancés par les sédévacantistes.

Mais de ces preuves il n’y a pas trace, ce qui évite à l’auteur d’avoir à les réfuter

Un vieil axiome scolastique dit : “invoquer une difficulté n’équivaut pas à démontrer la fausseté de l’argumentation”. Le dossier, comme nous le verrons, consistera substantiellement en de continuelles variations sur un thème unique : contre le sédévacantisme le dossier avance - comme objection - la doctrine sur l’indéfectibilité de l’Église. Nous verrons ensuite comment cette objection - importante certes - n’est pas cependant probante. Mais l’exposition des preuves que nous avançons pour démontrer que le Siège Apostolique est (formellement) vacant est oubliée : un travail scientifiquement correct a le devoir d’exposer ces preuves pour démontrer ensuite leur fausseté, ce que le dossier se garde bien de faire.

 

Tout occupé à souligner (et exaspérer) les divergences existant entre les divers sédévacantismes, l’auteur oublie précisément ce point capital sur lequel l’accord est quasiment unanime : Jean-Paul II ne peut être Pape précisément en vertu du dogme de l’infaillibilité du Pape et de l’Église.

 

Or c’est justement l’infaillibilité du Pape et/ou de l’Église qui est le point de départ du sédévacantisme (que l’on prétend étudier) :

infaillibilité du magistère ordinaire universel

infaillibilité pratique dans la promulgation des lois canoniques

infaillibilité pratique dans la promulgation des lois liturgiques

infaillibilité pratique dans la canonisation des saints.

 

Or, la Fraternité Saint-Pie X admet elle-même - et défend même avec acharnement - la thèse selon laquelle il se trouve des erreurs :

dans le Concile Vatican II

dans le nouveau code de droit canon

dans le nouveau rit de la Messe et les autres réformes liturgiques

dans certaines canonisations effectuées après le Concile.

 

Par conséquent, de facto, Vatican II et les réformes qui ont suivi ne sont pas garantis par l’infaillibilité alors qu’ils auraient dû l’être. Ils ne peuvent venir de l’Église. Ils ne peuvent venir du Pape. Paul VI et Jean-Paul II qui ont promulgué et confirmé ces actes ne peuvent être l’Autorité.

 

De tout ceci - dans un dossier consacré au sédévacantisme et qui prétend en exposer les justifications – le lecteur de La Tradizione Cattolica ne trouvera pas trace (quant à l’argument propre à la Thèse de Cassiciacum sur l’absence habituelle et objective de procurer le bien/fin de l’Église chez Paul VI et Jean-Paul II, on n’en trouvera ni l’exposition ni la réfutation, mais seulement une allusion à la p. 11, note 1).

 

À elle seule, cette lacune suffirait pour discréditer complètement le dossier sur le sédévacantisme de la TC. Deux conséquences découlent de cette lacune : d’un côté, l’auteur se sent dispensé - comme nous l’avons dit - de réfuter les arguments sédévacantistes. D’autre part, il lui devient possible d’accuser les sédévacantistes de préjudice et d’apriorisme malhonnête : s’ils ne comprennent pas et vont jusqu’à déformer la théologie c’est parce que “pour eux le fait que Paul VI et ses successeurs ne soient pas Papes est une donnée tenue pour sûre et acquise ; aussi se servent-ils de Bellarmin ou bien d’autres auteurs faisant autorité non pour servir la vérité de façon désintéressée en s’efforçant honnêtement de comprendre ce qu’ils disent, mais simplement pour trouver des arguments qui démontrent une vérité escomptée et acquise dès le départ (…) même chez eux [les guérardiens] on retrouve parfois l’attitude de qui entend faire cadrer la théologie et la réalité avec un jugement déjà formulé a priori…” (p. 54) [notons que l’on trouve écrit le contraire à la p. 7 du dossier]. Évidemment, si l’on supprime les arguments qui ont porté à une conclusion aussi grave que celle du Siège Vacant, cette conclusion ne peut être que le fruit d’un préjudice, d’un apriorisme, d’un entêtement… Je demande à l’auteur si ce n’est pas tout le contraire qui est vrai : c’est-à-dire si ce ne serait pas plutôt sa position et celle des prêtres de la Fraternité qui est dictée par un jugement aprioriste fondé sur l’autorité de Mgr Lefebvre. Et plus concrètement je demande : si Mgr Lefebvre avait déclaré catégoriquement que le Siège est vacant (comme il fut plusieurs fois sur le point de le faire) l’auteur aurait-il abandonné Mgr Lefebvre ou serait-il devenu lui aussi sédévacantiste ?

 

Le dossier exagère - pour ses propres fins - les divergences entre les positions sédévacantistes

Si le dossier explique peu en quoi consiste et comment se justifie le sédévacantisme, il s’étend par contre sur la façon dont “il s’articule” (p. 6). L’auteur admet - à raison - la confusion qui a toujours été faite par la Fraternité Saint-Pie X entre les deux positions entre lesquelles “s’articule” le sédévacantisme (sédévacantisme strict et Thèse de Cassiciacum) (p. 13), mais il exagère ensuite les différences indéniables entre les deux positions pour les opposer l’une à l’autre, et réfuter l’une avec les arguments de l’autre et vice versa (cf. L’inconciliabilité entre sédévacantisme strict et Thèse de Cassiciacum, pp. 12-14). Serait-ce trop de demander que les deux positions soient présentées telles quelles sont, avec leurs différences et leurs concordances ? Pour la Thèse de Cassiciacum Jean-Paul II n’est pas formellement Pape ; à la question Jean-Paul II est-il Pape, oui ou non, la Thèse répond “non”. Cassiciacum et sédévacantisme sont formellement d’accord (1).

 

Une réflexion “sereine et impartiale” ? (p. 6)

Le dossier ne maintient donc pas ses promesses ; le lecteur n’en saura pas plus sur ce en quoi consiste et comment se justifie le sédévacantisme. Maintient-il au moins la promesse concernant le climat d’authentique charité présupposé pour pouvoir “traiter tranquillement du thème” ? Non, on ne le dirait pas, à lire que l’on attribue aux “confrères” sédévacantistes “aigreur et venin” (p. 48), raisonnements de rabbins (p. 15), ou de pharisiens (pp. 42-43) mettant plus qu’en doute leur bonne foi et leur honnêteté intellectuelle (en l’occurrence la mienne : p. 56). Et le fait même de donner la liste des pittoresques antipapes sédévacantistes (p. 9) et celle des évêques consacrés par Mgr Thuc (pp. 44-45) n’est pas “innocent”. Ma foi, il n’y a là aucune intention de “ridiculiser” l’adversaire (p. 10), même si tel sera concrètement l’effet de la publication de ces listes sur le lecteur de la Tradizione Cattolica…

 

L’intention de l’auteur était donc bonne et même sincère, j’en suis convaincu ; malheureusement elle ne s’est pas réalisée, car il existe encore trop d’animosités qui rendent difficile un débat vraiment objectif.

 

Note

1) La Tradizione Cattolica (par ex. à la p. 10) pour démontrer l’opposition absolue entre le sédévacantisme strict et la Thèse de Cassiciacum, cite volontiers mes articles contre le sédévacantisme strict, là où j’écris par exemple : “les sédévacantistes stricts se ferment à toute réponse cohérente avec la foi ou avec le bon sens à propos de l’indéfectibilité de l’Église” (“L’abbé Paladino et la Thèse de Cassiciacum - Réponse au livre Petrus es tu ?”, Verrua Savoia 2002, p. 24). Je ne renie pas ce que j’ai affirmé ici. Mais je dois cependant ajouter que cette contradiction avec l’indéfectibilité de l’Église se manifeste surtout (et toujours plus) dans la polémique contre la Thèse, comme je l’écrivais d’ailleurs dans la phrase citée et tronquée (sans que cela soit signalé au lecteur) par la TC. Nous voyons par contre dans les écrits d’un pionnier du sédévacantisme comme le Père Saenz une position bien plus voisine de la Thèse (cf. la note 19 de cet article). De même L’Union pour la Fidélité (société dirigée de 1980 à 1987 par le Père Barbara et strictement sédévacantiste) exposait de façon acceptable le problème de l’indéfectibilité et de l’apostolicité en admettant qu’existent encore “des évêques réellement catholiques, quoique défaillants dans l’exercice de la confession de la foi, et apparemment intégrés dans cette nouvelle église [de Vatican II]” (Union pour la fidélité, La situation actuelle de l’Église et le devoir des catholiques, Ed. Forts dans la Foi, Tours 1981, p. 149 et, en général pp. 131-150). Naturellement cette position pleinement sédévacantiste pour ce qui regarde le ‘pape’, mais qui admettait en certains évêques ce qu’elle refusait à Jean-Paul II, allait involontairement dans le sens de la Thèse officiellement abhorrée, comme il était souligné ironiquement dans les Cahiers de Cassiciacum (n°. 6, mai 1981, pp. 123-124 : Dernière heure : Le R.P. Barbara a [enfin] compris). Même l’abbé Grossin, grand ennemi de la Thèse, a dû contre son gré en admettre des principes fondamentaux comme il ressortira d’un autre article de ce même numéro de Sodalitium.

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