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Doctrine

Une consécration épiscopale valide est-elle nécessaire pour être Pape ?

 

Par M. l’abbé Francesco Ricossa

Note : cet article a été publié dans la revue Sodalitium n°62

 

L’occasion de cet article

Les lecteurs les plus attentifs se rappelleront que Sodalitium a déjà traité de cette question, et même à plusieurs reprises (numéros 58 et 59 par exemple). Il nous faut cependant y revenir car, en dépit de nos explications, l’idée selon laquelle Benoît XVI ne serait pas Pape parce que non validement consacré évêque fait son chemin (dans les milieux sédévacantistes, évidemment).

 

Le problème a été soulevé par certains sites internet français dont nous avons déjà parlé. Ces sites ont acquis ces derniers temps une certaine notoriété due en grande partie à ce moyen de diffusion qui permet une grande rapidité d’intervention à moindres frais. Nous ne partageons pas les thèses de ces sites, non plus que la façon de les exposer. Mais il n’est pas dans notre intention d’en parler, ici du moins. Nous nous bornerons exclusivement à l’examen de la question exposée dans le titre de cet article.

 

Tout en ne partageant pas les idées ni les méthodes de ces personnes, nous devons leur reconnaître un mérite : celui d’avoir approfondi la question de la validité du sacrement de l’Ordre administré avec le rite réformé après Vatican II, en particulier celui de la consécration épiscopale. Les écrits en question ont soulevé un débat (dans lequel tous d’ailleurs ne sont pas intervenus avec la même compétence). Les ‘dominicains’ d’Avrillé (1) ont écrit en faveur de la validité des consécrations épiscopales selon le nouveau rite ; au contraire, l’abbé Cekada (2) par exemple, a défendu la thèse de l’invalidité du nouveau rite de consécration épiscopale.

 

Notre position sur l’invalidité des nouveaux rites d’ordination

Pour sa part Sodalitium (n° 57, pp. 45-46) a repris à son compte la vieille conviction du Père Guérard des Lauriers o.p. selon laquelle, tout en maintenant fermement le principe que c’est à l’Église qu’il reviendra de donner une réponse définitive sur la question, il faut au moins admettre la probabilité de l’invalidité des consécrations épiscopales administrées selon le nouveau rite. En effet, non seulement un rite de l’Église et promulgué par l’Église ne peut être invalide, mais il ne peut rien contenir de contraire à la foi ou à la morale. Or, étant donné que la Réforme liturgique dans son ensemble, la réforme des rites du sacrement de l’ordre incluse, est moralement inacceptable et s’éloigne de façon impressionnante de la foi catholique telle qu’elle a été définie par le Concile de Trente, elle ne peut provenir de l’Église et ne peut donc être garantie par sa sainteté et son infaillibilité ; (ceux qui reconnaissent l’autorité des ‘papes’ conciliaires et dans le même temps refusent la réforme liturgique, doivent encore nous expliquer comment il est possible que cette réforme puisse venir de l’Église et de son Chef et être en même temps moralement inacceptable). Il s’ensuit que celui qui aurait reçu l’épiscopat, le sacerdoce ou les autres ordres avec le rite réformé ou reçu d’un évêque consacré avec le rite réformé, devrait être à nouveau ordonné “sub conditione”. La question devient d’autant plus urgente qu’avec l’augmentation du nombre de prêtres qui célèbrent avec l’authentique missel romain promulgué par saint Pie V, il y a risque que certains d’entre eux, peut-être sans le soupçonner, ne soient pas validement ordonnés et consacrent donc invalidement.

 

Une nouvelle théorie “sédévacantiste-lefebvriste”…

Mais certaines personnes prétendent tirer de ce fait d’autres conséquences.

 

Si le nouveau rite de consécration épiscopale est invalide, alors Joseph Ratzinger, consacré précisément avec ce rite, ne serait pas évêque. Et puisque le Pape est évêque de Rome, il serait démontré par le fait même et par ce seul argument que Joseph Ratzinger n’est pas non plus Pape.

 

Enfin, avec ce même argument, l’on voudrait démontrer que la Thèse de Cassiciacum, défendue et exposée par le Père Guérard des Lauriers et selon laquelle l’occupant du Siège apostolique (du moins depuis 1965) n’est pas formellement Pape, tout en le demeurant encore matériellement, aurait perdu toute validité et probabilité avec précisément l’élection de Joseph Ratzinger lequel, n’étant pas évêque (consacré) ne pourrait être ‘pape’ même matériellement.

 

Il y a plus : selon ces auteurs, le Père Guérard des Lauriers lui-même – s’il était encore vivant – arriverait à cette conclusion et penserait que la Thèse de Cassiciacum n’a plus aucune probabilité d’être vraie, comme il pourrait être démontré par certaines de ses propres affirmations. Sur ces deux derniers points ces écrivains “sédévacantistes” (mais dévots à la mémoire et à l’œuvre de Mgr Lefebvre) trouvent l’appui d’une revue “lefebvriste” italienne, selon laquelle les disciples du Père Guérard devraient logiquement abandonner la Thèse de Cassiciacum, puisque si Benoît XVI n’est pas évêque, il ne peut être Pape ni formellement ni même matériellement.

 

… qui critique la Thèse de Cassiciacum sans la connaître

Avant d’examiner une nouvelle fois la (l’in)consistance de ces affirmations, rappelons brièvement aux lecteurs la signification des expressions utilisées par la Thèse dite de Cassiciacum : “l’actuel occupant du Siège apostolique n’est pas Pape formaliter, tout en étant encore ‘pape’ matérialiter”. En effet, et cela semble incroyable, il y a encore des gens qui écrivent sur la Thèse de Cassiciacum et prétendent en démontrer la fausseté, sans en avoir toutefois compris l’énoncé. Je donnerai pour exemple un article récent (29 décembre 2008 ; arguments repris ensuite le 13 janvier 2009) paru sur l’un de ces sites internet où il est écrit : “Sodalitium (abbé Ricossa) se livre à une critique de cette commission [la commission canonique de la Fraternité Saint Pie X, qui s’arroge entre autres le pouvoir d’annuler les mariages, d’approuver de nouvelles congrégations religieuses, d’exercer – en un mot – des pouvoirs réservés au Saint-Siège, n.d.r.], en faisant valoir que la FSPX – qui prétend exiger de tous la reconnaissance de la légitimité des Papes conciliaires – ne saurait s’arroger une juridiction qui n’appartient qu’au Pape et aux instances qu’il a mises en place, en se basant sur la thèse dite de Cassiciacum, du pape materialiter (possédant encore la juridiction) mais non formaliter (prêchant l’hérésie, et donc étant déchu de son Magistère). Or cette thèse s’avère aujourd’hui caduque, elle n’a plus de base logique, car désormais le prétendu ‘pape materialiter’, l’abbé apostat Ratzinger-Benoît XVI n’est pas sacré validement évêque catholique (ce que reconnaît dans le même temps l’abbé Ricossa). Ratzinger-Benoît XVI ne possédant pas la plénitude du Sacerdoce (potestas ordinis episcopale) de Melchisedech, n’est pas ontologiquement évêque catholique. Il ne peut donc être reconnu pape, ni materialiter ni formaliter”.

 

On prétend combattre la Thèse de Cassiciacum mais, disions nous, on prouve ne pas la connaître du tout. Dire que pour la Thèse de Cassiciacum être ‘pape’ materialiter signifie que ledit ‘pape’ “a encore la juridiction” est une énormité. La Thèse de Cassiciacum en soutenant que quelqu’un n’est pas Pape formaliter, entend dire qu’il n’a pas “l’être avec” de Jésus-Christ, la divine assistance, et donc pas même le pouvoir non seulement de magistère mais aussi de juridiction. Affirmer qu’un Pape pourrait avoir le pouvoir de juridiction mais pas celui de magistère est une absurdité. Être encore ‘pape’ materialiter signifie seulement être le sujet canoniquement désigné pour occuper le Siège apostolique (du moins jusqu’à déclaration contraire de la part de l’Église). Certes, un bon catholique n’est pas tenu à connaître la Thèse de Cassiciacum pour rester bon catholique ; mais qui prétend démontrer qu’elle est fausse, ne peut toutefois en ignorer au moins les points fondamentaux.

 

Fermons la parenthèse et passons à l’examen de la question : Benoît XVI n’est pas Pape et ne peut l’être, ni materialiter ni formaliter, parce qu’il n’a (peut-être) pas été validement consacré évêque. C’est ce que pensent nos objecteurs, et c’est ce que nous nions. Venons-en aux preuves.

 

Origine de l’erreur : un faux concept de l’épiscopat, paradoxalement semblable à celui de Vatican II

Ce n’est pas la première fois que nous avons l’occasion de le faire remarquer : la racine de l’erreur de ces “sédévacantistes et/ou lefebvristes” consiste dans une conception erronée de l’épiscopat, absolument semblable à celle défendue par Vatican II dans la “constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium”. Nous avons traité cette question de manière approfondie dans l’article intitulé “L’Évêque dans Vatican II et dans le Magistère de l’Église. Confrontation des doctrines” (Sodalitium n° 59, pp. 5-38).

 

Dans cet article, je rappelais les prescriptions canoniques post-conciliaires. Selon le nouveau code de droit canon voulu par Jean-Paul II, “par la consécration épiscopale les évêques reçoivent avec la charge de sanctifier, celles d’enseigner et de gouverner…” (can. 375 § 2), et, toujours en vertu de la consécration épiscopale, ils sont faits membres du “Collège des évêques” (can. 336). Le même principe vaut pour le Souverain Pontife, qui est évêque de Rome : selon les constitutions apostoliques Romano Pontifici eligendo de Paul VI (1er octobre 1975) et Universi Dominici gregis de Jean-Paul II, l’élu du conclave qui n’aurait pas été consacré évêque n’est pas Pape tant qu’il n’a pas été consacré, ce qui doit se faire aussitôt (cf. Sodalitium n° 59, p. 5).

 

Le code réformé aussi bien que les constitutions apostoliques post-conciliaires sont une application de la doctrine de Vatican II sur l’épiscopat exposée dans Lumen Gentium (chap. III, n° 21) et dans Christus Dominus, doctrine selon laquelle c’est la consécration épiscopale – qui est sacramentelle – qui donne à l’évêque non seulement le pouvoir d’ordre mais aussi celui de juridiction et de magistère, l’intégrant, de plus, dans le collège épiscopal.

 

Si l’on suit cette doctrine conciliaire qui est aussi l’un des piliers fondamentaux de l’œcuménisme “catholique”, on arrive en effet aux conclusions théorisées par nos objecteurs : si l’on réussit à démontrer que Joseph Ratzinger n’a pas été validement consacré, et si la consécration épiscopale est indispensable pour être Pape, alors on peut légitimement conclure que – même pour ce simple motif – Joseph Ratzinger n’est pas le Souverain Pontife. Toutefois, même dans la perspective vatican-secondiste, je n’arrive pas à comprendre comment l’éventuelle invalidité de la consécration épiscopale de Joseph Ratzinger démontrerait qu’il n’est pas non plus ‘pape’ materialiter. Le ‘Pape’ materialiter est celui qui a été élu par le conclave, et n’a cependant pas encore reçu de Dieu l’assistance divine, et par conséquent le charisme de l’infaillibilité, le pouvoir de juridiction et de magistère. Or même dans la perspective de Vatican II, adoptée par les sédévacantistes et les lefebvristes, Joseph Ratzinger serait un bel exemple de ‘pape’ materialiter mais non formaliter, en tant qu’élu canoniquement, mais pas encore Pape du fait de la … consécration épiscopale reçue invalidement !

 

Selon la doctrine catholique, par contre, la juridiction épiscopale ne dérive pas de la consécration épiscopale (doctrine certaine). Si un laïc est élu et accepte, il est déjà Pape (Pie XII) même avant d’être consacré

Nous l’avons abondamment répété et à plusieurs reprises : la première fois en défendant la licéité de la consécration épiscopale de Mgr Guérard des Lauriers (Digitus Dei non est hic : Réponse à l’article ‘Les filles de Lot’ de l’abbé Belmont – Le débat sur l’épiscopat continue : la ‘thèse Belmont’ revue et corrigée dans Sodalitium n° 44, 1997), puis dans l’article cité ci-dessus sur la Collégialité épiscopale (Sodalitium n° 59, spécialement aux pp. 13-15). Je ne reviendrai pas sur la question une énième fois, ce pour quoi je renvoie le lecteur aux auteurs cités dans ces articles, et surtout aux textes du magistère, jusqu’à celui de Pie XII, plus récent et particulièrement clair, dans au moins trois encycliques : Mystici corporis (1943), Ad sinarum gentes (1954), Ad Apostolorum principis (1958).

 

Je me bornerai à citer un discours parfaitement clair de Pie XII, prononcé en français au IIème Congrès mondial de l’apostolat des laïcs ; ce congrès se teint à Rome le 5 octobre 1957 (Discorso Six ans, in Discorsi e radiomessaggi di SS Pio XII, vol. XIX, p. 457, Tipografia poliglotta Vaticana, 1958. Discours Six ans, Documentation catholique, n° 1264, p. 1415) :

 

“Si un laïc était élu Pape, il ne pourrait accepter l’élection qu’à condition d’être apte à recevoir l’ordination et disposé à se faire ordonner ; le pouvoir d’enseigner et de gouverner ainsi que le charisme de l’infaillibilité lui seraient accordés dès l’instant de son acceptation, même avant son ordination”.

 

Laissons pour le moment de côté la condition que le Pape Pacelli pose à l’acceptation de l’élu ; il nous suffira de considérer que ce laïc, élu à la papauté, peut avoir le pouvoir de juridiction et de magistère, avec le charisme de l’infaillibilité, et donc être vraiment Pape (formaliter), immédiatement, étant encore laïc et avant d’avoir reçu la consécration épiscopale (et même l’ordination sacerdotale), contrairement aux prétentions de ces nouveaux et originaux “sédévacantistes”.

 

Dans ce discours, Pie XII ne faisait rien d’autre qu’appliquer la doctrine catholique sur l’origine de la juridiction épiscopale et les constitutions apostoliques réglant l’élection du Souverain Pontife, dont il avait lui-même promulguée la dernière le 8 décembre 1945, Vacantis apostolicæ sedis (cf. les nn. 101 et 107 de cette constitution).

 

Une objection : si le laïc élu Pape n’est pas consacré dans la semaine qui suit, aura-t-il jamais été Pape ?

Le site internet auquel nous faisions allusion, toujours dans le texte du 29 décembre 2008, poursuit :

 

“En effet, un élu à la papauté (fut-il un simple laïc) doit, après avoir accepté publiquement son élection, accepter par là même de recevoir la plénitude des Ordres sacrés dans la semaine qui suit son élection. Si cela n’a pas été effectué de par sa propre carence, l’acceptation publique de son élection – qui le constitue Pape – doit être réputée nulle et non avenue et avoir été insincère, et par conséquent il doit être tenu par tout catholique pour n’avoir jamais été Pape sous quelque rapport que ce soit. Ratzinger-Benoît XVI ne peut donc être reconnu comme ‘pape materialiter’ car cela reviendrait à lui reconnaître une puissance (la juridiction comme ‘pape materialiter’) sans l’être. Ce qui serait une aberration philosophique de premier ordre. Qu’un thomiste affiché comme l’abbé Ricossa puisse soutenir une telle aberration a de quoi surprendre… La thèse materialiter/ formaliter étant aujourd’hui définitivement caduque depuis l’avènement de l’abbé apostat Ratzinger-Benoît XVI, cela signifie qu’il n’y a plus en ce moment de juridiction pontificale d’un pape régnant sur terre”.

 

Après cette série d’absurdités (nous avons déjà expliqué, par exemple, que le ‘pape’ materialiter n’a pas le pouvoir de juridiction), l’auteur de l’article en ajoute une autre, en reconnaissant dans les évêques de la Fraternité Saint-Pie X la continuité de l’Église, et dans la Commission canonique voulue par Mgr Lefebvre, un début d’Église de suppléance. Remarquons en passant que la négation de la Thèse de Cassiciacum conduit souvent à cette dérive que Mgr Guérard des Lauriers appelait “sessionite créativiste”, c’est-à-dire à la nécessité logique d’inventer une pseudo-église et une pseudo-hiérarchie pour remplacer l’Église et la Hiérarchie que l’on considère comme irrémédiablement défuntes (du moins dans la pratique). Mais revenons à nos moutons…

 

L’auteur anonyme du passage cité ne donne aucune référence à l’appui de ce qu’il dit (nécessité d’être consacré dans le délai d’une semaine, sous peine de ne jamais avoir été Pape) ; il est probable qu’il se rappelait vaguement le texte de Pie XII auquel nous nous sommes référés, sans savoir d’où il était extrait.

 

Dans la Constitution apostolique de Pie XII il est seulement établi que le nouveau Pontife doit être consacré prêtre ou évêque par le Doyen du Sacré Collège, sans que soit prescrit un temps déterminé pour accomplir le rite. Aucun délai déterminé (une semaine ou autre) n’est mentionné non plus dans le discours Six ans dont il est question ci-dessus (et même si un temps déterminé était fixé ailleurs, on devrait prouver qu’il est établi de droit divin !) (3). Pie XII spécifie seulement que ne serait pas valide l’acceptation et non l’élection de l’élu à la papauté, si celui-ci n’était pas apte à recevoir la consécration épiscopale, ou ne voulait pas la recevoir. Notons donc déjà que le simple fait de ne pas être disposé à recevoir la consécration épiscopale ne comporte pas, par le fait même, la nullité de l’élection (qui constitue le sujet ‘pape’ materialiter) mais de l’acceptation (à la suite de laquelle Dieu donnerait à l’élu l’autorité et la divine assistance le constituant ainsi Pape formaliter). Tant que les électeurs ne constatent pas légalement qu’il n’y a pas eu acceptation, et tant qu’ils ne procèdent pas à une nouvelle élection, l’élu demeure donc ‘pape’ materialiter, encore capable de changer d’avis, d’enlever l’obstacle qui dépend de son intention de ne pas être consacré, devenant ainsi, dans l’instant même, Pape formaliter, avant même d’être consacré évêque.

 

Appliquons maintenant ce cas hypothétique à celui de Joseph Ratzinger.

 

Pour pouvoir démontrer que n’étant pas consacré validement il n’est pas non plus Pape formaliter, il faudrait :

 

a) démontrer avec certitude que sa consécration est invalide

b) démontrer avec certitude qu’il en est conscient et que par conséquent il ne veut pas être validement consacré

 

Ces deux points a) et b) une fois démontrés, il serait démontré aussi que, pour ce seul motif, il ne peut être véritablement Pape (formaliter). Par contre il ne serait pas encore démontré qu’il ne peut pas même être ‘pape’ materialiter, autrement dit la personne désignée à la papauté qui n’a pas encore (validement) accepté la désignation en question. Je dirais même plus, ce cas hypothétique serait une parfaite illustration de la Thèse dite de Cassiciacum : c’est-à-dire qu’il expliquerait, à titre d’exemple, comment un sujet élu au pontificat (‘pape’ materialiter) peut ne pas être vraiment Pape (formaliter) à cause d’un obstacle posé par une intention contraire qui peut cependant être rétractée et qui n’est pas, en soi, liée à l’hérésie de l’élu.

 

En réalité l’argument ne démontre pas non plus que Joseph Ratzinger n’est pas vraiment Pape (formaliter), en ce sens que :

 

a) même un laïc, à plus forte raison un prêtre, peut être vraiment Pape s’il accepte l’élection (Pie XII)

a1) et de toute façon il n’est pas démontré avec une absolue certitude que Joseph Ratzinger n’a pas été consacré validement évêque

b) et quoiqu’il en soit, même s’il était démontré avec une absolue certitude que sa consécration épiscopale était invalide puisque effectuée avec le rite réformé, on ne voit pas comment démontrer qu’il sait, croit et pense ne pas être évêque, et par conséquent refuse par principe d’être consacré évêque catholique.

 

En effet, répétons-le, pour Pie XII ce n’est pas le fait de ne pas être consacré évêque qui rend invalide l’acceptation de l’élu à la papauté (il est dit le contraire : un non Évêque est immédiatement Pape) mais l’intention de ne pas être consacré évêque. Si donc, malgré l’intention d’être évêque, le Pape ne l’est pas de fait (quant au pouvoir d’ordre), il est véritablement et légitimement Pape ; il n’a pas, de fait, une intention contraire à celle que Pie XII a déclarée nécessaire pour accepter l’élection.

 

Or, le point a) est explicitement enseigné par Pie XII. Le point a1) se démontre facilement : l’Église ne s’est pas encore officiellement prononcée sur la validité du nouveau rite du sacrement de l’Ordre (comme le fit au contraire Léon XIII avec les ordinations anglicanes, mettant fin à toute discussion à ce sujet). Quant au point b) comment est-il possible de savoir si, au for interne, Ratzinger est convaincu de l’invalidité du nouveau rite et sait être un imposteur, ou si au contraire il est convaincu de la validité de ses ordres sacrés ? Même si les “traditionalistes” d’Avrillé ou d’Écône se disent convaincus de la validité de son ordination épiscopale ? Nous n’avons pas d’arguments certains, et pas même seulement conjecturaux à ce sujet.

 

Convaincu que Ratzinger n’est pas véritablement Pape (formaliter) et aussi que cela est démontré, Sodalitium pense cependant que l’argument se basant sur l’invalidité de la consécration épiscopale de Benoît XVI est un faux argument, qui n’est pas probant et doit donc être mis de côté.

 

Une objection ‘ad hominem’ : pour Mgr Guérard un tel ‘pape’ serait “un figurant”

À ce que nous avons dit s’opposerait, comme plusieurs personnes nous l’ont signalé, un texte de Mgr Guérard des Lauriers :

 

“Une telle perpétuation [de la hiérarchie purement matérielle] n’est pas, ex se, impossible. Elle requiert cependant expressément des Sacres épiscopaux qui soient certainement valides. Et comme le nouveau rite est douteux, les ‘occupants’ (du Siège apostolique) ne seront bientôt plus que des figurants” (Sodalitium n° 13, p. 21).

 

Certains “sédévacantistes” ou “lefebvristes” (quoiqu’avec des finalités opposées) en déduisent que si Benoît XVI est un figurant il n’est même pas ‘pape matériellement ou en puissance’, auquel cas la Thèse de Cassiciacum s’effondrerait en faveur du siège totalement vacant. Sodalitium devrait donc avoir la cohérence ou bien d’accepter la vacance totale du siège apostolique, ou bien de reconnaître la légitimité de Benoît XVI, sans plus soutenir la thèse materialiter/formaliter.

 

À cette objection, nous avons déjà répondu dans cet article de même que dans un précédent numéro de Sodalitium (n° 57, p. 45 ).

 

Qu’entend dire alors Mgr Guérard lorsqu’il écrit qu’un tel élu, douteusement consacré, serait “un figurant” ? Notons que Mgr Guérard n’écrit pas qu’un tel élu ne serait plus ‘pape materialiter’, mais qu’il serait ‘un figurant’, ce qui n’est pas la même chose. Déjà, un ‘pape materialiter’ qui prétend l’être aussi ‘formaliter’ est de ce point de vue, un figurant, c’est-à-dire prétendant avoir une autorité et une assistance divine qu’il n’a pas. Privé aussi de la consécration épiscopale, un tel élu serait encore plus figurant, en ce qu’il prétendrait être évêque de Rome sans l’être, non seulement quant au pouvoir de juridiction, mais aussi quant au pouvoir d’ordre. Il demeurerait toutefois ‘pape materialiter’, au moins parce que l’Église n’a pas pourvu autrement en ce qui concerne son élection, et parce qu’il est toujours possible que l’élu du Conclave ôte les obstacles qui l’empêchent – actuellement – d’être divinement assisté. Dans le cas d’une décision, à souhaiter bien que pour l’instant invraisemblable, de Benoît XVI ou d’un successeur, d’ôter tout obstacle, confirmant ses frères dans la foi et, donc, condamnant les erreurs modernes, inévitablement se poserait le problème de la réforme liturgique et de la validité des nouveaux rites sacramentaux ; et au cas où l’Église devrait se prononcer pour l’invalidité du sacrement de l’ordre et de la consécration épiscopale conférés avec les nouveaux rites, ou pour la persistance du doute, l’élu du Conclave non consacré (ou douteusement consacré) serait, en temps voulu, consacré (simpliciter ou sub conditione), ce qui suppose que dans l’Église soit demeurée et demeure encore et toujours la transmission valide et licite du sacerdoce et de l’épiscopat.

 

Mgr Guérard ne voulait donc pas déclarer que la Thèse de Cassiciacum était sur le point de devenir caduque par le fait que les nouveaux rites du sacrement de l’Ordre et de l’épiscopat sont douteusement valides, il voulait seulement – et tout le contexte d’un article favorable aux consécrations épiscopales sans mandat romain dans la situation actuelle de l’autorité dans l’Église le confirme – argumenter en faveur d’une nécessité : celle de maintenir dans l’Église la transmission non seulement valide (ce qui est assuré par les rites orientaux) mais aussi licite et sainte du sacerdoce et de l’épiscopat, pour la continuité de la Mission de Jésus-Christ, de la hiérarchie ecclésiastique et de la papauté elle-même (materialiter puis formaliter).

 

En effet, bien que le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction soient réellement distincts, et peuvent par conséquent être séparés de fait ; bien qu’il y ait dans l’Église des Ordinaires qui n’ont pas reçu la consécration épiscopale (Abbés nullius, Vicaires et Préfets apostoliques) mais ont le pouvoir de juridiction, et des évêques consacrés privés de toute juridiction (comme les évêques titulaires), il n’en reste pas moins vrai que la hiérarchie est une, et que par conséquent, normalement, l’évêque réunit en soi le pouvoir d’ordre et celui de juridiction ; et bien que la consécration épiscopale ne donne pas à l’évêque consacré le pouvoir de juridiction (contrairement à ce qu’affirme Vatican II), elle lui confère une aptitude propre et une certaine exigence à la juridiction (4).

 

Il n’est donc pas impossible que quelqu’un ait (en acte, ou puisse avoir en puissance) le pouvoir de juridiction sans l’Ordre épiscopal, ou ait l’ordre épiscopal sans aucune juridiction (comme c’est le cas aussi des évêques consacrés sans mandat pour continuer la “Missio”) ; mais il serait impossible, parce que contraire à la divine constitution de l’Église, que l’épiscopat disparaisse complètement de l’Église, tant en ce qui concerne la juridiction (et là il suffit qu’il y ait la puissance même sans l’acte) qu’en ce qui concerne l’Ordre (ce pour quoi sont nécessaires des consécrations épiscopales certainement valides) : et c’est ce que Mgr Guérard voulait démontrer. Mais pour ce qui est de la possibilité que l’élu à la papauté puisse ne plus être ‘pape’ materialiter, Mgr Guérard des Lauriers s’empressa, dans l’article cité, de donner le critère qui permette de l’affirmer : “La personne physique ou morale qui a, dans l’Église, qualité pour déclarer la vacance TOTALE du Siège Apostolique est IDENTIQUE à celle qui a, dans l’Église, qualité pour pourvoir à la provision du même Siège apostolique” (Sodalitium n° 13, p. 22).

 

La règle “impérieuse et évidente” rappelée par Mgr Guérard des Lauriers, pour que l’on puisse déclarer que le Siège apostolique n’est pas occupé materialiter ne s’est certainement pas réalisée avec l’élection de Benoît XVI, ni ultérieurement ; elle consiste en effet en ceci : l’occupant du Siège apostolique ne cessera d’être ‘pape’ materialiter que lorsqu’il y aura un vrai Pape (formaliter), lui-même ou un autre sujet (élu par qui a le pouvoir de le faire dans l’Eglise) (5) à sa place. Mgr Guérard des Lauriers toujours (ibidem) soutient que même au cas où l’on démontrerait que l’élection du Conclave était invalide (du fait d’un obex touchant les électeurs ou l’élu), cet élu serait encore “du moins provisoirement ‘pape’ materialiter”, jusqu’à ce que la personne physique ou morale habilitée à le faire dans l’Église, déclare la nullité de cette élection. Il est donc évident que même aujourd’hui, conformément à sa pensée, Mgr Guérard soutiendrait que Benoît XVI est encore ‘pape’ materialiter.

 

Une objection possible qui se fonde sur les prescriptions canoniques concernant l’évêque diocésain

Nous avons vu, dans le cas du Pape, qu’aucun temps déterminé n’est prescrit pour que l’élu soit consacré évêque (au cas où il ne le serait pas déjà évidemment).

 

Cependant nos adversaires pourraient être tentés d’appliquer au Pape les prescriptions du Code de droit canon. Le code wojtylien, au can. 375 § 2, établit que l’évêque reçoit la charge de gouverner et d’enseigner par la consécration épiscopale ; et ce, en parfaite conformité avec Lumen Gentium. Par contre le Code de Benoît XV de (1917) prévoit, en conformité avec le magistère de l’Église, que l’élu à l’épiscopat devient effectivement et à plein titre évêque d’un diocèse grâce à la “provision ou institution canonique” (can. 332 § 1) reçue du Pontife romain (“Cuilibet ad episcopatum promotum, etiam electo, presentato vel designato a civili quoque Gubernio, necessaria est canonica provisio seu institutio, qua Episcopus vacantis diocesis constituitur, quæque ab uno Romano Pontefice datur”).

 

La consécration épiscopale est un acte ultérieur, effectué sur quelqu’un qui est déjà évêque, à tous les effets, quant à l’enseignement et à la juridiction.

 

Toutefois, le Code fixe un délai dans lequel doit se faire cette consécration épiscopale :

 

“Nisi legitimo impedimento prohibeatur, promotus ad episcopatum, etiamsi S.R.E. sit Cardinalis, debet, intra tres menses a receptis apostolicis litteris, consecrationem suscipe, et infra quatuor ad suam dioecesim pergere, salvo præscripto can. 238 § 2”. (canon 333)

 

S’il n’y a pas empêchement légitime, l’évêque doit donc être consacré dans les trois mois suivant la réception des lettres apostoliques. Mais il y a plus. Le canon 2398 prévoit en effet que :

 

“Si quis ad episcopatum promotus, contra præscriptum can. 333 intra tres menses consecrationem suscipere neglexerit, fructos non facit suos, fabricæ ecclesiæ cathedralis applicandos ; et si postes in eadem negligentia per totidem menses perstiterit, episcopato privatus ipso iure manet”.

 

Donc si, par sa faute, le nouvel évêque n’est pas consacré dans les six mois, il perd par le fait même l’épiscopat ! Or, le Pape n’est-il pas l’évêque de Rome ? Et donc, ne peut-on pas dire que six mois après son élection, Joseph Ratzinger, invalidement consacré, a cessé d’être Pape (s’il l’a jamais été) ?

 

Même cette dernière tentative est infructueuse.

 

En effet, ce qui est sanctionné par la loi canonique oblige le sujet, non le législateur, et ne concerne pas le Pape. Les lois qui régissent l’élection du Pape se trouvent dans la Constitution de Pie XII citée ci-dessus, et non dans les canons du Code de droit canonique.

 

D’autant plus que, tandis que l’évêque, recevant son autorité du Pape, suprême législateur ecclésiastique, peut en être privé par le Pape (comme dans le cas du canon 2398), on ne peut pas en dire autant du Pape qui reçoit son pouvoir de Dieu, et non de l’Église ou d’une autorité humaine.

 

Le droit positif à propos de l’évêque diocésain ne s’applique donc pas au Souverain Pontife ; mais ne peut-on penser que ce qui est prescrit par le Code est en réalité de droit divin ?

 

Absolument pas. Ce qui est prescrit par le Code est une mesure disciplinaire introduite par le concile de Trente (session VII, de reformatione, c. 9 ; sessione XXIII, de reformatione, c. 2). Le Concile entendait ainsi extirper divers abus concernant la résidence de l’évêque. Avant la Réforme catholique, en effet, il n’était pas rare qu’un évêque, appartenant le plus souvent à une grande famille, ne réside pas dans son diocèse et ne reçoive même pas la consécration épiscopale, se contentant d’encaisser les revenus du diocèse et gouvernant par l’intermédiaire des évêques auxiliaires lesquels, consacrés, administraient les confirmations et les ordres sacrés. Parmi les nombreux exemples des coutumes de l’époque, je citerai le Pape Pie III Piccolomini. Lorsqu’il fut élu en 1503, on dut le consacrer évêque ; pourtant il avait été évêque de Sienne pendant quelque chose comme 43 ans ! Durant ces longues 43 années Piccolomini, avec l’autorisation de son oncle, le Pape Pie II, avait été évêque de sa ville natale sans avoir été consacré ni même avoir été ordonné prêtre, et ce sont des auxiliaires qui le remplaçaient dans ses fonctions sacramentelles. Il s’agit certes d’une décadence de la discipline, justement réformée à Trente, mais cette décadence dans la discipline n’était pas contraire à la loi de l’époque et ne s’opposait donc pas, en soi et à strictement parler, à la nature de l’épiscopat, étant donnée la distinction entre ordre et juridiction. La loi passée du Tridentin au Code est donc de droit positif, et ne peut être appliquée au cas du Souverain Pontife (6).

 

Conclusion

Pour conclure, nous voudrions rappeler – brièvement et clairement – l’opinion de notre Institut et de notre revue sur ces questions plusieurs fois soulevées et qui font l’objet de cet article :

 

La réforme liturgique voulue par Paul VI après Vatican II, avec une finalité œcuménique, ne peut venir de l’Église catholique, et par conséquent de son autorité légitime.

 

De ce fait, les nouveaux rites du sacrement de l’Ordre ne jouissent pas des garanties propres à tout rite de l’Église catholique : sainteté, licéité, validité.

 

Vu que Joseph Ratzinger a été consacré avec le nouveau rite, sa consécration épiscopale est douteuse.

 

Avoir reçu la consécration épiscopale n’est pas indispensable pour être Souverain Pontife (Pie XII). Joseph Ratzinger n’est pas formellement Pape non parce que sa consécration épiscopale est douteusement valide, ni même parce qu’il serait formellement hérétique, mais parce qu’il n’a pas l’intention objective et habituelle de réaliser le bien et la finalité de l’Église. Vouloir appliquer Vatican II et ses réformes est en effet incompatible avec la réalisation de la finalité de l’Église.

 

Élu au Pontificat suprême, Joseph Ratzinger est encore ‘pape’ matériellement.

 

L’unique autorité qui pourrait déclarer que Joseph Ratzinger n’est pas ‘pape’ matériellement est celle de l’Église, autrement dit – durant le siège vacant – le collège des Cardinaux ou bien le Concile général imparfait.

 

Le temps qui passe et le prolongement de la “crise” qui secoue l’Église, loin de rendre caduque la thèse théologique du Père Guérard des Lauriers o.p. la rend encore plus actuelle. Notre Institut et la revue demeurent fidèles à cette thèse théologique qui leur permet d’éviter les graves conséquences inhérentes aux autres opinions et choix concrets et opposés à la Thèse de Cassiciacum, qui ont pris naissance chez les catholiques voulant demeurer attachés à la Tradition de l’Église, qu’il s’agisse du sédévacantisme complet, du lefebvrisme ou de l’acceptation de Vatican II (Ecclesia Dei).

 

La Thèse de Cassiciacum ne deviendra caduque, quand Dieu voudra, que lorsque, avec l’éradication de l’hérésie moderniste, la crise ouverte par Vatican II prendra fin.

 

Notes

1) F. Pierre-Marie, Sont-ils évêques ? Ed. du Sel.

2) L’abbé CEKADA a écrit quatre articles à ce sujet: 1- Absolutely Null and Utterly void (2006) [Absolument nulles et complètement invalides] 2- Why the new Bishops are not true bishops ? (2006) [Pourquoi les nouveaux évêques ne sont pas de vrais évêques] 3- Still null and still void (2007) [Toujours nulles et toujours invalides] 4- New Bishops, empty tabernacle [Nouveaux Évêques, tabernacles vides] Sur www.traditionallmass.org/articles.

3) Ce qui est évidemment impossible, puisque sur ce point les us et coutumes ont changé plusieurs fois dans l’histoire, comme on peut le lire, entre autres, dans Gaetano Moroni, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, Venezia, Tipografia Emiliana, 1842, vol. 16, pp. 305-317. Jusqu’au Xème siècle, les élus au Pontificat romain n’étaient pas évêques, et souvent pas même prêtres, à cause du principe de l’inamovibilité de l’évêque. De fait, la première exception à la règle, avec l’élection en 891 du Pape Formose qui était évêque, fit impression. À cette époque-là on pensait que le règne du Pape commençait avec la consécration mais, laissant de côté les questions de théologie positive (cf. la note 46 dans Sodalitium n° 59, p. 34), on doit considérer que de toutes façons l’autorité papale ne dérive pas de la consécration elle-même mais – avec l’acceptation de l’élu – de Dieu même. L’obligation abusive imposée par les Empereurs d’Orient de communiquer à Constantinople (ou à l’exarque de Ravenne) la nouvelle de l’élection avant la consécration retardait beaucoup l’accomplissement du rite sacré qui précédait souvent l’intronisation. Les derniers Pontifes consacrés après l’élection furent Clément XI en 1700, Clément XIV en 1769, Pie VI en 1775 et Grégoire XVI en 1831 : tous furent effectivement consacrés dans un laps de temps allant de 4 à 10 jours environ. Mais il n’en fut pas toujours ainsi : Jean V fut élu en mars et consacré en août (898) ; Gélase II élu en janvier attendit jusqu’en mars 1118 (il n’était même pas prêtre) ; le grand Innocent III fut élu le 8 janvier, ordonné prêtre le 21 février et évêque le lendemain (1198) ; Adrien V mourut en 1276, 39 jours après l’élection, sans avoir même été ordonné prêtre, et pourtant il est considéré par tous comme un Pape légitime, et c’est le cas qui nous paraît le plus frappant. En réalité, tout comme le couronnement, l’éventuelle consécration a lieu à la date choisie par le Pape.

4) F. RICOSSA, La question de l’épiscopat : Réponse à l’abbé Belmont. Le Débat sur l’épiscopat continue…, Sodalitium n° 44, pp. 26-29 ; F. RICOSSA, L’Épiscopat dans Vatican II et dans le magistère de l’Église. Confrontation des doctrines, dans Sodalitium, n° 59, spécialement à la note 44. Selon la Nota prævia à Lumen Gentium, la consécration donne à l’évêque ontologiquement le pouvoir de juridiction, même s’il n’est pas libre quant à son exercice.

5) Cf. F. RICOSSA, L’élection du Pape, dans Sodalitium n° 54, pp. 5-17.

6) Un petit détail aide à comprendre que le cas du Pape est bien différent de celui des autres évêques. La Constitution apostolique du Pape Pie XII, “Vacantis Apostolicæ Sedis” du 8 décembre 1945 prévoit au n°107 que le nouveau Pontife peut ne pas être évêque et même prêtre, et doit donc être ordonné prêtre et ensuite consacré. Pour l’évêque résidentiel, par contre, le Code prévoit au canon 331 § 1, 3° que le nouvel Évêque doit être prêtre depuis au moins cinq ans.

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